Réforme des retraites : les professions libérales dans la rue pour défendre leur régime autonome

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Réforme des retraites : les professions libérales dans la rue pour défendre leur régime autonome

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Les avocat.es sont particulièrement mobilisé.es au sujet de l'évolution de leurs retraites
Les avocat.es sont particulièrement mobilisé.es au sujet de l'évolution de leurs retraites
© AFP - Alain Pitton / NurPhoto

Avocats, médecins et infirmières, podologues, orthophonistes ou encore pilotes, stewards et hôtesses de l'air s'opposent au régime universel de retraite que souhaite le gouvernement Macron. Ils manifestent aujourd'hui à Paris pour le maintien de leur régime autonome : un régime particulier.

Ils ont tous comme point commun d'avoir des régimes autonomes créés après la Seconde Guerre mondiale. Ces régimes ont la particularité de ne pas faire appel à l'aide d'État ni aux autres régimes. Le rapport du Haut commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye, qui précède la réforme des retraites, vise à créer un régime unique universel, quel que soit le statut : salariés, fonctionnaires, professions libérales et indépendants. Une fusion des régimes dans laquelle ces catégories s'estiment lésées, car leur fonctionnement est bien différent des autres statuts. 

Le libéral indépendant se conçoit comme un entrepreneur : il paye des charges, des cotisations et finance à 100% son régime de retraite. Le projet de réforme des retraites prévoit de faire passer sa cotisation de 14 à 28% pour s'aligner sur celles du privé. Les avocats assurent qu'aujourd'hui leur niveau de charges et cotisations sociales représente déjà 46 à 48%. Doubler leur cotisation retraite reviendrait selon eux à augmenter leur niveau de charge à 60%.

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Christiane Féral Schuhl présidente de l'Ordre des avocats.
Christiane Féral Schuhl présidente de l'Ordre des avocats.
© Radio France - annabelle Grelier

L'inquiétude des avocats

"Quand on sait que le revenu médian des avocats en France est de 44 000 euros par an, cela revient à dire que le métier d'avocat libéral est en danger", estime Christiane Féral-Schuhl, présidente de l'Ordre des avocats. Et tous de dire qu'ils se battent au-delà de cette réforme de la retraite pour la survie même de leur profession. 

L'inquiétude est d'autant plus forte qu'à l'issue des 18 mois de concertation auprès de Jean-Paul Delevoye, les représentants syndicaux n'ont vu aucune de leurs préconisations retenues. Pire encore, à la lecture du rapport en juillet dernier, ils ont eu la mauvaise surprise de se retrouver parmi les grands perdants de cette réforme. Les avocats refuseraient-ils d'être solidaires ? Faux, répond la présidente de l'Ordre :

Notre régime autonome reverse 100 millions d'euros aux autres régimes par an ! Il faut savoir qu'en plus, n'ayant aucune garantie qui s'appliquent aux salariés, pas d'indemnités chômage par exemple, nous devons organiser notre propre solidarité et nous reversons par exemple chaque année un million d'euros aux avocats en situation de détresse. Et pourtant aujourd'hui, nous avons un régime qui fonctionne, qui intègre la prévoyance et c'est cela que l'on veut nous supprimer.                
Christiane Féral-Schuhl

"La réaction sera massive" assure Christiane Féral-Schuhl. Cette réforme des retraites est particulièrement difficile à accepter pour les avocats qui ont déjà eu à vivre la précédente réforme de la Justice, non sans douleur. Les avocats estiment aujourd'hui ne pas être considérés voire même dénigrés pour ce qu'ils apportent dans la société. "On se demande si tout n'est pas organisé pour rendre plus difficile l'exercice libéral", s'interroge-t-elle.

La Question du jour
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Pour Anne-Sophie Laguens, jeune avocate à Paris, ce sont des milliers de petits cabinets qui sont menacés de fermer si les cotisations devaient augmenter. "Les charges qui pèsent sur nos petites structures atteignent aujourd'hui près de 50 % de notre activité. Nous n'avons pas les reins assez solides pour pouvoir absorber la hausse des cotisations prévues dans le rapport Delevoye."

Anne Sophie Laguens, avocate à Paris manifestera contre le régime universel des retraites.
Anne Sophie Laguens, avocate à Paris manifestera contre le régime universel des retraites.
© Radio France - ASL

Même son de cloche du côté des médecins libéraux et des infirmières : "S'ils pensent qu'on va se laisser voler, il n'en est pas question", renchérit Jean-Paul Hamon, de la Fédération des médecins de France (FMF). Son confrère Jérôme Marty, de l'Union française pour une médecine libre (UFML), s'est même dit prêt à "un arrêt total et global" des praticiens libéraux "si le gouvernement ne [les] écoute pas". "On continuera tout le long de la réforme, un an s'il le faut", ajoute Ghislaine Sicre, de Convergence infirmière, pour qui "la réforme de Macron, c'est plus de ponction pour moins de pension".

Ghislaine Sicre présidente de Convergence Infirmier
Ghislaine Sicre présidente de Convergence Infirmier
© Radio France - Annabelle Grelier

Les PNC attachés à leur régime spécial

Pilotes, hôtesses et stewards disposent depuis 1952 d'un régime complémentaire légal obligatoire, la CRPN, "indépendant et autofinancé" pour le Syndicat National des Pilotes de Ligne, "bien géré et solide" selon les syndicats de PNC (personnels naviguant commerciaux). Dans son rapport rendu public le 18 juillet, le Haut-commissaire préconise la création d'un système universel par points, qui remplacerait à partir de 2025 les 42 régimes actuels, dont la CRPN. "S_i les principes de la réforme et la création du régime universel ne sont pas contestés par notre organisation, nous nous opposons fermement à la disparition du régime complémentaire légal et obligatoire des personnels navigants_", écrit le SNPL.

Le dogmatisme politique ne doit pas conduire à rayer d'un trait de plume des régimes qui ont prouvé leur efficacité et leur bonne gestion depuis des décennies.                
Syndicat national des pilotes de ligne 

Pour Joachim Coursimault, steward à Air France et président de l'Unac, "les retraites des personnels navigants sont sacrées" : 

Nous cotisons beaucoup plus que la majorité des Français pour nous assurer une pension de retraite convenable après des années passées à travailler dans des conditions pénibles : décalage horaire, travail de nuit, vibrations et bruits. Repoussez l'âge de notre départ à la retraite de 4 à 8 ans et baisser notre pension de retraite de 30 % est insupportable.                
Joachim Coursimault

Joachim Coursimault, président de l'Unac
Joachim Coursimault, président de l'Unac
© Radio France - JC

Le principal syndicat de pilotes de ligne et six organisations d'hôtesses et stewards ont également appelé à manifester contre la réforme des retraites. Les pilotes du SNPL ont "décidé de se joindre aux professions qui manifesteront le 16 septembre à Paris pour exiger le maintien de leur régime complémentaire et la prise en compte des particularités de leur activité". Par ailleurs, six syndicats d'hôtesses et stewards (Unac, SNPNC, Unsa-PNC, Ugict-CGT Air France, UNPNC, SNGAF) ont également appelé l'ensemble des PNC à manifester "le même jour" pour s'opposer à la disparition de leur régime de retraite complémentaire et "défendre leurs spécificités".

Toutes ces professions entendent bien également sauver les réserves de leur régime autonomes : 2 milliards de réserves financières pour les avocats, 7 milliards pour les médecins, plus de 3 milliards pour les infirmiers libéraux, 4 milliards pour les personnels navigants. La Fédération des médecins de France dénonce "un hold-up inacceptable" ou encore "une spoliation pour les avocats". 

Soucieux de rassurer des partenaires sociaux aux aguets, Edouard Philippe s'est engagé jeudi dernier à "prendre le temps" pour élaborer le régime universel des retraites souhaité par Emmanuel Macron. Son adoption est prévue d'ici l'été 2020. Après la RATP vendredi dernier, la grève des professions libérales s'annonce massive.

Le Temps du débat
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