ENTRETIEN. François Fillon a gagné la primaire de la droite en dénonçant le "système" qui aurait voulu lui barrer la route. Nous avons demandé à Bruno Retailleau, bras droit de l'ancien Premier ministre, ce qu'il entendait par là.
Bruno Retailleau est président de la région Pays de la Loire et président du groupe Les Républicains au Sénat, il a soutenu François Fillon dans la primaire.
Quand vous critiquez le "système" dont François Fillon a été la cible, qu’entendez-vous par ce mot ?
Le système, c'est toutes celles et tous ceux qui veulent préserver les équilibres en l’état, le système c'est toutes celles et ceux qui caricaturent des propositions dès lors que ces propositions ont pour objet de secouer le cocotier. Jadis, Raymond Barre appelait cela le « microcosme ». Dans ce microcosme, vous trouvez une partie du monde politique, médiatique, une partie de la société civile aussi. Bref, ce sont ceux qui ont intérêt à ce que rien ne bouge, j'y mets d'ailleurs le Front National… L’allié de ce parti, c’est le système, le FN prospère parce qu’on a pas eu le courage de changer le système et il engrange les dividendes de cet immobilisme.
Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron ou Marine Le Pen critiquent aussi le "système"… C’est le même que le vôtre ? Ou faudrait-il un autre mot ?
C'est sans doute un mot valise oui mais l’entre deux tours de la primaire a été exceptionnel. Quand un éditorialiste compare François Fillon à un « Tariq ramadan des sacristies », c’est extraordinaire ! C’est la caricature dans tout ce qu'on peut faire de plus sot et de plus idiot.
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C’est un passage de l’éditorial de Laurent Joffrin dans Libération au lendemain du premier tour de la primaire. Mais pourquoi ne pas critiquer Laurent Joffrin plutôt que le "système" ?
Parce que le système est un groupe d'hommes et de femmes qui ne sont pas nécessairement journalistes, qui ne sont pas nécessairement élus, qui ne sont pas nécessairement de droite ou de gauche, c’est large. Le système a des alliés dans tous les camps, tous les partis et aussi dans la société civile. C'est ce que j'observe : au moment où la France tombe de plus en plus bas sur le chômage, on est au 21e ou au 22e rang sur 28 pays européens et il y a encore des gens qui disent "non, faut surtout pas bouger, il n'y a pas de problème, on va se relever". Les Français n’en peuvent plus, les Français souffrent et si aujourd'hui, on n'a pas un peu de courage pour bouger les choses, la France continuera à s'effondrer. Ce qui est neuf avec François Fillon, c'est qu'il ne se laisse pas intimider justement par les imprécations des chiens de garde de ce système.
Des synonymes de "système", ce pourrait être "bien-pensance", "pensée unique" ?
Oui ou encore "politiquement correct", etc. Il y a beaucoup de mots. Et je pense que les tenants de ce système ont rendu un très grand service à François Fillon dans l’entre deux tours de la primaire. Ils ont mobilisé un électorat de droite : François Fillon a réveillé la droite mais ces gens là aussi y ont contribué, une droite qui est sereine, qui n’est pas outrancière, mais qui est ferme dans ses valeurs et ses convictions.
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Dénoncer le "système", c’est dénoncer ceux qui sont déconnectés des préoccupations des électeurs. Finalement, vous critiquez une cassure entre le peuple et les élites, une crise de la représentativité... Comme d’autres ?
Il faut que chacun puisse être humble, je suis élu et je me pose cette question tous les jours et je ne m’exonère d’aucune responsabilité. Simplement, le système a un intérêt, c’est que plus rien ne bouge et c’est terrible. Il y a une crise de la représentativité en effet. Cette crise elle est amenée par le manque de courage d’une classe politique, droite et gauche, qui n’a pas fait ce que d’autres gouvernements ont pu faire dans d’autres pays européens, y compris des gouvernement socio-démocrates, on n’a pas tout essayé contre le chômage. Je pense aussi que cette crise vient du fait qu'on a encouragé un individualisme forcené, ce qu'on donne à l'individu en droit, on le retire aux citoyens, souvent. Comment être un peuple avec une volonté commune ? Avec une volonté partagée ? On a énormément encouragé la diversité mais en encourageant de façon radicale la diversité, on a oublié de mettre en commun ce qui nous réunit, ce que nous pouvons partager ensemble, ce qui fait que nous sommes encore un peuple animé d'une volonté collective. Cela tient d'un phénomène que Tocqueville avait très bien étudié, d’atomisation et d’individualisation très poussée, très radicale... Et j’observe que la seule idéologie qui reste à la gauche aujourd'hui, c’est cette espèce d’individualisme, elle a oublié cet horizon de transformation sociale. Je le vois au Sénat et au Parlement, au fur et à mesure des lois que le gouvernement présente : il s’agit de donner toujours des droits, des droits, des droits... La République s'est transformée en une machine à donner du droit et souvenons-nous de ce que disait Victor Hugo : "la République impose le devoir et elle affirme le droit", ce sont les deux, il faut marcher sur les deux jambes.
Ce qui est étonnant, c’est de voir qu’un homme comme François Fillon, qui est en politique depuis 40 ans, peut incarner ce renouvellement et ce changement, il n’y a pas une contradiction ?
On a toujours cru que le renouvellement rimait nécessairement avec le dernier arrivé, ça n'est pas ça du tout. Cest parce que François Fillon est enraciné, parce qu’il a cette expérience, qu’il est pétri des joies, des souffrances des Français et de la peine de voir son pays dégringoler, qu'il a fait ce constat, ce diagnostic, assez tôt. Vous vous souvenez de la phrase "je suis à la tête d'un Etat en faillite". Son expérience a beaucoup changé sa vision, il connaît la France, François Fillon, c’est la France des territoires, des terroirs... Il ne faut pas oublier que les territoires ruraux ont massivement voté pour lui, comme les villes, il a unifié les votes de droite et du centre en France. Il n'y a pas de contradiction, il en est à un point de sa vie ou la stratification d’expériences, où la connaissance approfondie qu’il a de la de la France, l’amène à des positions de rupture.