De l'Amazonie au Japon en passant par l'Europe, différents peuples à différentes époques ont associé le hibou à la magie, à la sorcellerie, aux maléfices. Mais pourquoi cet oiseau véhicule-t-il une telle représentation ?
À l'occasion de l'exposition Magies-Sorcelleries du Muséum de Toulouse, nous nous sommes demandés pourquoi le hibou était-il associé à la magie, la sorcellerie. Pourquoi lui prête-t-on des pouvoirs maléfiques ? L'anthropologue Julien Bondaz, commissaire de l'exposition, nous aide à comprendre pourquoi, à travers le monde, le hibou est assimilé à une créature magique.
Voir l'invisible
À cause de ses attributs physiques uniques, comme ses grandes pupilles et sa capacité à tourner la tête à 270 degrés pour élargir son champ de vision, on prête aux hiboux des super-pouvoirs : super vision, clairvoyance, etc. Ce qui fait de lui le compagnon idéal de la sorcière. Mieux, c’est son assistant, celui qui lui permet de faire le lien entre deux mondes : le visible et l'invisible.
Ces rapaces nocturnes sont associés à un monde sans lumière, donc à un monde occulte qui est aussi celui de la sorcellerie. Parce qu'on ne les voit que de manière furtive, on leur prête des relations privilégiées avec des entités elles-mêmes invisibles, peu visibles, furtives, sournoises, etc.
Julien Bondaz, anthropologue
Ce passage entre les mondes fait du hibou un médium entre les vivants et les défunts. Il est parfois celui qui accompagne les âmes dans la mort. Dans la culture chrétienne, il est même une créature du Diable, opposée à l'aigle, créature divine par excellence.
Les aigrettes du hibou sont assimilées à des cornes, ce qui explique en partie cette association avec le diable. C’est la combinaison de caractéristiques morphologiques qui permet de créer des récits plutôt qu’une seule en particulier.
Julien Bondaz, anthropologue
Ces spécificités physiques facilement identifiables font que le hibou est associé à la magie dans plusieurs endroits du monde : en Europe, en Amazonie, en Amérique centrale, au Japon, en Afrique de l’Ouest, etc.
On l'entend plus qu'on ne le voit
Autre particularité du hibou : son chant. Son hululement, qui résonne dans la nuit, est propre à chaque espèce. Il est tantôt assimilé à un croassement tantôt à une plainte humaine, ce qui le rapproche encore du monde maléfique.
Et parce qu’il est de cri épouvantable, chacun en a peur, au moins ceux qui sont sujets à avoir peur de l’ombre des esprits.
Pierre Belon, 1555
On l’entend plus qu’on ne le voit et son cri est porteur de bons ou de mauvais présages selon les époques et les régions.
Par exemple du côté français des Alpes, en Savoie, le chant du hibou est annonciateur d’une grossesse, alors qu'en Italie, dans le Val d’Aoste, il est plutôt annonciateur d’un décès.
Julien Bondaz, anthropologue
Pourtant dépourvue d'aigrettes, la chouette est souvent considérée à tort comme la femelle du hibou. Leur sort est alors indistinctement lié.
Dans l’Antiquité, la déesse Athéna (Minerve pour les Romains) a pour compagne une chouette. Associée à la sagesse, elle est même l’incarnation de la philosophie notamment grâce aux mots d’Hegel : "Ce n’est qu’au début du crépuscule que la chouette de Minerve prend son envol". Une métaphore signifiant que le processus historique ne peut être compris par la philosophie qu’une fois achevé.
Si l'on constate une permanence dans le temps de l’association entre hibou et pouvoirs surnaturels, celle-ci a connu un âge d'or.
L’association chouette/hibou et figure de la sorcière a connu un certain succès plutôt au XIXe siècle avec l’appropriation romantique de la figure de la sorcière.
Julien Bondaz, anthropologue
Longtemps pourchassé pour être cloué aux portes des granges auxquelles il était supposé apporter protection, le hibou grand-duc - comme tous les rapaces, qu'ils soient nocturnes ou diurnes - est aujourd'hui une espèce protégée. D’autres membres de la famille, comme la chouette Edwige dans Harry Potter, sont devenus célèbres et continuent à faire vivre l’imaginaire de la sorcellerie.