Et si la retraite était le bon moment pour jouer aux jeux vidéo…. L’idée peut paraître incongrue, et pourtant, il existe depuis 3 ans, à la Gaîté Lyrique, à Paris, un atelier d’initiation au jeu vidéo pour ceux qu’on appelle les « séniors ». Oscar Barda, grand connaisseur et praticien du jeu vidéo, qui organise ces ateliers, leur a donné le joli nom de « Game Older », une manière de dire que la retraite, ce n’est pas la fin du jeu. Quel intérêt des gens qui ont terminé leur vie professionnelle peuvent-ils trouver à jouer aux jeux vidéo ?
Le premier argument est assez évident, c’est le lien générationnel. Ce qui sépare quelqu’un de 60 ans et quelqu’un de 20 ans, c’est de moins en moins la pratique de l’informatique (quelqu’un qui termine sa vie professionnelle aujourd’hui a de grandes chances d’avoir rencontré l’informatique pendant sa carrière), mais c’est la culture numérique, c’est-à-dire la culture qui entoure la stricte pratique de l’ordinateur. Et le jeu est un des éléments importants de la culture numérique. S’initier au jeu vidéo, c’est commencer à comprendre pourquoi le jeu vidéo est le premier bien culturel vendu en France - et ceci depuis des années-, c’est commencer à comprendre ce que se passe à l’intérieur de ses enfants et petits enfants quand ils sont dans un canapé à s’exciter sur une manette, devant un écran où sons et couleurs éclatent d’une manière un peu inquiétante.
Le deuxième argument est un corolaire du premier. Le jeu vidéo, c’est un rapport à la machine. Un rapport qui nécessite que notre intelligence hypothético-déductive en rabatte un peu et laisse place à une intelligence plus intuitive, qui s’appuie sur la découverte, sur l’expérimentation, sur l’essai-erreur. Et ce rapport à la machine, non seulement, il peut être jouissif, mais il est utile pour autre chose que le jeu. Il est utile, par exemple, pour comprendre que l’informatique est donc un monde assez merveilleux où se tromper est rarement grave, en tout cas beaucoup moins que quand on conduit une voiture ou qu’on traverse une rue.
Le dernier argument est à mon sens le plus profond. Dans un entretien avec Jean-Marc Manack, Oscar Barda raconte une anecdote étonnante. Il raconte avoir montré Assassin’s Creed 2 à Peter Brook. Imaginez donc Peter Brook, le grand metteur en scène, devant Assasin’s Creed 2 , où il incarne un jeune homme dans Florence au 15ème siècle, et où il va falloir tuer pour survivre. Selon le récit d’Oscar Barda, Peter Brook est resté scotché pendant 1heure et demi devant le jeu. Pour autant, il n’a pas joué à proprement parler, il ne s’est pas mis à tuer tout le monde, il s’est juste baladé dans la Florence, mais il s’y est baladé comme on peut le faire dans un jeu, il s’y est baladé en utilisant les possibilités du jeu : en sautant, en volant, en plongeant. Alors, évidemment, Peter Brook n’est pas à proprement parler un retraité, mais ce n’est pas lui faire injure de dire qu’il a son âge. Et dans cette rencontre entre le jeu vidéo et quelqu’un qui a son âge, il peut se passer quelque chose où ce sont à la fois le jeu et le joueur qui sont modifiés. Où l’idée de progression, de récompense, de compétition, s’efface devant autre chose. Quelque chose de plus profond, de plus contemplatif. Car le jeu permet peut-être un autre rapport à l’espace, un autre rapport au corps, - qui devient soudain plus léger qu’il ne l’a jamais été -, un autre rapport au temps – le jeu permettant l’éternel recommencement que la vie ne permet pas, ou plus.
Pour celles et ceux qui ont été convaincu par cet argumentaire. Le prochain atelier « Game older » aura lieu le mardi 8 octobre, à la Gaîté Lyrique, à Paris.
Ce qui nous arrive
13 min