Réforme du code du travail : quelles conséquences pour les salariés
Par Catherine PetillonLe gouvernement présentera jeudi les ordonnances de la réforme du droit du travail. Au coeur de la concertation qui s'est achevée vendredi, des changements aux conséquences importantes pour les salariés.
La concertation sur la réforme du code du travail s’est achevée ce vendredi. Si elle a permis aux organisations syndicales et patronales d’obtenir quelques informations sur le contenu à venir des cinq ordonnances prévues, seules une partie des textes a été présentée aux partenaires sociaux. Le gouvernement n’a pas fait connaître ses arbitrages sur les sujets les plus clivants. C’est le 31 août que l’exécutif présentera officiellement le texte de ces ordonnances, pour un passage en Conseil des ministres envisagé le 20 septembre.
L’objectif affiché par l'exécutif est d’accorder plus de flexibilité aux entreprises afin de relancer l’emploi. Au-delà du débat sur les effets ou non en termes de créations d’emplois, les réformes envisagées auront des conséquences très concrètes pour les salariés des entreprises. Tour d'horizon des principaux enjeux.
I/ Quelle représentation des salariés ?
L’organisation du dialogue social au sein des entreprises est l’un des points de tension importants avec les partenaires sociaux. Le gouvernement souhaite aller vers une instance de représentation du personnel (IRP) unique, rassemblant celles qui existent aujourd’hui, chacune avec un rôle spécifique. Actuellement :
- Les délégués du personnels (DP) portent les réclamations des salariés dues à une mauvaise application de la réglementation ou au non-respect de leurs droits.
- Le comité d’entreprise (CE) se prononce sur la gestion économique et sociale de l’entreprise.
- Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) rend des avis sur la santé et la sécurité au travail
- C'est aux délégués syndicaux (DS) que revient de négocier avec l’employeur des accords collectifs. (S'ils ne font pas strictement partie de ces instances, on les inclut en général quand on parle d’IRP). L’idée de fusionner ces instances est un “serpent de mer” depuis 2012 rappelle l’IRES dans un rapport sur le sujet rendu à la Dares en 2016. Y aura-t-il des perdants ? Pour le Cercle Maurice Cohen, think tank dédié aux IRP, "la fusion des instances suppose de les regrouper dans un périmètre unique, entraînant la suppression des prérogatives des délégués du personnel. En effet, ne serait-ce que pour des raisons techniques, le périmètre de l’instance fusionnée sera celui des comités d’entreprise actuels”. Rappelons que depuis la loi Rebsamen de 2015 une fusion (au sein d’une DUP, délégation unique du personnel) est déjà possible pour les entreprises de moins de 300 salariés et, pour les plus grandes, sous réserve d’un accord. Le gouvernement souhaite donc généraliser cette possibilité (sans nécessité d’accord) à toutes les entreprises. Ces dernières voient une possibilité de réduire le nombre de réunions, d’élus - et donc du nombre d’heures de délégations à payer. “La question, c’est surtout celle de la manière de fusionner les instances”, souligne Kevin Guillas-Cavan chercheur à l'IRES. De façon horizontale (toutes les instances de même niveau) ou verticale (entre le même type d’instance, par exemple entre les CE de chaque établissement et le CCE, central). C’est de ce choix que dépend la capacité des entreprises à garder des représentants proches des salariés. Parmi les inquiétudes soulevées par cette fusion des instances, il y a la “dilution du rôle du CHSCT". L’exemple des délégations uniques du personnel (DUP) montre ce qui se passe quand les réunions sont moins nombreuses, et seulement en partie dédiées aux questions de santé et sécurité au travail. “Cette menace sur le CHSCT inquiète jusqu’au sein même des directions. Il existe une tension entre d’un côté les directions générale et financière, qui voient les économies potentielles, et les ressources humaines, pour qui garder ces instances distinctes est intéressant en matière de dialogue social.”
II/ Accord d’entreprise, de branche ou la loi : ça change quoi ?
De qui dépendra la définition du cadre de travail des salariés ? Voilà qui pourrait changer avec ces ordonnances. Aujourd’hui, il y a ce qui est défini par la loi et s’applique à tous. Cela concerne le salaire minimum, les motifs de recours aux contrats à durée déterminée ou encore les cinq semaines de congés payés. La branche, elle, définit des règles pour les entreprises qui lui sont affiliées. Viennent ensuite les accords d’entreprise. L’objectif de l’exécutif est de redéfinir ce qui relève des conventions collectives et ce qui est de la compétence de l’entreprise.
Actuellement, si un accord est conclu avec les syndicats, une entreprise peut déjà déroger aux accords de branche, sauf dans quatre domaines : les rémunérations minimum conventionnelles, les classifications professionnelles, la formation professionnelle et la protection sociale complémentaire. Mais les branches peuvent aussi décider de bloquer leurs conventions, afin d’empêcher ces dérogations. Une possibilité entamée par la loi El Khomri, qui ôte cette possibilité de “blocage’ pour tout ce qui relève du temps de travail. Le gouvernement souhaite définir d’autre domaines qui pourraient être largement ouverts aux accords d’entreprise.
“Avoir des réglementations différentes pour chaque entreprise, ce serait comme avoir un code de la route différent pour chaque rue”, déplore Astrid Toussaint, membre du conseil national de SUD Travail. Et “Au lieu de vérifier les conditions de travail des salariés, notre rôle en tant qu'inspecteurs du travail va être dévié vers la vérification de la conformité des accords”.
Cela pose surtout la question du pouvoir de négociation de chaque partie au sein des entreprises.
III/ Mettre fin au contrat de travail
Plusieurs mesures enfin pourraient modifier la manière dont il est mis fin à un contrat.
L’encadrement des indemnités obtenues aux Prud’hommes.
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