Réforme du code du travail : comprendre ce qui va changer

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Réforme du code du travail : comprendre ce qui va changer

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Manifestation à Toulouse contre la réforme du droit du travail (12/09/2017)
Manifestation à Toulouse contre la réforme du droit du travail (12/09/2017)
© AFP - Alain Pitton / NurPhoto

Une sélection d'émissions et d'articles pour y voir plus clair dans les débats sur la réforme du code du travail.

Après une première journée de mobilisation mardi 12 septembre, les syndicats appellent à une nouvelle journée d'action ce jeudi contre les ordonnances sur le travail du gouvernement d'Edouard Philippe. Ces dernières seront présentées en Conseil des ministres ce vendredi 22 septembre. Le contenu de la réforme est dense. Et les transformations du code du travail sont importantes. Elles font l'objet d'un vif débat entre les opposants à ces ordonnances et ceux qui les défendent, avec plusieurs grandes questions.
- Pourquoi recourir aux ordonnances ?
- Qui sont les gens derrière ces réformes ?
- Quelles sont les principales lignes de fracture idéologique ?
- Plafonner les indemnités aux Prud'hommes, cela change quoi ?
- Le "contrat de projet" va-t-il renforcer la précarité ?
- Quelle voix auront les salariés dans l'entreprise ?
- Que veut dire inverser la hiérarchie des normes ?
- L'accord d'entreprise doit-il primer sur la branche ?
- Allons-nous dans le même sens que nos voisins européens ?
Retrouvez une sélection d'émissions et d'articles pour y voir plus clair. Et comprendre ce qui va changer.

Pourquoi recourir aux ordonnances ?

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Pour aller plus vite, le gouvernement a choisi un processus législatif qui lui permet d'éviter le débat parlementaire. L’article 38 de la Constitution lui donne la possibilité de faire passer ses réformes par ordonnances, c’est-à-dire de se passer du vote du Parlement pour légiférer dans les domaines qui relèvent de la loi. En pratique, avec une ordonnance, le Parlement délègue son pouvoir de légiférer au gouvernement. Ces ordonnances doivent être présentées en Conseil des ministres le 22 septembre. Mais il faudra encore qu'elles soient ratifiées par le Parlement.

© Visactu

Qui sont les gens derrière cette réforme ?

Des "hommes de l'ombre" ont aussi conçu cette réforme défendue par Muriel Pénicaud et Edouard Philippe. Il y a d'abord le conseiller social de l'Elysée : Emmanuel Macron a choisi le père de la loi El Khomri, Pierre-André Imbert. A Matignon, l'avocat Franck Morel remplit le rôle de "conseiller social travail emploi formation" d'Edouard Philippe. Enfin, la ministre du travail Muriel Pénicaud a elle choisi comme directeur de cabinet Antoine Foucher, venu du Medef.

Muriel Pénicaud, ministre du travail et Edouard Philippe
Muriel Pénicaud, ministre du travail et Edouard Philippe
© AFP - Ludovic Marin

Quelles sont les principales lignes de fracture idéologique autour de cette réforme ?

Les clivages entre les promoteurs de la réforme et ceux qui s’y opposent s’articulent autour de trois notions : sécurisation, négociation, flexibilité. Comment sécuriser les employeurs et les salariés ? Donner davantage de pouvoir aux entreprises, est-ce permettre une gestion plus proche des besoins spécifiques, ou favoriser les inégalités ? Quels sont les effets sur l'emploi d'un renforcement de la flexibilité ? Retrouvez la revue d'arguments des intellectuels passés par nos émissions depuis l'élection d'Emmanuel Macron :

Plafonner les indemnités aux Prud'hommes, cela change quoi ?

Parmi les gros morceaux de la réforme, il y a la manière de mettre fin à un contrat de travail : l'une des mesures les plus symboliques et disputées concerne les indemnités obtenues par les salariés qui vont aux Prud’hommes. Pour les cas de licenciement abusif ou "sans cause réelle et sérieuse", le gouvernement veut introduire des planchers et plafonds obligatoires. Une proposition à double tranchant, défendue par l'exécutif au nom d'une réduction de l'incertitude pour les entreprises.
"L’objectif du président Macron est de sécuriser les employeurs. Mais la question c’est aussi de sécuriser les salariés", estimait Christophe Vigneau, maître de conférences en droit du travail et avocat, dans La Question du jour du 7 juin dernier :

Audience au Conseil des Prud'hommes de Paris
Audience au Conseil des Prud'hommes de Paris
© AFP - Olivier Laban-Mattei

Les licenciements ont un coût : qui doit en supporter le poids ?

C'est la question que posait Du Grain à Moudre le 30 août à Sophie De Menthon, présidente de l'association patronale ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance), Jean-François Amadieu, professeur de Sciences de gestion à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, et Jean-Paul Charlez Président de l'Association Nationale des DRH (ANDRH), et DRH d'Etam :

Le "contrat de projet" va-t-il renforcer la précarité ?

Parmi les craintes soulevées par les syndicats, il y a le risque d'une augmentation de la précarité que constituerait le "contrat de chantier" ou de projet. A l'heure actuelle, il n'est utilisé que dans quelques secteurs, comme le bâtiment et les SSII (société de services et de conseils en informatique). Le gouvernement voudrait l'étendre. Ce contrat est un CDI qui ne prévoit pas de durée de la relation de travail, mais une clause de rupture prédéfinie : la fin du projet sur lequel le salarié a travaillé. Derrière l'idée de nouveau contrat, c'est en fait le débat, déjà ancien, sur les liens entre flexibilité du travail et création d'emplois qui refait surface.

Du Grain à moudre recevait le 16 juin Laurent Bigorgne, directeur de l'Institut Montaigne et Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT :

Que veut dire inverser la hiérarchie des normes ?

Quand elle a présenté sa réforme au Parlement, Muriel Pénicaud s’est défendu d’inverser la hiérarchie des normes. De quoi s'agit-il ? D'un principe d’organisation juridique pyramidal : chaque texte doit être conforme ou compatible avec des règles d’un ordre supérieur C'est parce que ce principe est fondateur de l'Etat de droit en France.

L'accord d'entreprise doit-il primer sur la branche ?

Pour davantage de souplesse, des dérogations avaient déjà été introduites par plusieurs lois, notamment en 2004 et 2008, en conservant le principe d’éviter les dispositions moins disantes pour les salariés. En 2016, la loi El Khomri est allée plus loin, car elle permet qu’un accord d’entreprise sur le temps de travail soit moins favorable que l’accord signé par la branche professionnelle.

Actuellement, si un accord est conclu avec les syndicats, une entreprise peut déjà déroger aux accords de branche, sauf dans quatre domaines : les rémunérations minimum conventionnelles, les classifications professionnelles, la formation professionnelle et la protection sociale complémentaire. Mais les branches peuvent aussi décider de bloquer leurs conventions, afin d’empêcher ces dérogations. Une possibilité entamée par la loi El Khomri, qui ôte cette possibilité de "blocage" pour tout ce qui relève du temps de travail. La loi El Khomri permet surtout qu’un accord d’entreprise sur le temps de travail soit moins favorable que l’accord signé par la branche professionnelle. Le gouvernement actuel souhaite définir d’autre domaines qui pourraient être largement ouverts aux accords d’entreprise. Ecoutez à ce sujet dans Les Matins Emmanuel Dockès, Professeur en droit du travail à Paris-Ouest Nanterre, et David Spector, économiste, chargé de recherche au CNRS, professeur associé à l’Ecole d’économie de Paris (8 juin).

L'accord d'entreprise doit-il primer sur la loi ? s'interrogeait également Du Grain à moudre avec Gilbert Cette, professeur d'économie associé à l'Université d'Aix-Marseille, et Emmanuel Dockès, là aussi (29 mai)

Quelle voix auront les salariés dans l'entreprise ?

L’organisation du dialogue social au sein des entreprises est l’un des points de tension importants avec les partenaires sociaux. Le gouvernement souhaite aller vers une instance de représentation du personnel (IRP) unique, rassemblant celles qui existent aujourd’hui, chacune avec un rôle spécifique.

Autour de la table du Du Grain à moudre il y a quelques jours : Anne de Haro, déléguée syndicale CGT chez Wolters Kluwer France, conseillère prud’homale et juriste en droit social. EtJean-Charles Simon, économiste et président de l’entreprise Stacian :

Allons-nous dans le même sens que nos voisins européens ?

Tandis qu'Emmanuel Macron soutient une "libéralisation du travail", qu'en est-il de nos voisins européens ? L’Allemagne et la Grande-Bretagne ont pris des voies très libérales, tandis que le Danemark a érigé la flexi-sécurité en modèle. Quels ont été les résultats de ces expériences sur l'emploi et la qualité de vie des travailleurs ? Danemark, Allemagne et Italie : l'émission Cultures Monde du 14 septembre fait un tour d'Europe des réformes libérales.