Quand Jacques Chirac racontait la "spatule vomitive" et les indiens Tainos

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Quand Jacques Chirac racontait la "spatule vomitive" et les indiens Tainos

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Jacques Chirac aux côtés de Rigoberta MenchuTum, Prix Nobel de la Paix en 1992, lors de l'inauguration du musée du Quai Branly, le 20 juin 2006
Jacques Chirac aux côtés de Rigoberta MenchuTum, Prix Nobel de la Paix en 1992, lors de l'inauguration du musée du Quai Branly, le 20 juin 2006
© AFP - François Mori

C'est en 1992, au plus bas de sa popularité, que Jacques Chirac, décédé ce jeudi, affiche publiquement sa passion pour les arts premiers, lors d'une exposition sur les indiens Tainos au Petit Palais. Ecoutez comment à travers une archive sonore étonnante !

Si la passion de Jacques Chirac pour les arts premiers a marqué la fin de sa carrière politique - jusqu'à l'ouverture du musée du Quai Branly en 2006 qui porte aujourd'hui son nom -, elle n'a pas toujours été affichée. Retour sur cet aspect de la vie de l'ancien chef de l'État à l'occasion de sa mort ce jeudi.

Cette passion est née de sa rencontre avec Jacques Kerchache, l’un des rares spécialistes des peuples premiers. Et c'est en 1992 que le futur président va la révéler, lors d'une exposition sur les indiens Tainos au Petit Palais. Il s'improvise alors guide-conférencier, évoquant avec une grande précision et un ton pince-sans-rire les rituels à base d'hallucinogène et les "spatules vomitives" de ces peuples amérindiens qui occupaient les Grandes Antilles au XVe siècle.

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Réécoutez ce moment étonnant, enregistré par Marc Voinchet et diffusé dans les "Matins" de France Culture :

Jacques Chirac en guide d'exposition (1992)

1 min

Là vous avez quelque chose de superbe, qui incarne à la fois la tradition et la modernité : ce sont les pièces trigonolithes que l’on trouve depuis le Néolitithique et à peu près dans toutes les civilisations. Si vous vous retournez et que vous regardez la première vitrine, vous voyez bien, notamment grâce à un éclairage excellent, l’inspiration. Ces pièces à trois pointes indiquent très clairement le ventre et le sexe de la femme, les cuisses écartées, et la pointe du haut, le sexe de l’homme, c’est à dire un symbole de fécondité.

Cette civilisation avait pour habitude que ses chefs, ses caciques - c’est à dire ses chefs de village, puisqu’il n'y avait pas d’état structuré - recherchent le contact avec les esprits afin de trouver l’inspiration pour prendre les décisions, et cela grâce à la prise d’une drogue hallucinogène, la "Cohoba", dont on ne sait pas exactement de quoi elle était constituée. Il y avait d’abord pour se purifier la nécessité de vomir. Pour vomir, il y a des spatules spéciales qui sont de toute beauté, sur le plan plastique, elles sont tout à fait exceptionnelles. Ensuite, on prenait la "Cohoba" à travers un inhalateur. Vous avez dans cette vitrine des pièces admirables qui permettaient d’inhaler la poudre hallucinogène.

Jacques Chirac en guide-conférencier au Petit Palais en 1992

Catalogue de l'exposition du Petit Palais née de la volonté du maire de Paris de l'époque
Catalogue de l'exposition du Petit Palais née de la volonté du maire de Paris de l'époque

Et découvrez comment le musée du Quai Branly a conservé l'empreinte de son initiateur. Reportage de Denis Lemarié, de juin 2018, avec Jérôme Bastianelli, directeur général du musée et Gilles Clément, qui en a signé le jardin :

Le musée du quai Branly célèbre ses dix ans

3 min

Le musée du Quai Branly est un projet qui a été lancé par Jacques Chirac, qui dès son arrivée à la présidence de la République en 1995 avait souhaité que soit réunies les œuvres des civilisation extra européennes. L’histoire retiendra que le président Chirac y a été dès l’origine, pendant toute la durée de sa création, les premières années de son exploitation et encore aujourd’hui, tout à fait attaché. 

Jérôme Bastianelli, directeur général du musée du Quai Branly.

Le masque du démon japonais, sosie de J. Chirac, de la fin du XVIIIe, prêté par le musée Georges-Labit de Toulouse, ici au quai Branly pour l'exposition "Jacques Chirac ou le dialogue des cultures".
Le masque du démon japonais, sosie de J. Chirac, de la fin du XVIIIe, prêté par le musée Georges-Labit de Toulouse, ici au quai Branly pour l'exposition "Jacques Chirac ou le dialogue des cultures".
© Maxppp -

En montrant qu'il existe d'autres manières d'agir et de penser, d'autres relations entre les êtres, d'autres rapports au monde, le musée du Quai Branly proclame qu'aucun peuple, aucune nation, aucune civilisation n'épuise, ni ne résume le génie humain. Et c'est seulement dans leurs expressions toujours renouvelées que s'entrevoit l'universel qui nous rassemble. 

Jacques Chirac lors de l'inauguration du musée du quai Branly le 20 juin 2006.

Le maire de Paris devenu président affichera aussi sa passion pour le Japon, son histoire et sa culture, notamment les Sumo. Passion qui l'aura mené plus d'une cinquantaine de fois dans l'archipel.

A écouter : Le trésor des Présidents (La Fabrique de l'histoire)

La Grande table (1ère partie)
31 min