Qui pour incarner l'écologie en France ?

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Qui pour incarner l'écologie en France ?

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Certaines fleurs parviennent à pousser dans le désert d'Arabie saoudite
Certaines fleurs parviennent à pousser dans le désert d'Arabie saoudite
© Getty - Tariq M1

La question climatique est dans toutes les têtes alors que s'ouvrira le 2 décembre prochain à Katowice, en Pologne, la COP24. Pour autant, en France, personne ne semble faire l'unanimité pour incarner ce combat auprès de l'opinion publique.

En démissionnant de son poste de ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot semble avoir créé un vide quant à l'incarnation de l'écologie dans l'opinion publique. L'ancien producteur de télévision ne voulait "plus se mentir" dans un gouvernement qui, selon lui, ne faisait pas de l'écologie sa priorité. Invité dans l' Emission politique sur France 2, Nicolas Hulot a rappelé qu'avec le président Macron il "n'avait pas le même diagnostic sur l'état de la planète et sur les menaces qui pèsent sur l'humanité".

Depuis son départ, plébiscité dans les sondages et alors que les Français se disent particulièrement préoccupés par l'environnement, très peu de figures du monde politique ou associatif ont émergé. Pourtant, les signaux d'alertes climatiques se multiplient alors que s'ouvre le 3 décembre la COP24 : rapport alarmant du GIEC, hausse des émissions de CO2, non-respect de l' accord de Paris, etc.

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Le Billet politique
3 min

Le cas Hulot

Faire de la politique au plus haut niveau, tout en gardant sa crédibilité écologiste, fut le défi de Nicolas Hulot. Tout d'abord en participant à la primaire d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) en 2011, sans toutefois l'emporter face à Eva Joly, puis en intégrant en 2017 le gouvernement d'Edouard Philippe. Figure populaire, l'ancien animateur de télévision est parvenu à endosser le costume de l'homme politique tout en gardant celui d'expert. C'est en tout cas l'avis de Brice Teinturier, le directeur général délégué de l’institut de sondage IPSOS : 

Dans l’opinion publique, on ne voit aucune figure politique qui incarnerait à la fois cette préoccupation environnementale et aussi une compétence technique sur le sujet. Nicolas Hulot avait cette double compétence : il était à la fois le défenseur de la cause environnementale mais il était également crédité d’un vrai savoir sur le sujet. Les hommes et femmes politiques ayant cette double compétence aujourd’hui en France sont relativement rares. Ségolène Royal l’a en partie, Nicolas Hulot l’avait, mais c’est à peu près tout."

Hormis ces deux figures politiques, il est difficile de voir émerger une personnalité populaire capable de porter le combat écologiste, au grand regret de Pascal Durand_,_ député européen Europe Ecologie et ancien secrétaire national EELV : "La France est un vieux pays catholique. La figure de l’incarnation est importante. Dans l’imaginaire collectif, Nicolas Hulot représente l’écologie. Malheureusement, quand vous avez un bulldozer, un brise-glace comme Nicolas Hulot, il est difficile de se mettre devant." Ce fut également le cas de deux autres acteurs populaires de l'écologie d'après Pascal Durand : "L’écologie politique a souffert de l’omniprésence médiatique de personnes qui étaient en dehors de l’écologie politique, comme Cousteau, Hubert Reeves ou Nicolas Hulot." A une différence près tout de même entre ces trois figures publiques : Hubert Reeves et Cousteau n'ont "jamais vraiment mis les pieds en politique, par prudence" analyse Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) et spécialiste de l’écologie politique.  

Du Grain à moudre
38 min

Le problème du leadership à EELV

Théoriquement, le parti EELV serait le plus susceptible de porter sur le devant de la scène une figure politique capable d'incarner l'écologie. Mais c'est sans compter la difficulté de cette formation politique à faire émerger des leaders. D'après Daniel Boy, cette impasse est inscrite dans l'ADN de la formation écologiste : "Les Verts est un parti assez jeune, né en 1984, et qui n’a jamais dépassé 10 000 adhérents. A l’intérieur de ce petit monde, il fallait mettre en avant des leaders. Mais chez les Verts, on déteste les leaders. Le slogan c’est 'Faire de la politique autrement' et cela suppose la valorisation du collectif, le mandat impératif, la rotation des postes, etc. De sorte que pendant longtemps chez les Verts, puis à EELV à partir de 2010, lorsque vous aviez un chef qui émergeait, il fallait lui couper la tête." 

Cette "méfiance" à l'encontre des leaders est-elle l'un des facteurs du "manque du visibilité d'EELV" que reconnaît l'ancien secrétaire national du parti ? "EELV et Les Verts se sont construits sur une logique de partage des responsabilités, se souvient Pascal Durand. On ne s’est pas mis dans une logique de chef tutélaire, à la différence de beaucoup de partis en France. Mais cela créé peut-être un problème de leadership. C'est peut-être une des causes de ce manque de visibilité. On a d’ailleurs vu au moment des Européennes qu’avec quelqu’un comme Daniel Cohn-Bendit, il y avait une forme d’incarnation du mouvement." A en croire l'analyse de Daniel Boy, ce n'est pas un hasard si les Verts ont alors réalisé leur meilleur score électoral :

Le seul moment où les Verts ont fait un bon résultat, c’était en 2009 avec 16% aux élections européennes. Ils avaient mis en tête de liste des circonscriptions régionales de bons leaders comme Daniel Cohn-Bendit ou Michèle Rivasi.  

Daniel Cohn-Bendit, en pleine campagne électorale, lors d'un meeting à Marseille en 2009
Daniel Cohn-Bendit, en pleine campagne électorale, lors d'un meeting à Marseille en 2009
© AFP - Anne-Christine Poujoulat

Un second frein à la réussite du parti EELV est souligné par Brice Teinturier de l'IFOP : "Les Verts ont toujours mis la question environnementale au centre de leur programme de manière quasi-exclusive. Alors que les Français demandent un programme de gouvernement et une vision de la société qui, certes, intègrent la dimension écologique mais également les questions économiques, les questions sécuritaires, les questions migratoires. Quand vous êtes sur une thématique sectorielle, vous ne pouvez pas convaincre les Français du fait que vous êtes la bonne formation pour répondre à l’ensemble de leurs multiples préoccupations.

Matières à penser
44 min

De Mélenchon à Sarkozy : l'écologie transversale

Le XXIe siècle a sans doute connu l'un des tournants majeurs dans l'histoire de l'écologie politique. La thématique s'est installée peu à peu, de manière transversale, dans les programmes des différentes formations politiques. Pascal Durand l'admet : "L'écologie politique appartient à tout le monde. Je n'ai jamais fait parti de ceux qui disaient que l'écologie ne pouvait pas être de droite." Le député européen a été entendu puisqu'un homme politique de droite s'est bel et bien emparé du sujet, comme le rappelle Daniel Boy : "A droite, il y a eu un phénomène très intéressant qui s'est matérialisé sous la forme du Grenelle de l’environnement. Un leader de droite, Nicolas Sarkozy, a fait le pari d’une alliance avec un conglomérat d’associations. Cela a abouti à une réforme considérée comme une avancée, même par les associations environnementales les plus radicales. Mais rappelons-nous que, un an après cela, Nicolas Sarkozy avait déclaré au Salon de l’Agriculture : "L’environnement ça commence à bien faire !'"

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De l'autre côté de l'échiquier politique, la gauche de la gauche a mis du temps à s'emparer du sujet. Car même si lors de la fête de l'Huma, en 2018, Pierre Laurent, l'ancien secrétaire national du Parti Communiste, déclarait que "la concurrence ne valait rien pour la planète (et qu'il ne fallait) pas séparer écologie et social", il n'en a pas toujours été autant, comme l'analyse Daniel Boy : 

Historiquement, la gauche de la gauche a d’abord été extrêmement hostile à l’écologie. Concernant le rapport du Club de Rome en 1972, premier rapport important sur l’écologie, le Parti Communiste lui est tombé dessus à bras raccourci en expliquant que l’écologie était le malthusianisme du capitalisme. Le PCF a donc mis très longtemps à intégrer l’écologie dans sa réflexion.

Selon Daniel Boy, "Jean-Luc Mélenchon a réussi à dépasser ce stade-là". Dès 2008, alors qu'il était encore député PS, le leader de la France Insoumise déclarait déjà : "Tout le monde est prêt à comprendre que pour agir sérieusement et vraiment, une planification écologique est nécessaire". Ce concept de "planification écologique" a même été l'une des pierres d'achoppement de son programme présidentiel en 2017. 

Tous les partis de gauche "se sont emparés de cette thématique", selon Brice Teinturier. Pour autant, aucune figure de proue, au sein de ces formations politiques ne semble incarner aujourd'hui l'écologie. "L’écologie est une préoccupation qui grandit au sein de l’opinion publique, détaille le directeur général délégué de l’institut de sondage Ipsos. Toutefois, cela reste un thème parmi d’autres et qui a été digéré par toutes les formations politiques à l’intérieur de leur programme. [...] C’est le cas de la France Insoumise, du Parti socialiste ou du mouvement Génération-s de Benoît Hamon." 

Les ONG, hérauts de l'écologie ?

WWF, Greenpeace, Les Amis de la Terre, France Nature Environnement, les associations qui ont fait de l'écologie leur combat "ont un vrai capital sympathie au sein de l'opinion publique", explicite Brice Teinturier. Cela suffit-il pour autant à incarner l'écologie aujourd'hui en France ? "Ces associations défendent une seule et même cause, selon Brice Teinturier. Or, la politique doit incarner un projet de société. Si l’environnement ne passe pas par une incarnation politique plus forte et intégrée dans une vision globale, elle restera l’apanage de personnalités ou d’associations et cette thématique ne s’imposera pas à plus grande échelle." Toutefois, encore faut-il sauter le pas en passant de la société civile à l'engagement politique. "Dans les années 70, les écologistes ont hésité à entrer sur la scène électorale. A l’époque, avant la création des Verts, il y avait simplement des petits partis écolos, comme Ecologie 78, qui se disaient biodégradables. Ils disparaissaient après une élection. Parce qu’il ne fallait surtout pas se salir les mains dans la politique." Cette prévention à l'égard du monde politique est-elle encore vivace aujourd'hui ? Le cas Hulot aura sans doute refroidi les ardeurs de certains membres d'associations écologistes. Interrogé sur France Inter, Pascal Canfin, le directeur général du WWF France a annoncé ne pas être candidat aux élections européennes pour le parti LREM : 

Il y a eu des échanges mais j’ai refusé les propositions qui m’ont été faites parce que je veux garder ma liberté et je veux pouvoir dire exactement ce que je pense. Et je ne veux pas dire du mal de machin parce qu’il appartient à l’autre camp : ce n’est pas à la hauteur des enjeux.

Le monde associatif n'est pas le seul à bénéficier d'un fort capital sympathie auprès de l'opinion publique. Les experts du climat ont également une audience de plus en plus large. Les vidéos publiées par Aurélien Barrau, astrophysicien et philosophe, ont été visionnées par des centaines de milliers de personnes. Il est également à l'origine d'une tribune publiée par le journal Le Monde et largement relayée dans les médias. 

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Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) bénéficie lui aussi d'une véritable crédibilité auprès du grand public. En 2007, le GIEC s'est même vu décerner le Prix Nobel de la Paix, aux côté de l'ancien vice-président américain Al Gore, "pour leurs efforts de collecte et de diffusion des connaissances sur les changements climatiques provoqués par l'homme et pour avoir posé les fondements pour les mesures nécessaires à la lutte contre ces changements".

ECOUTEZ LE PODCAST DE RADIO FRANCE "AGIR POUR MA PLANÈTE" :

A l'occasion de la COP24, retrouvez toutes les émissions et les chroniques sur le changement climatique , par les antennes de Radio France. Quel est l'impact du réchauffement climatique sur l'environnement ? Quels dangers, quelles solutions ? A retrouver sur iTunes, sur Deezer ou en fil RSS.