Archéologie | Fresques érotiques, portraits intacts, squelettes improbables, demeures somptueuses, graffitis et inscriptions qui bouleversent nos connaissances sur l'Antiquité... Plus un mois ne passe sans une nouvelle découverte exhumée à Pompéi. Voici pourquoi.
A Pompéi, de fabuleux trésors viennent d’être découverts. Pourquoi tant de révélations sur ce site exploré depuis 300 ans par les archéologues ?
Une magnifique fresque sensuelle de Léda et Zeus transformé en cygne vient d'être exhumée. Un mois plus tôt, un graffiti remettait en question la date précise de l’éruption du Vésuve. Sur une tombe sans équivalent dans la sépulture romaine, des inscriptions racontent avec force détails la vie du défunt : l’impresario des jeux du cirque de Pompéi.
Ces derniers mois ont aussi été mises au jour les spectaculaires décorations et murs peints de la “Demeure des Dauphins" et de la “Maison de Jupiter”, celle d’un homme cultivé, possesseur de têtes de lions et de fresques sublimes, alors que d’étranges déesses libellules trouvées dans une autre villa feraient référence à des cultes obscurs et donc à des fondations pré-romaines. Puis, plus récemment ont été dévoilés le portrait intact d'une patricienne romaine, comme s’il avait été peint hier, et le squelette d’un homme boiteux de 35 ans tué alors qu’il tentait de fuir l’éruption du Vésuve.
Aucun site au monde n'est l'objet de fouilles archéologiques depuis si longtemps. Alors pourquoi tant de découvertes à Pompéi, après près de 300 ans de fouilles ?
1/ Les 2/5e du site pas encore fouillés
Pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, des fouilles explorent de façon approfondie un nouveau secteur : la Regio V, une zone plus dense que prévue, sur laquelle se concentrent les excavations actuellement.
2/ De nouveaux financements européens
La Regio V avait été à peine explorée en raison de problèmes de financements mais aussi de conservation, car dès que des fresques sont exhumées, il faut les protéger au plus vite. La police locale a repéré des tunnels illégaux, creusés pour tenter de mettre la main sur des trésors archéologiques. Après plusieurs effondrements et scandales, des fonds européens ont débloqué 130 millions d'euros pour la restauration et la sauvegarde de Pompéi, et ont relancé les explorations et les fouilles.
Pour Massimo Osanna, qui dirige actuellement les fouilles à Pompéi, "on peut dire aujourd'hui que l’effondrement de la Schola Armaturarum [la Maison des Gladiateurs, écroulée en 2010] était une chance pour Pompéi. C’est absurde, mais c’est vrai. Après cette incroyable situation de Pompéi, le gouvernement a finalement compris qu’il fallait changer d’approche : l’absence d’archéologues spécialistes, d’architectes, d’ingénieurs était impensable ! Il n’y avait pas les figures professionnelles fondamentales pour gérer une ville complexe comme Pompéi.”
3/ Le progrès des méthodes de prospection
Les méthodes de prospection ont évolué et s'appuient aujourd’hui sur la cartographie laser à partir de drones, la thermographie infrarouge ou la reconstitution 3D.
4/ Une démarche globale
L'originalité de cette nouvelle mission est d’investir la totalité du secteur, sans se limiter aux grandes demeures ou à quelques tombeaux.
Alix Barbet, archéologue au CNRS, spécialiste des peintures murales antiques et de Pompéi, met cependant en garde contre les dangers des découvertes récentes :
“Ça pose un problème de découvrir tout ça parce que ça va encore rajouter des problèmes de restauration, de conservation. Je pense qu’il y a un problème, c’est qu’il y a beaucoup trop de touristes à Pompéi. L’an dernier, il y avait 3,4 millions de touristes. Comment faire pour préserver Pompéi ? Je crois qu’il faut arrêter de fouiller. Même sous prétexte de préserver le front de fouille. C’est sûr que c’est très important pour un archéologue de fouiller, mais on peut développer des méthodes non invasives. Et il faut absolument utiliser toutes les méthodes de restauration et de conservation, sinon on ne pourra pas transmettre aux générations futures ce que nous on aura eu la chance de voir.”
Transmettre aux générations futures pour avoir une chance de voir ce que les yeux de l'écrivain Théophile Gautier ont pu admirer à Pompéi, au XIXe siècle :
Ces rues où les formes d’une existence évanouie sont conservées, intactes.
Théophile Gautier, 1852