Premier tour des législatives 2022 : abstention record, majorité absolue incertaine et tripartition

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Premier tour des législatives 2022 : abstention record, majorité absolue incertaine et tripartition

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Professions de foi et bulletins de vote à Nice le 10 juin 2022.
Professions de foi et bulletins de vote à Nice le 10 juin 2022.
© AFP - Roland Macri / Hans Lucas

La majorité gouvernementale d'Ensemble ! a finalement devancé de seulement 21 000 voix l'alliance de gauche de la Nupes, devant le Rassemblement national puis la droite, d'après le ministère de l'Intérieur. Plus de la moitié des 48,7 millions de Français appelés à élire leurs députés n'a pas voté.

Premier enseignement majeur de ce dimanche : jamais les Français ne s'étaient si peu mobilisés pour le premier tour d'élections législatives. Avec une abstention de 52,49%. À l'issue d'un premier quinquennat d'Emmanuel Macron déjà marqué par des records d'abstention aux élections locales, et notamment la Bérézina des régionales de 2021 (66,72%) sur fond de crise Covid, 25 millions de Français ont ainsi choisi dimanche... de ne pas choisir leur député.

Très difficile aussi de départager nettement la majorité présidentielle, d'Ensemble !, de l'opposition constituée par la coalition de la Nupes. Avec une arrivée à 20h au coude-à-coude à 25,2 % des voix pour les deux formations, avant que la majorité ne l'emporte officiellement d'une très courte tête selon un décompte contesté par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale. La Nupes réussit malgré tout son pari et Jean-Luc Mélenchon sort renforcé face à Emmanuel Macron.

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La tripartition de l'échiquier politique se confirme aussi à l'aune du score historique du Rassemblement national, quand bien même Marine Le Pen n'a presque pas fait campagne.

À noter enfin les éliminations d'entrée de l'ancien ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, dans le Loiret, et du créateur du parti Reconquête ! Éric Zemmour, dans le Var. Les quinze ministres en lice ont passé le premier tour. Mais en positions délicates la ministre de la Transition écologique Amélie de Montchalin, dans l'Essonne, et Clément Beaune (Affaires européennes), à Paris, sont menacés pour la suite de leur exercice. La règle tacite veut en effet qu'un responsable du gouvernement doit renoncer à son portefeuille en cas de défaite électorale.

Une abstention historique

L'abstention à ce premier tour atteint 52,49 % des inscrits à l'échelle nationale. C'est un nouveau record qui concerne en premier lieu les jeunes et les catégories populaires. Et huit semaines après un premier tour de la présidentielle qui avait été marqué par une participation honorable (26,3% d'abstention), le rebond aura été de courte durée. Cette donnée désormais récurrente au fil des scrutins en France pourrait bien arbitrer l'affrontement entre la coalition soutenant Emmanuel Macron, en quête de la majorité absolue, et une percée attendue de la gauche alliée derrière Jean-Luc Mélenchon.

Le dernier record d'abstention au premier tour des législatives remonte à 2017 : 51,3 % des électeurs avaient alors boudé les urnes. Mais ce décrochage de votes aux législatives a débuté dès 1993, avec un décrochage encore plus marqué en 2012. Et depuis 2002, l'abstention a toujours augmenté entre les deux tours; en 2017, elle avait même bondi de six points pour atteindre au final le record absolu pour des législatives de 57,36%.

La campagne très relative de ces dernières semaines, en particulier de la majorité présidentielle et du chef de l'État lui-même, apparaît comme l'une des explications à pareil désintérêt ce dimanche. Avec un laps de temps assez important qui s'est écoulé avant la nomination de la Première ministre et de son gouvernement. "Beaucoup des candidats n'étaient pas connus, beaucoup des programmes n'étaient pas clairs", estime Yves Bardon pour Ipsos.

Les explications multiples de cette abstention analysées par Yves Bardon, de l'Institut Ipsos

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Le journaliste Gérard Courtois souligne par ailleurs que "ce qui a tenu lieu de campagne depuis dix jours a quand même été un débat assez indigent dans lequel Jean-Luc Mélenchon ne promet pas le paradis mais de sortir la France de l'enfer dans lequel elle serait d'après lui, et dans lequel Emmanuel Macron met dans le même sac de manière assez rustique le Rassemblement national et la Nupes". Depuis la réforme du quinquennat en 2002 et l'inversion du calendrier électoral, les élections législatives ont aussi valeur de confirmation du choix présidentiel, sans être particulièrement mobilisatrices pour les votants.

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Une majorité absolue incertaine

La coalition de gauche menée par Jean-Luc Mélenchon a réalisé ce dimanche soir une percée spectaculaire, lui permettant d'être au même niveau que le camp macroniste et d'espérer priver le président de la République de majorité absolue. Regroupant le Pôle écologiste (notamment Europe Écologie Les Verts), le Parti communiste et le Parti socialiste, la Nupes peut espérer nombre de sièges avec la qualification de ses candidats dans plus de 500 circonscriptions, selon les Insoumis. "Déferlez avec vos bulletins de vote pour ouvrir tout grand la porte du futur, ce futur d'harmonie des êtres humains (...) et avec la nature" a lancé Jean-Luc Mélenchon, qui a estimé le parti présidentiel "battu et défait". Celui qui a salué "l'accord" créant la Nupes, "qui a rendu possible" cette percée, s'est en particulier adressé à "la jeunesse et à tous les milieux populaires si durement éprouvés par trente ans de néolibéralisme". Se revendiquant ces dernières semaines futur Premier ministre, il paraît désormais en faiseur de rois.

Pour la Première ministre Elisabeth Borne, Ensemble ! est la "seule force politique en mesure d'obtenir la majorité" à l'Assemblée dimanche prochain. Remerciant les électeurs de la sixième circonscription du Calvados de l'avoir placée en tête en vue du second tour, elle a affirmé que "notre premier devoir collectif est de faire reculer l'abstention". Et d'appeler "toutes les forces républicaines à se rassembler autour de ce projet [d'Ensemble] et de nos candidats", invitant à "une majorité forte et claire". La République en marche ayant ensuite précisé qu'il donnera des consignes de vote "au cas par cas" en cas de duel Nupes/RN.

Selon les projections, la majorité sortante se trouverait dans une fourchette entre au moins 255 et au maximum 310 sièges. Si Ensemble! n'atteint pas la barre des 289 sièges, cette confédération n'aurait qu'une majorité relative et pourrait être contrainte de chercher des alliés, par exemple du côté des Républicains. Le parti de droite a obtenu ce dimanche autour de 12% des voix, soit plus de deux fois le score de leur candidate Valérie Pécresse au premier tour de la présidentielle mais bien moins qu'en 2017 (18,7%). Les Républicains vont perdre leur statut de premier groupe d'opposition à l'Assemblée, mais ils limitent la casse avec les bons scores de plusieurs de leurs dirigeants et pourraient donc se retrouver avec un rôle clef vis-à-vis de l'Élysée. Pas question cependant de "contrat gouvernemental", a précisé le président de LR Christian Jacob sur France 2 qui a présenté LR en "voix de la réforme". Quant à une éventuelle consigne de vote, il a renvoyé à un Conseil stratégique lundi, en se bornant à dire son souhait qu'il n'y ait "aucune voix pour les extrêmes".

En tête dans sa circonscription du Pas-de-Calais, Marine Le Pen a de son côté jugé "possible d'envoyer un groupe très important" du parti d'extrême droite au Palais-Bourbon. Il lui faudra déjà au moins quinze députés pour constituer un groupe, ce serait une première depuis 1986. Le Rassemblement national se classe troisième de ce scrutin avec autour de 19% des voix, soit une forte progression par rapport à 2017 (13,2%). Ce résultat marque un enracinement du RN après une campagne pour le moins atone de sa dirigeante. Le RN arrivé en tête devant les six députés macronistes sortants dans le Var, où Éric Zemmour n'ira pas plus loin pour son parti Reconquête !. Dans les circonscriptions où le second tour opposera un candidat Ensemble! à un candidat de la Nupes, la candidate d'extrême droite a par ailleurs invité les électeurs à ne pas "choisir entre les destructeurs d'en haut et les destructeurs d'en bas, à ne pas choisir entre ceux qui veulent vous priver de vos droits et ceux qui veulent vous priver de vos biens".

Projection en sièges ce dimanche à 20h
Projection en sièges ce dimanche à 20h
- Ipsos

Les duels et triangulaires en vue

D'après le ministère de l'Intérieur, les duels entre Ensemble ! et la Nupes sont les plus nombreux : 272 en tout. Suivis par 113 duels entre Ensemble ! et le Rassemblement national. Il y aura également 59 duels entre la Nupes et le RN.

LR sera opposé dans 25 circonscriptions à des candidats de la Nupes, avec 24 duels de LR face au RN et 18 duels de LR face à Ensemble !. Par ailleurs, on compte 3 duels entre des candidats de la Nupes et des candidats socialistes dissidents, 1 duel entre un candidat PCF dissident et du PCF investi par la Nupes.

Alors qu'en 2017 il n'y avait eu qu'une triangulaire, 8 triangulaires sont cette fois attendues, avec dans 5 circonscriptions 3 candidats issus d'Ensemble !, de la Nupes et du RN.

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Le Billet politique
4 min

Avec AFP