Le nom d’Odessa viendrait-il d'Ulysse, la prédisposant peut-être au passage et à l'exil ? Ou bien serait-il un anagramme de « assez d’eau », comme un lieu d’abondance prometteur au bout de la steppe ?
Où faut-il aller pour trouver Odessa ? La ville mythique des «steppes ensoleillées baignées par la mer» de l’écrivain Isaac Babel… Dans ses contes et récits d'Odessa, il décrit la cité des années vingt, ses recoins, ses visages et ses bandits, contribuant à animer une mythologie urbaine qui survit aujourd'hui encore. Elle a vu passer Pouchkine et le poète polonais Adam Mickiewicz en exil, Eisenstein y tourna Le cuirassé Potemkine, Dziga Vertov une partie de L'Homme à la caméra et Alexandre Dovjenko Arsenal. Odessa reste dans l'imaginaire la ville cosmopolite des lettres et du cinéma, des amours romanesques et contrariées, des bandits et des marins. La ville que l’on connaît aujourd’hui est jeune, fondée en 1794 au bord de la Mer Noire, et son nom lui-même brouille les légendes…
Le nom d’Odessa viendrait-il d'Ulysse, la prédisposant peut-être au passage et à l'exil ? Ou bien serait-il un anagramme de « assez d’eau », comme un lieu d’abondance prometteur au bout de la steppe ? L'architecture du centre-ville est européenne, sous l'influence des architectes italiens, français ou viennois sollicités par Catherine II. Les arbres mangent le pavé des trottoirs, les façades évoquent un fragment d'Europe du sud oublié dans la steppe beaucoup plus qu'une grande ville d'Ukraine. D'ailleurs ici, on n'est pas seulement Ukrainien, on est d'Odessa, comme si ce nom avait toujours désigné une exception : au temps de l’Empire russe, en Ukraine, en URSS. Elle était à l'origine peuplée par une foule très cosmopolite : Grecs, Bulgares, Serbes, Moldaves, Russes, Arméniens, Allemands, Polonais, Français ; par une importante communauté juive décimée par des pogroms au XIXe siècle, au début du XXème puis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Odessa semble transporter sa légende têtue et ses fantômes, tant dans la ville-même qu'à l'étranger où ce nom résonne comme une rêverie, toujours au bord de la disparition.
Aujourd’hui encore, dans cette ville d’un million d’habitants, on aime raconter des histoires. À la pointe de la gare maritime ou dans le parc Chevtchenko, les monuments eux-mêmes parlent, chantent et racontent les hauts faits des héros odessites. En ce moment c’est le printemps, la ville est paisible. La guerre qui déchire l’Ukraine n’est pas dans les murs d’Odessa, mais elle est dans tous les esprits.
Un documentaire de Marie Chartron, réalisé par Nathalie Battus, prise de son Georges Tho (première diffusion le 31 mai 2015)
Avec :
Igor Minaev, cinéaste
Boris Khersonsky, écrivain
Anna Misyuk, conservatrice au Musée littéraire
Alla Nircha, directrice du Musée Pouchkine
Evgueny Golubovsky, journaliste et écrivain
Vadim Kostromenko, réalisateur et ancien chef opérateur, aujourd’hui directeur du musée du cinéma
Oleksiy Dragomiretskyy, universitaire
Sylvain Bano, directeur de l’Alliance Française
Bibliographie
Le goût d’Odessa , Mercure de France, 2005
Vladimir Jabotinsky, Les Cinq , Editions des Syrtes, 2006
Odessa transfer - Chroniques de la mer Noire, les éditions noir sur blanc, 2011
Bruno Cadène, L’Ukraine en révolutions , Jacob-Duvernet, 2005
Isaac Babel, Oeuvres complètes , Le bruit du temps 2011
Ilf et Petrov, Les douze Chaises , Parangon /Vs, Arkady Lvov, La Cour, éditions des autres, 1979
Valentin Kataïev, Au loin une voile , Ed. La Farandole, 1979
En russe / Anglais :
Boris Khersonsky, Semeinyi arkhiv , Druk, 2003
Traduction anglaise en ligne : Family archive
Lectures enregistrées et traductions allemandes sur la base de données en ligne Lyrikline
Films :
Odessa Odessa , Michale Boganim 2004
Le cuirassé Potemkine , Serguei Eisenstein, 1925
Sites :
Programmation du MUCEM à Marseille à suivre. Les deux villes sont jumelées, une exposition et programmation régulière autour d’Odessa
L'équipe
- Production
- Réalisation