Catherine Bernard (1663 (?) - 1712) - La voix oubliée

Page de titre du Brutus de Catherine Bernard (1691)
Page de titre du Brutus de Catherine Bernard (1691)
Page de titre du Brutus de Catherine Bernard (1691)
Page de titre du Brutus de Catherine Bernard (1691)
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Elle fut la première femme auteur de tragédie jouée à la Comédie-Française. Romancière, poétesse et dramaturge, saluée par Fontenelle, comparée à Madame de Lafayette, Catherine Bernard traça un chemin singulier dans le XVIIe siècle finissant.

Avec
  • Aurore Evain Autrice
  • Aline Le Berre Comédienne.
  • Agathe SANJUAN Conservatrice-archiviste de la Comédie-Française.
  • Franco Piva Professeur émérite de Littérature Française à l’Université de Vérone.
  • Alice Le Strat Comédienne.

"Vous oublierez mon nom trop fatal et trop doux "(Laodamie, acte IV, scène 3)

Il n’existe pas de portrait de Catherine Bernard. Longtemps on la présenta comme la nièce de Corneille et la cousine de Fontenelle, parenté qui n’apparaît plus comme fondée aujourd’hui. Longtemps aussi on attribua certaines de ses œuvres à Fontenelle. Retracer son histoire, c’est poursuivre un fantôme…

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Dans les années 1680, une jeune rouennaise issue d’une famille protestante aisée, quitte sa ville natale pour Paris. Elle écrit. Elle n’a pas dix-sept ans lors de son premier roman, Frédéric de Sicile... Proche de Fontenelle et du dramaturge Pradon, la jeune Catherine Bernard fréquente les milieux littéraires et mondains. La reconnaissance vient.

Durant les années 1687-1699, elle ne cesse d’écrire. Ses nouvelles Eleonor d’Yvrée et Le Comte d’Amboise, dans lesquelles elle exprime une vision pessimiste de l’amour, sont saluées. Souvent comparée à Madame de Lafayette, Catherine Bernard se distingue de celle-ci par le fait que ses personnages ne semblent plus adhérer aux valeurs du monde dans lequel ils vivent. C’est sans doute en cela qu’elle frappe aujourd’hui. Par son ironie tranchante et sa lucidité désabusée, Catherine Bernard fait parfois songer à une femme moderne égarée en terre classique…

En 1685, la révocation de l’édit de Nantes bouleverse la France. La jeune femme se convertit au catholicisme. Sa famille ne le lui pardonnera pas et rompt avec elle. Dès lors, Catherine Bernard, qui ne se mariera pas, n’aura d’autres ressources que celles que lui procure sa plume.

Soucieuse de réussite, elle quitte pour un temps le roman et se lance dès 1689 dans la carrière théâtrale avec la tragédie Laodamie. Elle a alors vingt-sept ans. L’autrice (le terme était employé à l’époque) récidive l’année suivante avec Brutus. Les deux pièces rencontrent le succès.

En 1696, Catherine Bernard revient au roman avec Inès de Cordoue. Elle fréquente le salon de mademoiselle Lhéritier de Villandon, nièce de Perrault, et est l’une des premières à écrire des contes (Riquet à la houppe et Le prince rosier) et à théoriser ce qu’ils doivent être. Ses poèmes lui offrent une consécration. Louis XIV lui accorde une pension qu’elle saura réclamer dans un placet resté célèbre. Trois fois lauréate du prix de poésie de l’Académie française ainsi que de l’Académie de jeux floraux de Toulouse, Catherine Bernard est admise à l’Académie des Ricovrati de Padoue en 1699 sous le nom de Calliope L’Invincible.

Pourtant, nécessité financière ou réelle conviction, Catherine Bernard termine sa vie retirée du monde, happée par la dévotion qui marqua la fin du règne de Louis XIV. Elle renonce au théâtre à la demande de sa mécène Madame de Pontchartrain et s’éteint en 1712, seule et pauvre.

Bien après sa mort, en 1730 commence une querelle qui n’a pas fini de s’éteindre aujourd’hui : Voltaire, faisant jouer son propre Brutus, se voit accuser d’avoir plagié celui de Bernard. Furieux, il dénigre la pièce puis l’attribue à Fontenelle. C’est le début de l’effacement de Catherine Bernard de l’histoire littéraire jusqu’à ce qu’au XXe siècle quelques chercheurs et chercheuses, au premier rang desquels l’italien Franco Piva, s’attachent à lui redonner une vie et une identité.

Une voix entendue dans un théâtre lors d’une lecture de textes oubliés. L’envie de retrouver sa trace…

Un documentaire de Marie Potonet, réalisé par Annabelle Brouard. Attachée de production : Claire Poinsignon. Prise de son : François Rivalan. Mixage : François Doumenc. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque centrale de Radio France.

Bibliographie :

  • Catherine Bernard, Œuvres, éd. Franco Piva, t.1, Romans et nouvelles, Fasano/Paris, Schena/Nizet, 1993 ; t.2, Théâtre et poésie, Fasano/Paris, Schena Editore/Didier Érudition, 1999.
  • Catherine Bernard-Jacques Pradon, Le Commerce galant ou lettres tendres et galantes de la jeune Iris et de Timandre. éd. Franco Piva. Schena/Nizet, 1996.

Anthologies comportant des œuvres de Catherine Bernard :

  • Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, dir. Aurore Evain, Perry Gethner & Henriette Goldwyn, tomes 1, 2 et 4, Paris, Classiques Garnier, 2015-2016.
  • Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, dir. Aurore Evain, Perry Gethner & Henriette Goldwyn, tome 3, Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2011.
  • Nouvelles du XVIIe siècle, dir Jean Lafond et Raymond Picard, La Pléiade, 1997.

Autres ouvrages :

  • Henri Coulet, Le roman jusqu’à la Révolution, Armand Colin.
  • Aurore Evain, L’Apparition des actrices en Europe, Paris, L’Harmattan, 2001.
  • Franco Piva, La sensibilité dans la littérature française au XVIIIe siècle, Schena/Didier Erudition,1998.

Articles :

Liens :

Biographie proposée par la Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime (SIEFAR).

Notice proposée par le site dédié au Théâtre de femmes de l’Ancien Régime.

La Bnf propose sur son site, Gallica, des textes de ou attribués à Catherine Bernard, dont certains sont accessibles en ligne, dont le texte de sa tragédie, Brutus.

Une poétesse oubliée, Catherine Bernard : article d’Etienne Wolf, paru dans la Revue des Deux Mondes en février 1973.

L’amitié et l’amour dans Eléonor d’Yvrée de Catherine Bernard : un article publié sur le site de la Société d’Etudes pluridisciplinaires du 17ème français.

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