Numéro 39. Le silence du père avec Doan Bui

Doan Bui
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Le père de Doan Bui est arrivé du Vietnam en décembre 1961, ils ont été les premiers asiatiques du Mans. Le Docteur Bui a perdu la parole en 2005 suite à un AVC. Doan Bui dans "Le silence de mon père" retrace l'histoire de son père, découvre des secrets de famille, retourne enfin au Vietnam.

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Il est 23h et il y a des vies silencieuses. Le père de Doan était un taiseux. Ou plutôt disons qu’enfant, on n’avait pas la patience d’écouter ses phrases jusqu’au bout. Jusqu’au jour où il a arrêté de parler et on voudrait supplier pour des phrases longues qui n’en finiraient pas et qui diraient tout. Sur les photos de famille il n’est jamais en entier. Sur les films il ne faut pas rater les 35 secondes où il apparaît pour l’anniversaire d’une de ses filles. Avant de partir hors champ. Doan Bui écrit : Le silence de mon père. Le silence il a deux dates de départ différentes : l’arrivée en France du Vietnam en 1961, et puis l’AVC c’est en 2005, la voix a disparu. Aphasie, on dit. Doan Bui commence à raconter. Ecrire. Soixante pages plus tard, il est possible de dire JE. D’admettre que son père est un étranger et qu’il va falloir écrire et enquêter pour le connaître, l’approcher. Le silence c’est comme l’asthme dans cette famille, ça s’est transmis de père en fille. Pour la mère de Doan Bui : « Parler, c’est perdre la face. C’est la honte. C’est pleurnicher et se complaire. Un truc de mauviettes, un truc de riches. Un truc de « Français ». Un autre truc de français : c’est dire JE. Ça n’existe pas dans la langue vietnamienne ou très peu. Le docteur Bui, le père, arrive en France le 6 décembre 61, il a 19 ans. Dans le dossier de naturalisation que sa fille lira plus tard, il y a marqué : aucun espoir de revoir son pays. Dans la vraie vie il regarde la chaine Planète et l’espoir ce n’est pas vrai, il n’était pas parti. La préfecture écrit des plus jamais, des désormais, mais la vie elle, fait des boucles. Doan Bui écrit : Il faut « aller de l’avant » dit-on. Quelle absurdité. Alors que nous tournons sans cesse autour de nous-mêmes. La préfecture ne voit donc pas : les soirées à douter, les nuits à rêver, les journées pas faciles. Pour se rapprocher de la vie, il faut la littérature. Pour faire parler les pères qui se taisent, il faut l’écriture des enfants. Ils sont devenus français. C’est le titre de son essai écrit avec Isabelle Monin. Dans les archives des naturalisations, il y a le père de Doan et les autres. La préfecture ne savait pas. Quand le dossier de Guillaume Apollinaire traînait, celui d’Emile Zola, des Gainsbourg, des Goldman ou de Romain Gary. La vie et la littérature remercient les êtres d’avoir bien voulu remplir des cases silencieuses, des cases qui se sont trompées, des cases bien trop étroites pour les mots qui raconteront plus tard leurs vies

Doan Bui, journaliste Prix Albert Londres 2013, auteur de Le Silence de mon père, aux Editions L'Iconoclaste.

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Son amie et complice Isabelle Monnin, journaliste et écrivain. Auteur de Les gens dans l'enveloppe aux Editions JC Lattes.

Ensemble elles ont écrit Ils sont devenus français, enquête dans les archives des dossiers de naturalisation de ceux qui représentent aujourd'hui l'identité française : Gainsbourg, Romain Gary, Cendrars, Apollinaire...

Extraits de la pièce de Dominique Petitgand : "Rêverie khmère"

LIVE : CELINN avec ETIENNE JAUMET

Le morceau "Le Lion qui dort" :

Atelier de la nuit - Celinn Le lion qui dort

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