Rap : quand la mythologie s’invite dans les textes

Le groupe IAM sur scène devant les pyramides de Gizeh, en 2008.
Le groupe IAM sur scène devant les pyramides de Gizeh, en 2008.

Rap : quand la mythologie s’invite dans les textes

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Rap : quand la mythologie s’invite dans les textes

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Égypte antique, miracle grec, légendes mésopotamiennes : voici comment les rappeurs s’approprient des références mythologiques pour booster leur ego et créer du collectif.

Sur scène, ils s’appellent Akhenaton, Kheops, Imhotep ou Kephren. L’Égypte antique est au cœur de l’identité du groupe IAM, qui est même allé jusqu’à se produire devant les pyramides de Gizeh, en 2008. Et ce ne sont pas les seuls à adopter ces codes. Nas en pharaon, Jaden Smith en t-shirt à l’effigie du dieu Anubis, Snoop Dogg volant dans une Égypte revisitée à la sauce Vegas, nombreux sont les rappeurs qui adoptent l’imagerie des pyramides et des divinités antiques. Ces inspirations servent une quête d'émancipation, à la fois individuelle et collective.

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Dans le morceau “Pharaon Reviens” des Marseillais de IAM, on entend :

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En deux même termes, la prophétie renaît 3275 ans après
Pharaon reviens [Le pharaon contestataire prend le nom d’Akhenaton]

Akhenaton, c’est le nom d’un des rappeurs du groupe, mais c’est surtout un pharaon autoritaire qui a imposé le culte du soleil il y a 34 siècles. Quant à Kheops, l’autre cofondateur d’IAM, il renvoie à l'architecte qui fit bâtir la plus grande pyramide.

IAM, lecteurs de Cheikh Anta Diop

Une aspiration collective, pas seulement individuelle”, selon la professeure de lettres classiques Nadège Wolff, qui a signé une analyse du phénomène. C’est une Antiquité qui donne un prestige, qui donne une ancienneté et qui ne s'inscrit pas uniquement dans l'Égypte, mais aussi dans les origines grecques de la cité phocéenne”.

Le groupe promeut ainsi une identité méditerranéenne et cosmopolite, à l’image de ses membres : Akhenaton est d’origine italienne, Freeman, qui a depuis quitté le groupe, est d’ascendance algérienne et Imhotep a des racines espagnoles. Le groupe raconte d’ailleurs s’être prêté un vieil exemplaire de Nations nègres et culture, un livre de 1955 écrit par l’anthropologue sénégalais Cheikh Anta Diop, qui lie les origines de la civilisation égypto-nubienne à l’Afrique noire.

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Les racines du royaume de Koush

Bon nombre de rappeurs noirs américains évoquent aussi les pharaons et les pyramides, montrant "une Antiquité rêvée" qui renvoie au royaume de Koush : ce territoire, à cheval sur le Soudan et l’Égypte, fut surtout gouverné par des pharaons noirs entre le VIIIe siècle avant notre ère et le IVe de notre ère.

Dès les origines du hip-hop, en 1983, Gary Byrd, un M.C. américain, avait réhabilité l’Égypte. Dans son morceau emblématique, "The Crown", on entend :

You were Cleopatra, Queen of the Nile.
The sun would wink when it saw your smile
I said once upon a time in Alkebu
Lived the kings and queens who looked like you.
It was a land of sun with a golden shine,
A place that once was yours and mine.

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Ce qui est intéressant aussi avec l'Égypte, c'est que ça précède la Grèce antique et la Rome antique, rappelle Nadège Wolff. On a tendance à faire commencer la civilisation occidentale au miracle grec. Et ce qu'ils veulent montrer, c'est qu'avant tout ça, il y a eu un miracle égyptien.

Azealia Banks en Méduse

Les autres mythologies, notamment grecque, ne sont pas en reste et sont largement citées, surtout à travers des symboles d'empouvoirement individuel. Méduse, une créature à la chevelure de serpents, a le pouvoir de pétrifier ceux qui croisent son regard et on la croise dans beaucoup de textes, comme chez Nekfeu : “C’est comme si leur cœur avait regardé les deux yeux de Medusa”. Ce sont surtout des rappeuses qui s’approprient cette figure de pouvoir féminin, comme l’Américaine Azealia Banks qui l’incarne dans son clip de “Ice Princess”.

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Méduse est aussi l’emblème de Versace, marque souvent mentionnée comme un symbole d'émancipation financière. C’est le cas d’autres figures mythologiques qui incarnent l’univers du luxe ou de la démesure. En premier lieu, Hermès, messager des dieux : "On a réduit à une boucle de ceinture la sagesse d’Hermès", évoque Vald dans son morceau "Gris". Midas, un roi trop cupide qui reçoit le don maudit de transformer en or tout ce qu’il touche, a la faveur des artistes ventant leur succès : Drake revendique de posséder "the Midas touch" et D. Ace poursuit : "J'viens pour chercher les disques d'or, Midas vient toucher mes CD”.

Cerbère chez SCH

Finie la quête du collectif, les références les plus récentes servent avant tout l’individualité : Anunnaki, un groupe de dieux de l’occulte venus des cieux de la mythologie mésopotamienne, permet à Vald de se placer parmi les dieux. "J'vais monter haut, redescendre en Annunaki", laisse entendre le refrain du titre phare de son tout dernier album. Enfin, Cerbère, chien des enfers à trois têtes qui inspire la peur, est mentionné entre autres par le Marseillais SCH dans "Facile" : "Musique des ténèbres, chien à trois têtes sans la laisse". Preuve que la mythologie dans le rap sert désormais avant tout à asseoir son ego.

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