
Un nouveau duel Emmanuel Macron face à Marine Le Pen au second tour, une forte abstention, un niveau historiquement bas du Parti socialiste et des Républicains et une percée de Jean-Luc Mélenchon sans réveil écologiste EELV. Ce sont les principaux marqueurs politiques de ce scrutin du 10 avril.
Trois candidats expérimentés se détachent très largement ce dimanche au soir avec des scores à deux chiffres selon les estimations, en particulier celles d'Ipsos Sopra Steria pour Radio France / France Télévision / France 24 / Les Chaines Parlementaires et Le Parisien : Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Huit candidats et candidates n'atteignant pas la barre des 5% de voix. Pour la première fois depuis vingt ans, le président sortant arrive en tête du premier tour et, pour la première fois depuis plus de quarante ans, les Français ont qualifié au second tour le même duel que lors de la précédente élection présidentielle. Enfin, c'est la troisième fois que l'extrême droite parvient au second tour d'une présidentielle en France, après le père de Marine Le Pen, ancien chef du Front national, en 2002, puis elle-même, en 2017.
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Macron largement en tête, désormais soutenu par Pécresse, Hidalgo, Jadot et Roussel
Véritable performance, le président sortant candidat enregistre un score plus important qu'en 2017, avec pratiquement cinq points d'avance sur sa concurrente : 27,6% selon Ipsos. L'effet drapeau produit par la guerre en Ukraine se serait plus que maintenu en faveur d'Emmanuel Macron, avec peut-être aussi un vote utile dès le premier tour. Dernier à s'exprimer depuis son QG de campagne, il s'est posé dimanche soir comme le tenant d'une "Europe forte", a affirmé défendre le "seul projet pour le pouvoir d'achat", thème qui s'est imposé ces dernières semaines, a appelé à fonder au-delà des "différences" "un grand mouvement politique d'unité et d'action" et dit vouloir "tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France".
Comment Emmanuel Macron s'est tourné ce dimanche soir vers le second tour. Par Rosalie Lafarge
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Anne Hidalgo puis Valérie Pécresse, Yannick Jadot et Fabien Roussel ont rapidement appelé à voter pour lui le 24 avril prochain. La question des réserves de voix sera essentielle pour celui que beaucoup ont considéré comme trop à droite pendant son mandat. Même si, selon les premiers sondages réalisés dimanche, il l'emporterait au second tour face à Marine Le Pen, avec un score compris entre 54% et 51% contre 46%-49% pour la candidate Rassemblement national.
"On va peut-être enfin voir Emmanuel Macron en campagne. On peut s'attendre à une campagne d'entre deux tours extrêmement violente, musclée, de part et d'autre" a estimé sur notre antenne Christine Ockrent. L'ancienne ministre socialiste de la Culture Aurélie Filippetti de considérer également à notre micro que "Cette élection n'a pas suscité d'enthousiasme parce que, au fond, il y avait pour la plupart des gens assez peu d'enjeux. Et l'argument qui a sans doute le plus porté, pour les uns comme pour les autres, c'est celui du vote utile. Le premier tour s'est transformé en deuxième tour. On élimine pour ne pas se retrouver dans un scénario de deuxième tour qui ne nous plairait pas. L'électeur est devenu stratège." Pour le journaliste Gérard Courtois se dessine un "tout sauf Le Pen" face à un "tout sauf Macron", "une sorte de référendum contre le sortant et un barrage contre l'extrême droite". L'ancien directeur de la rédaction du Monde qui relève l'échec sur le fond du président candidat qui avait promis au soir de sa victoire de 2017 : "Je ferai tout durant les cinq années qui viennent pour qu'ils n'aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes".
Marine Le Pen soutenue par Éric Zemmour
Marine Le Pen apparaît à 23%, toujours selon Ipsos. Elle fait mieux qu'il y a cinq ans grâce à une campagne modeste, habile, de terrain, au plus près des électeurs, pendant longtemps "une campagne à la Chirac 1995", selon Gérard Courtois, et grâce à une image plus protectrice, adoucie. "Elle a admirablement joué la carte émotionnelle et elle est bien située sur l'item important de la proximité, de comprendre la vie des gens, et pas simplement auprès des classes populaires" explique Yves Bardon, d'Ipsos. Et "comme Jacques Chirac en 1995 vis-à-vis de Balladur, Marine Le Pen a joué la victime avec les trahisons, les coups de couteau dans le dos, les cadres qui la quittent, qui la laissent seule et il fallait comprendre seule face aux Français", ajoute notre billettiste Frédéric Says.
Reportage ce dimanche soir au QG de Marine Le Pen, par Antoine Marette.
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Marine Le Pen pourrait notamment bénéficier de reports de voix d'Éric Zemmour, crédité de 7,2%, et de Nicolas Dupont-Aignan, 2,1%. Éric Zemmour qui lui a servi par ses provocations, ses outrances, par exemple sur les réfugiés ukrainiens, a appelé à voter pour elle, malgré leurs vifs échanges de campagne et leurs tensions à cause de nombreux départs du RN vers Reconquête. Et Nicolas Dupont-Aignan a appelé "les Français à tout faire pour faire barrage à Macron". Celle qui se veut la "présidente de tous les Français" a dit ce dimanche soir vouloir "recoudre les fractures", dans la lignée de son discours social et de ses arguments pour le pouvoir d'achat très porteurs.
Reportage sur le pari raté d'Éric Zemmour par Maxence Lambrecq.
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En 2017, Emmanuel Macron avait obtenu au premier tour 24,01% des voix et Marine Le Pen 21,30%.
La remontada de Jean-Luc Mélenchon
Pour sa troisième campagne présidentielle, avec 22,2% et une 'remontada' dans la soirée, Jean-Luc Mélenchon a fait mieux qu'en 2017 avec une très forte dynamique ces derniers jours, mais sans se qualifier pour le second tour. Le chef de file des Insoumis, très inventif sur les réseaux sociaux, a nettement réussi à prendre le leadership à gauche et à capter un vote écologiste par ses propositions radicales à ce sujet. Mais certains pensent que bâtir une union de la gauche après 2017 lui aurait permis de ne pas rester une nouvelle fois au milieu du gué.
Le reportage sur la soirée des Insoumis au Cirque d'Hiver par Claire Flochel
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"Il ne faut pas donner une seule voix à madame Le Pen", a déclaré depuis son QG de campagne celui qui désormais doit viser un groupe d'opposition renforcée grâce aux prochaines législatives. "Les législatives seront en fait le troisième tour de cette présidentielle. Et là, on verra la politique à l'ancienne reprendre ses droits" a d'ailleurs relevé Christine Ockrent.
Double requiem pour les partis historiques de gouvernement
Les Républicains et le Parti socialiste enregistrent des scores historiquement bas avec un cumul de moins de 7 points ! "C'est une faillite du politique" et de la perception qu'en ont les Français, considère Stéphane Robert, le chef de notre service politique.
Valérie Pécresse plonge sous la barre symbolique des 5% de voix avec 4,8%. "Le verdict du peuple de France s'impose à nous" a notamment déclaré la présidente de la région Ile-de-France face à seulement une cinquantaine de militants. Cet échec cinglant entraînera sûrement l'éclatement du parti au pouvoir pendant des décennies. Et le remboursement de ses frais de campagne par l'État pourrait aussi être nettement réduit, causant d'importantes difficultés financières. "C'est une défaite historique pour la droite républicaine. Nous devons en tirer toutes les conséquences", a laissé tomber Éric Ciotti, finaliste malheureux de la primaire LR et qui a confié qu'il ne voterait pas pour Emmanuel Macron.
Pour le journaliste Gérard Courtois, "La candidate de ce parti s'est retrouvée, comme ce parti lui-même depuis cinq ans, prise en étau entre d'un côté l'extrême droite, qui plus est 'agrémentée' d'Éric Zemmour qui entendait précisément faire sauter les frontières, et Emmanuel Macron de l'autre. La droite n'a pas su repenser sa place, son projet, pour essayer de desserrer cet étau."
Avec 1,7% des voix, Anne Hidalgo pointe dans les profondeurs des résultats, derrière le Parti communiste de Fabien Roussel, à 2,3%, et seulement devant Philippe Poutou (0,7%) et Nathalie Arthaud (0,6%). La maire de Paris fait moins bien que l'ex-socialiste Benoît Hamon en 2017 (6,36%), qui avait déjà réalisé un score historiquement bas. "Je pense que le Parti socialiste est mort", a souligné pendant notre soirée électorale Aurélie Filippetti. "Il était déjà mort avant cette élection, ce n'est pas le fait d'Anne Hidalgo. Ce parti est mort en gros depuis 2017". D'ajouter : "Maintenant, l'enjeu à gauche va être qu'est-ce que l'on peut reconstruire, sur quels bases, et qui pour le faire".
Reportage auprès des militants socialistes réunis autour d'Anne Hidalgo. Par Ouafia Kheniche
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Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a lancé ce dimanche soir "un appel solennel aux forces de gauche et écologiques, aux forces sociales, aux citoyennes et citoyens prêts à s’engager afin de construire ensemble pour les élections législatives un pacte pour la justice sociale et écologique". Et dans un communiqué distinct, plusieurs cadres du PS, dont Johanna Rolland, maire de Nantes, Matthieu Klein, maire de Nancy, ou Michaël Delafosse, maire de Montpellier, ont aussi appelé à "l’union des forces de gauche et des écologistes".
Sous les 5%, Yannick Jadot en appelle aux dons
Autre déception, mais moindre, pour Yannick Jadot, qui aura raté de peu les 5% (4,7%) malgré des enjeux écologiques majeurs. Il fait mieux que la dernière candidate écologiste, Eva Joly en 2012 (2,31%), mais moins bien que Noël Mamère en 2002 (5,25%), qui conserve le score "vert" le plus élevé dans une présidentielle.
Yannick Jadot et Julien Bayou, le président d’Europe Écologie les Verts, ont lancé face à ce score un appel aux dons pour rembourser leur campagne et poursuivre leur combat.
Pour Stéphane Robert, Christine Ockrent et Yves Bardon, d'Ipsos, les écologistes payent notamment un trop grand dogmatisme au moment de la guerre en Ukraine et de problématiques énergétiques (gaz, prix à la pompe) qui prennent le dessus, accentuant des inquiétudes à court terme sur le pouvoir d'achat.
Une forte abstention mais pas record
Selon des estimations des instituts de sondage, l'abstention serait supérieure de 4 à 6 points à celle de 2017, entre 24% et 26,5%. Avec un nombre d'inscrits qui a augmenté de plus d'un million entre les deux votes. Mais le plus bas historique à une présidentielle - de 28,4% en 2002 - n'a pas été battu. Et on est très loin aussi des 66,72 % des électeurs qui s'étaient abstenus au premier tour des régionales de juin 2021. Un record tous scrutins confondus mais dans un contexte très différent.
Gérard Courtois en a rappelé sur nos ondes les causes structurelles, "depuis une bonne vingtaine d'années" : "la défiance à l'égard des gouvernants, quels qu'ils soient, le sentiment qu'ils ne comprennent pas les problèmes des Français, le sentiment que leurs politiques sont inefficaces, et, en surplomb, le sentiment que la démocratie française fonctionne mal". A cela s'ajoutent des causes circonstancielles : "la crise sanitaire qui a confiné la vie politique depuis deux ans, la guerre en Ukraine qui a beaucoup éclipsé la campagne. Tout cela a provoqué un mélange de fatigue, d'inquiétude, d'incertitude perceptible ces dernières semaines". L'ancien directeur de la rédaction du Monde d'évoquer enfin des causes conjoncturelles : "sept candidats sur les douze étaient déjà présents la dernière fois, certains sont candidats pour la troisième fois et sur les cinq 'nouveaux', quatre n'ont pas crevé l'écran et celui qui a semblé à un moment en capacité de bousculer le jeu, Éric Zemmour, a joué toutes ses cartes à l'automne et s'est retrouvé fort dépourvu quand le coeur de la campagne est arrivé".
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