Numéro 12. Une très grande mélancolie arabe

Il est 23h et le passé est décevant. On ne s’y fera jamais. Notre mélancolie a grandi en s’en apercevant. Nous sommes nés avec des regrets. Des déceptions de moments même pas vécus, on est nés et on a été déçus par ce qui venait de se passer. Comment c’est possible d’en arriver là, et d’arriver à ce moment-là ? Lamia Ziadé est née en 1968 à Beyrouth et ça n’a pas suffi pour désamorcer le temps, les années d’avant allaient dynamiter celles d’après. Lamia Ziadé dessine et écrit un siècle au Proche-Orient, ça s’appelle Ma très grande mélancolie arabe. Il y a des semblants de vie : une Opel Astra qui court vers le Sud, une bière Almaza, le soleil – et puis très vite, un cimetière près de la ville de Tyr. Et très vite, une histoire comme un immense cimetière, de martyrs, d’attentats, d’assassinats. Lamia Ziadé dessine tout ce qui tente d’avoir une vie longue et qui a été stoppé : des visages de jeunes filles, le musée de Beyrouth ou une enseigne dans le centre-ville « Orient ». L’Orient a été dynamité. Elle dessine comme un antidote, pour ranimer des idées mortes et faire apparaître une partie de l’histoire oubliée. Yasmina Benabderrahmane révèle aussi dans ses photographies ce qu’on n’a pas vu, ou mal regardé. Les moments où on a avancé les yeux fermés. Elle enquête sur ce qui a été montré et ce qui a été caché. Elle s’approche de la matière vivante. La peau, le minéral, elle fait tout trembler. Elle révèle des morceaux de vivants, des jambes au soleil, des intérieurs, elle recompose un présent moins décevant. Notre très grande mélancolie a les yeux grands ouverts

Lamia Ziadé, auteure et illustratrice née à Beyrouth. Ma très grande mélancolie arabe a paru le mois dernier (POL). Le livre déplie en textes et en dessins, comme une danse macabre, un siècle au Proche Orient…

Yasmina Benabderrahmane, photographe et réalisatrice. Elle est la lauréate 2019 du Prix de la Jeune Création Le Bal / ADAGP, pour son projet A bras le corps, qui sera exposé au Bal et qui sera l’objet d’une publication en 2019. Elle cherche « à montrer ce que l’on ne voit pas et à détourner ce que l’on voit » : issue d’une famille musulmane pratiquante, fille de coiffeurs ayant grandi dans un institut de beauté, le rapport au corps et à ses représentations, dans son enfance passée à Rueil-Malmaison, l’étonne et la fascine. Elle questionne cette dichotomie entre le corps pudique dans la sphère intime et le corps public…

LIVE : Peter Von Poehl. Son album Sympathetic Magic est disponible depuis avril 2017. En concert cet automne : le 14 novembre à Ajaccio, le 25 novembre à Béthune, le 02 décembre à Brest, le 20 décembre à Lyon, le 21 décembre à Fontaine, avant 2018 : le 09 janvier à Saint-Herblain, le 26 janvier à Fontenay-sous-Bois, le 27 janvier à Genève et le 31 mars à Auxerre.  

Son morceau INERTIA enregistré dans l'émission : 

Les voix d'Amin Maalouf, Elias Sanbar.

COUP DE FIL A UNE SCENE NATIONALE : Yoann Bourgeois. Avant minuit, il nous parle de son spectacle Minuit, présenté les 16 et 17 novembre à L’Apostrophe, Scène Nationale de Cergy-Pontoise. Sous-titrée Tentative d’approches d’un point de suspension, la pièce explore tout à la fois les dimensions physiques et métaphoriques de la « suspension ». Lorsque la chute n’a pas encore débuté, à cet instant de présent absolu qu’est la suspension, tout est possible...