Georges Navel, les mots à mains nues (1904-1993)

Portrait de Georges Navel
Portrait de Georges Navel - Gallimard
Portrait de Georges Navel - Gallimard
Portrait de Georges Navel - Gallimard
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Puisant dans son existence aux multiples identités - écrivain, ajusteur, ouvrier agricole, déserteur - Georges Navel a publié quatre récits au cours de sa longue traversée du XXe siècle. Le réel dans son œuvre est inlassablement transfiguré par une quête poétique.

Avec
  • Claire Navel
  • Freddy Gomez Écrivain, éditeur et correcteur
  • Philippe Petit Philosophe et essayiste
  • Gérard Meudal Journaliste et traducteur
  • Anne Steiner Maître de conférences en sociologie à l'université de Paris Ouest-Nanterre.

Mon but dans la vie est en somme impossible, c’était d’arriver à l’enchantement. J’appartiens à une couche sociale qui n’a rien dit, et mon rôle dans la vie sera de fleurir, de dire. Georges Navel

Dernier-né d’une grande fratrie dans une famille d’ouvriers-paysans lorrains, Georges Navel rejoint à 12 ans les ateliers d’usine et fréquente très jeune les milieux libertaires et les causeries populaires à Lyon où sa famille est évacuée en 1915. Autodidacte reste le maître-mot pour caractériser celui que rien ne prédisposait à écrire.

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La reconnaissance viendra de manière fulgurante après-guerre : son premier récit, Travaux, est en lice pour le prix Goncourt en 1945. Il fut porté très haut dans le panthéon littéraire de quelques écrivains, il fut aussi abondamment étudié par les sociologues et les historiens du mouvement ouvrier qui reconnurent en lui une grande voix de la littérature prolétarienne. La phrase qui clôt Travaux est d’ailleurs devenue une véritable expression canonique partout citée : Il y a une tristesse ouvrière dont on ne guérit que par la participation politique. 

Et pourtant, Navel se plaît avec une assurance sereine à déjouer toutes les étiquettes qu’on voudrait lui coller, s’échappe sans cesse du compartiment que l’on pourrait être tenté de lui assigner.

Il y a une quête philosophique chez Georges Navel, une immédiateté qui est celle d’un poète. Le plus important pour lui, c'était la quête du juste milieu. Il est un être essentiellement sociable. Mais on ne pourra jamais lui coller une étiquette. Gérard Meudal

Archive INA : Georges Navel et sa vision de la poésie dans Les Nuits Magnétiques le 19 octobre 1984 sur France Culture 

Georges Navel dans l'émission Les Nuits Magnétiques diffusée le 19 octobre 1984 sur France Culture

2 min

Georges Navel en montagne
Georges Navel en montagne
- Claire Navel

De la Belle Epoque à l’aube des années 1990, la longue traversée temporelle et géographique du XXe siècle qui fut la sienne est toute entière guidée par une quête inassouvie de liberté : celle de « se maintenir comme individu », de chercher les mots justes à son rythme, d’unir l’esprit et la main, d’être un immense lecteur et un trimard quittant les ateliers pour les champs aussi souvent qu’il en ressentait la nécessité, de déserter (ce qu’il fait en 1927, non sans conséquences).

Il ne voulait pas être prisonnier du monde social. Ces lettres étaient un baromètre de l’âme, elles indiquaient l’état de son esprit. C’était un épistolier hors pair. Il avait le sens de l’adresse. C’était quelqu’un qui profitait de la lettre pour explorer de nouvelles choses, c’était un moment pour explorer la situation de son temps et de son âme. Gérard Meudal

Du nord au sud, embauché au gré des possibilités et des rencontres, Georges Navel est tour à tour ajusteur dans les usines Berliet à Lyon, les ateliers Citroën et Renault en région parisienne, bûcheron, charpentier, terrassier à la frontière espagnole, cueilleur de pêches et de lavande, ouvrier aux Salins du midi, apiculteur et correcteur d’imprimerie.

Georges Navel n’est jamais à sa place. Quand il est anarchiste, il est plutôt prolétaire. Mais il fréquente des cercles anarchistes individualistes. Il les méprise, mais il apprend beaucoup. Il apprend la liberté. Sa vie est une vie d’errance, au sens vagabond du terme. Freddy Gomez

S’il puise dans cette matière autobiographique pour écrire, « la réalité est maniée de main de maître. Elle est nue et crue, c’est incontestable (…) mais le fait vrai est mélangé à la lueur. On trouve l’exemple à chaque ligne et toutes ces lueurs font courir le phosphore romanesque, sur une réalité plus vraie que la vérité. l’homme qui est ici dépeint est l’auteur et l’écriture n’est pas autobiographique. » Jean Giono, préface à Chacun son royaume. 

Pour aller plus loin

Georges Navel ou la vie éveillée, extrait du portrait-documentaire réalisé par Jean-Daniel Pillault en 1991. 

Biographie de Georges Navel dans le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, le Maitron. 

Dossier sur Georges Navel dans le n°14-15 de décembre 2003 de la revue A contretemps. 

  • Avec Claire Navel, Anne Steiner, historienne et sociologue, Gérard Meudal, journaliste et traducteur, Philippe Petit, philosophe, et journaliste, Freddy Gomez, écrivain, éditeur et correcteur. 
  • Les archives inédites sont extraites d'entretiens avec Georges Navel menés par l'historienne Claire Auzias. Et les archives INA sont extraites du film Georges Navel ou la vie éveillée de Jean-Daniel Pillault, des émissions Boîte aux lettres, Lectures pour tous et Les Nuits Magnétiques. Un documentaire de Marie Chartron et Anne Perez-Franchini, à la technique Nicolas Mathias, mixage Claude Niort, documentaliste INA : Marie Chauveau, et ressources internet : Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. 

Merci à Jacques Baujard, libraire, éditeur, directeur de la collection Lampe-tempête aux éditions L’échappée, et à Victor Navel-Pillault. 

Rencontre autour de Georges Navel le mardi 11 décembre 2018 à 19h30 à la librairie coopérative Envie de lire, au 16 rue Gabriel Péri, 94200 Ivry-sur-Seine

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