
Previously. Alors que va s'ouvrir la COP24, la volonté politique sera-t-elle à la hauteur des enjeux climatiques ? Quand le rapport de l’homme à la nature est-il devenu politique ? Retour sur l’histoire de l’écologie politique en France. Et aujourd’hui, l’écologie est-elle toujours l'apanage des Verts ?
Les négociateurs de 196 pays se retrouvent autour de la table pour une nouvelle conférence internationale sur le climat, la COP24, qui a lieu à Katowice en Pologne à partir du 2 décembre. Le but : adopter les règles de mises en oeuvre de l’accord de Paris, signé en 2015 lors de la COP21. Cette nouvelle conférence mondiale sur le climat se tient dans un contexte environnemental alarmant : hausse des émissions de CO2 en 2017, baisse des financements alloués aux pays en voie de développement, rapport du GIEC préoccupant sur l'état de la planète, retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris, etc. Par ailleurs, en France, la démission de Nicolas Hulot du gouvernement a laissé un vide quant à l'incarnation politique dans l'opinion publique du combat écologiste.
Plus que jamais, le mot écologie est à la mode dans la bouche des politiques. Pourtant, le processus d’écologie politique a mis du temps à s’installer en France. Quelle est l’histoire de l’ écologie politique, et quelle est la place de l’écologie dans les partis politiques ?
Aux origines de l’écologie
Les premières préoccupations écologistes datent de la fin du XVIIIe siècle. Des voyageurs naturalistes prennent conscience de l’importance de protéger la faune et la flore de certains endroits, notamment sur l’île Maurice.
Le mot écologie apparaît en 1866. Il a été inventé par un naturaliste allemand, Ernest Hackel, qui était un vulgarisateur des idées de Darwin. Il définissait l’écologie comme "la science de l'économie, des habitudes, du mode de vie, des rapports vitaux externes des organismes".
C’est dans l’entre-deux-guerres que l’écologie scientifique s’affirme aux Etats-Unis, touchés alors de plein fouet par le "Dust Bowl", littéralement bol de poussière. Le Dust Bowl a été l’une des plus impressionnantes catastrophes écologiques, dans la région des Grandes Plaines, dans les années 1930. Ce fut une série de tempêtes, due à un enchaînement d’années particulièrement sèches et chaudes, couplée à des pratiques agricoles intensives. Cet événement a permis une prise de conscience scientifique de l’écologie, mais aussi politique, car l’administration Roosevelt créa le service de conservation des sols (Natural Ressources Conservation Service).
L’écologie politique trouve une tribune dans de nouveaux médias
En France, dans les années 1960, grâce aux travaux des scientifiques, la société civile prend peu à peu conscience de l’impact de l’activité humaine sur la nature. Cette réflexion scientifique commence à s’associer à une réflexion politique, où l’homme serait à l’origine de dysfonctionnements naturels.
Mai 68 joue un rôle important dans l’élaboration de la pensée de l’écologie politique, nourrit des idées libertaires et des réflexions sur la société de consommation. Ce sont des soixante-huitards qui permettent à l’écologie politique de trouver une tribune. En 1972 et 1973, les deux premiers mensuels écologistes voient le jour : Le Sauvage, au sein du groupe de Claude Perdriel, dirigé par le journaliste Alain Hervé, fondateur également des Amis de la Terre France, et La Gueule Ouverte, créé par Pierre Fournier.
Parmi les contributeurs de Le Sauvage, il y a l’intellectuel André Gorz, l’un des principaux artisans de l’écologie politique. Les journalistes du mensuel prônent ainsi une entrée de l’écologie en politique.
La Gueule Ouverte avait pour sous-titre : Le journal qui annonce la fin du monde. Ce mensuel de protestation écologique était voulu comme un transfuge d’Hara Kiri et de Charlie Hebdo, pour faire de l’écologie un combat politique.
Une radio emboîte également le pas de ce mouvement, avec le soutien des Amis de la terre. En mai 1977, la première radio pirate de France est créée sous le nom de "Radio Verte", "contre le monopole du gouvernement sur les ondes", avec la complicité de professionnels de France Culture. L’un des créateurs, Antoine Lefébure raconte dans l’émission La Fabrique de l’Histoire en 2006 :
J’écoutais les radios pirates Outre-manche et cela me fascinait, j’ai voulu ouvrir la mienne. J’ai fait appel à Brice Lalonde (candidat écologiste à la présidentielle de 1981), car il avait conquis une audience politique, et aussi parce que les socialistes ne voulaient pas participer. Les seuls qui ont accepté de nous soutenir, ce sont les écolos.
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Pour Brice Lalonde, c’était aussi un moyen de toucher directement le public.
En parallèle, des associations écologistes se créent et forment des cercles de militants. Les premières mobilisations nationales se déclenchent avec eux. Le combat du Larzac ou la contestation anti-nucléaire s’affirment, notamment contre le projet de centrale nucléaire de Superphénix en 1977, dans l’Isère. Un manifestant meurt dans des affrontements avec la police.
L’écologie tournée vers la conquête du pouvoir
Dans les années 1970 donc, l’écologie politique prend de l’ampleur. L’idée de la concrétiser par une candidature à l’élection présidentielle s’impose de plus en plus. Celui qui a impulsé cette candidature n’est autre que Jean Carlier, le directeur de l’information de la radio RTL de l’époque, engagé dans le combat écologique, notamment contre les projets immobiliers du parc national de la Vanoise, le premier vrai conflit environnemental en France entre 1969 et 1971. "L’écologie concerne tout, c’est pour cela qu’elle est politique", expliquait-il au micro de la Fabrique de l’Histoire en avril 2006. "Je savais que Georges Pompidou était malade, que des élections allaient arriver, raconte-t-il, donc j’ai commencé à chercher un candidat en mettant en place un groupe de réflexion". Le choix s’est arrêté sur René Dumont, ingénieur agronome, qui devient en 1974, le premier candidat à la présidentielle à se présenter sous l’étiquette écologiste.
Dans l’esprit de Jean Carlier, l’écologie politique devait rester en dehors de toute étiquette, droite ou gauche :
Je voulais créer quelque chose à part de tout système politicien, que ce soit la droite ou la gauche qui soient au pouvoir. Il fallait que l’on pèse par le poids de l’écologie vécue.
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Naissance des Verts
René Dumont obtient 1,32% des voix. Quelle suite donner au mouvement ? Il faudra une dizaine d’années pour qu’un véritable parti se structure, et en 1984 les Verts sont créés. Un parti ancré à gauche, mais avec beaucoup de débats en interne. Faut-il se limiter à des questions environnementales ou élargir aux questions économiques ou sociétales ? Faut-il ou non s’allier avec d’autres partis pour peser davantage dans le débat politique ? Quelle attitude adopter vis-à-vis du pouvoir ? Ces deux dernières questions se posent d’ailleurs encore aujourd’hui.
La stratégie "ni droite, ni gauche" est d’abord choisie, avec à sa tête l’Alsacien Antoine Waechter, candidat à la présidentielle de 1988.
L’alliance pour accéder au pouvoir
Les Verts vont ensuite se heurter à une difficulté, explique Daniel Boy, directeur de recherche à Sciences Po et spécialiste de l’écologie. Cette difficulté est que autant l’accès aux élections locales et européennes est relativement possible pour une petite force politique, autant l’accès au pouvoir central est compliqué, puisque dans les élections législatives, scrutin majoritaire à deux tours, si on n’est pas une force politique d’au moins 20%, on a aucune chance de se faire élire. Donc accéder au pouvoir nécessite d’avoir un allié.
Finalement, cet allié sera le Parti socialiste. Les deux forment ainsi la gauche plurielle, en 1997. Elle voit arriver au gouvernement de Lionel Jospin la verte Dominique Voynet. Une alliance non sans tension, d’après Daniel Boy : "Etre avec le PS suppose d’avoir un programme commun. Or, sociologiquement, les Verts sont un peu plus à gauche que les socialistes". De plus, les Verts se retrouvent "cantonnés" aux sujets environnementaux, qui sont certes leur premier enjeu, mais ils aimeraient élargir leur spectre, à l’économie, au social ou encore aux affaires étrangères.

En 2009, sous l’impulsion de Daniel Cohn-Bendit, la liste Europe Ecologie obtient 16% des suffrages aux Européennes. Et un an plus tard, les Verts fusionnent logiquement avec Europe-Ecologie.
Le parti est alors de nouveau tiraillé entre le "ni droite, ni gauche" ou l’alliance pour peser dans l’échiquier politique. L’année 2012 sera marquée par des hauts et des bas : l’échec cuisant d’Eva Joly à la présidentielle et ses 2.3% des voix et les législatives, avec pour la première fois, la constitution d’un groupe écolo sur les bancs de l’Assemblée, avec 17 élus. Les Verts rentrent même au gouvernement, avec Cécile Duflot et Pascal Canfin. Gouvernement qu'ils quittent avec fracas deux ans plus tard, quand Manuel Valls devient Premier ministre : "Cette nomination n'est pas la réponse adéquate aux problèmes des Français", écrivent-ils dans un communiqué.

Le coup de grâce pour les militants écolos sera porté lors de la dernière présidentielle, cette année. Le candidat écologiste Yannick Jadot se rétracte au profit du socialiste Benoît Hamon. Yannick Jadot se justifie alors :
Mon objectif est que le prochain président soit écologiste. La victoire de Benoît Hamon à la primaire à gauche a modifié le paysage politique et a donné à chacun une responsabilité. Ma responsabilité est de dépasser les ego.
C'est la première fois depuis René Dumont, qu'aucun Vert n'est candidat à la fonction suprême.
Quelle est la position du parti Europe Ecologie les Verts aujourd’hui ? "Mystère !, répond Daniel Boy. Le naufrage du Parti socialiste a entraîné le naufrage des Verts, et depuis, il n’y a pas eu de Congrès. Le parti est en recomposition, et on ne sait pas de quelle manière ils vont imaginer leurs alliances."
L’écologie n’est plus l’apanage des écolos
Pour Daniel Boy, la traversée du désert des Verts s’expliquent aussi par la concurrence des autres partis dans leur domaine de prédilection :
Europe Ecologie les Verts se retrouvent depuis quelques années confrontés à un Parti socialiste qui dit "moi, je suis écolo", à un Jean-Luc Mélenchon qui dit "plus écolo que moi, on meurt !" et ça, cela n’était jamais arrivé. Car avant, le PS n’était pas très branché écologie sauf au moment des élections. Mais la plupart du temps, ce n’était pas sa préoccupation et à l’extrême gauche, il n’y avait pas non plus de très fortes revendications. Le parti écolo est donc confronté à une situation qui est extrêmement nouvelle pour lui.
La droite s’est aussi emparée du sujet, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, et de son Grenelle de l’environnement, "mais, tempère Daniel Boy, le soufflet est très vite retombé, Nicolas Sarkozy ne voulant pas se mettre à dos les agriculteurs". De fortes personnalités ont malgré tout montré que la droite n'était pas insensible à la cause environnementale : Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Louis Borloo en tête.
Par ailleurs, le président de Les Républicains Laurent Wauquiez s'est aussi emparé du thème, en soutenant que l'écologie n'échappe au clivage droite-gauche :
Je ne crois pas à l'écologie de la gauche, qui ne repose que sur des normes, qui croit que la préservation de l'environnement passe par le retour à la lampe à huile.
Mais l’exemple encore plus frappant est la "prise de guerre" éphémère du président Emmanuel Macron avec la nomination de Nicolas Hulot en 2017 en tant que ministre d’Etat chargé de la transition écologique. D'autant plus retentissante que le plus célèbre écologiste avait déjà été approché par plusieurs présidents sans succès. Le symbole fut fort, même si l’ancien producteur de télévision a démissionné en août 2018 en rappelant qu'avec le président Macron il "n'avait pas le même diagnostic sur l'état de la planète et sur les menaces qui pèsent sur l'humanité".
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A l'occasion de la COP24, retrouvez toutes les émissions et les chroniques sur le changement climatique ,par les antennes de Radio France. Quel est l'impact du réchauffement climatique sur l'environnement ? Quels dangers, quelles solutions ? A retrouver sur iTunes, sur Deezer ou en fil RSS.