Numéro 40. Territoires, colère et beauté avec Rina Sherman et Justine Bo

Jean Rouch et Rina Sherman sur le tournage de M. M. les locataires / Rina Sherman, Noisy-le-Sec, 1995. Photo © Meyer
Jean Rouch et Rina Sherman sur le tournage de M. M. les locataires / Rina Sherman, Noisy-le-Sec, 1995. Photo © Meyer
Jean Rouch et Rina Sherman sur le tournage de M. M. les locataires / Rina Sherman, Noisy-le-Sec, 1995. Photo © Meyer
Jean Rouch et Rina Sherman sur le tournage de M. M. les locataires / Rina Sherman, Noisy-le-Sec, 1995. Photo © Meyer
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Rina Sherman a rencontré Jean Rouch en 1984, elle dirige un ouvrage de témoignages et d'essais "Dans le sillage de Jean Rouch". Justine Bo décrit la colère d'une jeune femme du nouveau millénaire dans son roman "Si nous ne brûlons pas". CANINE est une meute, un collectif en live en studio.

Avec
  • Rina Sherman ethnographe, cinéaste, écrivain
  • Justine Bo réalisatrice et écrivaine

Il est 23h et il faut pouvoir être hors de soi. Hors de tout ce qui devrait être soi. Il faut pouvoir être hors sol. Etre hors de soi, ça commence par une colère, ça fait voyager, ça déplace, alors on est libre d’être quelqu’un d’autre que celle ou celui que le baptême prédisait. Justine Bo appelle ça : le long enchaînement de servitudes annoncées. Elle écrit à partir de là, à partir d’une ville de bord de mer ouvrière, à partir de rien, à partir de la colère. D’ailleurs elle a changé son départ, elle coupe son nom de famille, elle en fait deux lettres, qui doivent s’incliner devant le prénom. Justine Bo dans son roman Si nous ne brûlons pas, décrit l’itinéraire d’une jeune femme qui n’a pas 30 ans mais qui dit : je suis déjà en pièces, je suis vieille d’un millénaire. Le drame c’est que d’autres ont vécu avant nous, et on n’échappe ni à leurs guerres ni à leur influence. Alors, partir peut être une solution quand, écrit-elle, nous avions besoin du monde plus qu’il avait besoin de nous. Elle ira à Damas, à New York, partout où il n’était pas dit d’avoir une place, elle continue à vivre malgré la naissance. Jean Rouch lui disait : j’ai appris le mouvement perpétuel presque en naissant. Et même en filmant, il n’a pas lâché le mouvement. Rina Sherman partie le rencontrer en 1984 avait été happée par une de ses phrases, il avait dit : on ne prétend pas filmer le réel, on filme le réel provoqué par sa présence et la caméra. Alors on aurait un impact sur le réel. Alors notre présence agit. Justine Bo fait du réel une grande fiction, elle écrit. Comme Jean Rouch qui dans son café parisien mettait sa table en diagonale face au Boulevard à Port Royal, pour cadrer la réalité. On n’est donc plus assigné à résidence, on est hors de soi, en colère, et on agit sur le réel en le racontant

Justine Bo, réalisatrice, romancière. Son livre Si nous ne brûlons pas a paru cette année (éd. des Equateurs). Le roman, en forme de road-movie, débute dans une petite ville française de bord de mer, construite comme un bastion. La narratrice a 27 ans et une conviction : échapper au piège de la reproduction. Elle étudie la rage au ventre, avec l’obsession de « s’en sortir », de déjouer les frontières. De la côte Atlantique au Proche-Orient, puis aux États-Unis, elle part à la recherche de son identité. Un départ dans lequel la question des territoires et de l’origine est brûlante, où la géographie est intime…

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Rina Sherman, cinéaste, ethnographe et photographe. Elle dirige l’ouvrage Dans le sillage de Jean Rouch (éd. de la Maison des Sciences de L’Homme, coll. 54), qui sera l’objet d’une journée de projections-discussions le jeudi 07 juin à la bibliothèque-laboratoire de la Fondation Maison des Sciences de l’Homme : Swimming the Blues avec Jean Rouch (extraits inédits), un film & bréviaire de Rina Sherman + Jean Rouch, cinéaste africain, un documentaire d’Idrissa Diabaté. Le livre réunit des essais, des expériences et des témoignages d’ethnologues ou cinéastes, pour qui Jean Rouch a été, comme pour Rina Sherman, une figure décisive. En 1983, elle découvre l’œuvre de Jean Rouch. Sa vie prend un tournant. Elle le sait et quittera très vite l’Afrique du Sud, sa terre natale, pour aller à la rencontre de celui qui deviendra un maître, un compagnon de recherche (il dirige sa thèse), un ami.

LIVE : Canine. Le clip « Twin Shadow » a été réalisé par Justine Bo. Son premier EP éponyme est disponible depuis le mois d’avril (Polydor)

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