

Pour Sócrates, le football était plus qu’un jeu. Il était une représentation de la société brésilienne et l’équipe pouvait être l’émanation des aspirations du peuple dans un contexte de dictature finissante. Portrait du joueur de football militant brésilien Sócrates, le "doutor" (1954–2011).
- Rai Ancien international de football, président de la fondation Gol de Letra.
- Michel Raspaud professeur des Universités, sociologue du sport, directeur de l'UFR APS à l'Université Joseph Fourier de Grenoble
- Chérif Ghemmour Auteur
- Fernando Duarte Correspondant footbal au Brésil
- David Ranc enseignant chercheur en sciences sociales
Vaincre la dictature militaire par le football.
Peu de joueurs seraient prêts aujourd’hui à établir dans leur club, un équivalent de ce que fut la démocratie corinthiane, cette expérience d’autogestion mise en place par Sócrates et les joueurs du grand club du São Paulo le SC Corinthians, durant les années de la dictature brésilienne. Le principe : les joueurs votaient pour tout, y compris pour la composition du pique-nique ou le moment de s’arrêter durant les trajets en bus. Le bus décidément, c’est pour les joueurs de foot un grand moment pour les revendications sociales. Mais contrairement aux membres de l’équipe de France de 2010, la plupart des joueurs brésiliens de l’époque vivaient dans une situation précaire, comme le dénonçait Sócrates, qui n’avait pas peur de dire que 90 % d’entre eux subissaient des conditions de vie inhumaines et 70 % gagnaient moins que le salaire minimum. C’est l’histoire d’un autre foot.

Sócrates Brasileiro, Sampaio de Souza Vieira de Oliveira. Le nom ne rentre pas dans une case, l’homme non plus. Footballeur, médecin, intellectuel, chanteur, journaliste… et chaque année un peu plus depuis sa mort en 2011, icône. Au Brésil et plus largement, pour tous ceux qui à travers le monde se font une certaine idée du football.
Car Sócrates était d’abord un footballeur, et pas des moindres. Impossible de ne pas mentionner ses coéquipiers de la grande équipe du Brésil dont il était capitaine au début des années 1980, Zico, Falcao, Cerezo, Junior, etc. Impossible, tant le football était pour lui - et pour eux donc - un sport collectif. Cette équipe enthousiaste, créative et généreuse était peut-être un peu trop sûre de gagner. Un soir de juin 1982, elle se fracassa contre l’Italie de Paolo Rossi, qui devait quelques jours plus tard remporter la Coupe du Monde avec une toute autre conception du jeu…
Cette Coupe du Monde 1982 en Espagne fut peut-être le seul moment où Sócrates se conduisit comme un sportif de haut niveau, arrêtant même, pendant quelques semaines de fumer… C’est que le football représentait pour lui davantage qu’un jeu. Il était une représentation de la société brésilienne et l’équipe pouvait être l’émanation des aspirations du peuple dans un contexte de dictature finissante. Cette idée fut développée dans l’une des aventures les plus singulières de l’histoire du football : la démocratie corinthiane dont Sócrates, par sa stature, sa culture et son implication, fut, sinon le leader, du moins l’emblème. Le club des Corinthians de São Paulo, autogéré par des joueurs impliqués politiquement et délivrant dès que possible des appels au vote et à la démocratie, fut entre 1981 et 1985 le pendant dans le football de ce qu’étaient Chico Buarque dans la musique ou le Parti des travailleurs dans le monde politique : une caisse de résonance, un vecteur d’espoir, un acteur du changement.
Avant tout je suis un combattant. Toutes ces critiques ne me feront pas changer ma manière de vivre et de penser. C’est beaucoup trop important pour moi. Je ne sais pas combien de temps je vivrai, mais je veux vivre bien. Je veux montrer aux gens, et surtout à ceux qui n’ont pas accès à l’éducation, qu’ils doivent et qu’ils peuvent vivre ainsi, avec toutes les libertés, avec tout le désir et l’amour de la vie. Sócrates
La mort prématurée de Sócrates, à 57 ans, des suites de problèmes liés à l’alcool, a été un choc pour le Brésil. Personne n’ignorait les problèmes du "Doutor" (le docteur) qui, s’il paraissait toujours joyeux n’en était pas moins sujet à de grands moments de doute. Face souriante : les chansons, nombreuses, que l’on peut entendre ("Corinthians de meu coraçao", avec Toquinho, entre autres). Face plus sombre : l’échec de son aventure européenne dans le championnat italien, sur lequel l’accent est mis grâce à deux journalistes témoins de cette année d’errance à Florence.
Sócrates (…) avait la classe, le génie, le talent, et même physiquement, il était costaud (…). Il avait tout mais il était triste, il pensait peut-être à son Brésil, au gouvernement militaire qu’il n’aimait pas. Gian Paolo Ormezzano

De Victor Macé de Lépinay et Christine Diger.
Avec les interventions et analyses de :
Rai , petit frère de Socrates, ancien capitaine du Paris-Saint-Germain et de la sélection brésilienne, président de la fondation Gol de Letra,
Maxime Bossis , ancien défenseur de l’équipe de France,
Gianni Mura , journaliste à La Reppublica (Italie),
Gian Paolo Ormezzano , journaliste, ancien rédacteur en chef de Tuttosport (Italie),
Michel Raspaud , sociologue, auteur de Histoire de football au Brésil (Chandeigne, 2010),
David Ranc, chercheur en sciences sociales sur le projet FREE (Football Research in enlarged Europe),
Fernando Duarte , journaliste, auteur de Shocking Brazil (Hardback, 2014),
Chérif Ghemmour , journaliste (So Foot)
Quelques liens pour aller plus loin :
So Foot – S’il ne devait en rester que 100 – N°5 : Socrates.
La démocratie corinthiane, un exemple d’organisation créative dans le football au temps de la dictature brésilienne, par David Ranc et Albrecht Sonntag.
Le site de la fondation Gol de Letra, fondée par Rai, frère de Socrates.
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