Regardez "Les Petites Reines" pour rire avec vos enfants (et d'eux par la même occasion) !

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Regardez "Les Petites Reines" pour rire avec vos enfants (et d'eux par la même occasion) !

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Image extraite du spectacle Les Petites Reines, de Clémentine Beauvais, mise en scène et adapté par Justine Heynemann et Rachel Arditi
Image extraite du spectacle Les Petites Reines, de Clémentine Beauvais, mise en scène et adapté par Justine Heynemann et Rachel Arditi
- Cindy Doutres / Soy Créations

Culture Maison. En ces temps de confinement, le théâtre Paris-Villette vous propose de voir en ligne "Les petites reines", formidable adaptation théâtrale du non moins formidable roman éponyme de Clémentine Beauvais, publié aux Editions Sarbacane. Avril Ventura, collaboratrice à Être et savoir, vous en dit plus !

Une partie de Cluedo en plus avec vos enfants et c'est vous qui décédez dans le salon, à défaut d'avoir une bibliothèque. L’erreur serait (oui, la tentation est grande), de laisser vos enfants seuls devant l’écran regarder ce que vous pensez être un spectacle "jeune public" (formidable excuse, on vous le concède, pour filer à l’anglaise dans la cuisine, à défaut de véranda). Ces petites reines, qui ne rentrent dans aucune case et dynamitent tous les codes, s’inscrivent parfaitement dans la fine politique du Théâtre Paris Villette, qui se surnomme lui-même "Scène jeunesse contemporaine", ce qui peut tout à la fois désigner la jeunesse des équipes, celle du public ou encore l’innovation des formes. L’idée est de produire du spectacle tout public, mais toujours visible par la jeunesse. Grand bien vous fasse, car vous allez rire, peut-être même plus fort que vos enfants, être émus et bousculés par ces trois petites reines que sont Astrid, Mireille et Hakima.

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Le boudin, une valeur en hausse  

Au moment où s’ouvre la pièce, toutes les trois viennent d’être élues sur Facebook boudin d’or, d’argent et de bronze du Lycée Marie Darrieussecq de Bourg-en-Bresse, et sans doute peut-on y voir un clin d’oeil au Truismes (P.O.L, 1996) de la romancière, présage d’une métamorphose à venir. Sous l’impulsion de Mireille, 16 ans, la plus âgée et la plus aguerrie des trois (il faut préciser qu’elle remporte un titre pour la troisième année consécutive), les trois jeunes filles décident, après avoir pris soin d’alerter une journaliste, de se rendre à vélo à la Garden-Party de l’Elysée en vendant sur la route des boudins et des boissons fraîches. Bref, de s’approprier le terme de "boudin" et de le revendiquer haut et fort jusqu’à le vider de sa substance, pour laisser d’autres possibles advenir. Dans leur périple à pédales les filles seront accompagnées de Kader, le grand frère handicapé d’Hakima. Mais au-delà de cette triste affaire de boudins, chacune vient chercher quelque chose qui lui est propre dans les jardins de l’Elysée : une rencontre avec son groupe préféré (incontournable Indochine) pour Astrid, un père biologique pour Mireille, une confrontation avec celui qu’elle tient responsable du handicap de son frère pour Hakima. Le temps de leur circuit la honte aura changé de camp, et ces mêmes réseaux sociaux qui les avaient clouées au pilori auront fait d’Hakima, Mireille et Astrid, des Simone de Beauvoir 2.0.

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Une philosophie de l’inattendu

Comme le rappelle justement Mireille à ses camarades de lutte, "on ne naît pas femme on le devient", et c’est précisément ce que ces petites reines s’apprêtent à faire, devenir actrices de leur métamorphose, en prenant leur destin en main. Finalement, et c’est la grande réussite de cette intrigue subtile qui recèle plusieurs niveaux de lecture, Mireille, Astrid et Hakima auront trouvé bien autre chose que ce qu’elles étaient venues chercher : un premier amour, une amitié à toute épreuve, des ailes pour s’élancer dans le grand foutoir de l’existence. La conviction, aussi, que rien n’est écrit d’avance, une certaine croyance dans cette "philosophie de l’inattendu" théorisée par la mère de Mireille dans une thèse jamais publiée, et que la jeune fille apporte à Paris dans l’espoir qu’elle le soit enfin. Dès lors, ces petites (jeunes) filles ne le sont plus vraiment, qui prennent désormais soin de leurs parents. Car c’est aussi en décelant les espoirs déçus de leurs proches et en essayant de venir en réparer quelque chose, qu’elles auront grandi - peut-être que la mocheté ça fait mûrir?- s’interroge Mireille.

A l’épreuve des planches  

L’adaptation de Justine Heynemann et Rachel Arditi pour Soy création (nomination Molières du Jeune Public 2018) a globalement conservé la structure du roman de Clémentine Beauvais, mais a néanmoins fait le choix, pour des raisons de tension dramaturgique, de dynamiser les motivations des trois jeunes filles, et de faire advenir simultanément leur résolution. Le résultat, particulièrement réussi, aboutit à une mise en scène enlevée, rythmée par les coups de pédale et des dialogues qui fusent, où se succèdent moments d’exaltation, d’affliction, et scènes plus oniriques, à l’image des errements perpétuels de l’état adolescent. 

Image extraite du spectacle Les Petites Reines, de Clémentine Beauvais, mise en scène et adapté par Justine Heynemann et Rachel Arditi
Image extraite du spectacle Les Petites Reines, de Clémentine Beauvais, mise en scène et adapté par Justine Heynemann et Rachel Arditi
- Cindy Doutres / Soy Créations

A la fin de la pièce, vous aussi vous aurez expérimenté quelque chose de l’ordre de l’inattendu. Vous aurez gagné une soirée sans le Colonel Moutarde (ce qui n’est pas rien, vous en conviendrez, à défaut de petit salon), mais surtout vous aurez ri avec vos enfants, un peu d’eux aussi, et un peu de vous-même par la même occasion. Il paraît que le confinement est une opportunité de se rapprocher de ses enfants, et de partager avec eux les événements malencontreux de notre existence. Sans doute seront-ils émus d’apprendre qu’avant d’avoir été les parents éblouissants que vous êtes devenus, vous aussi, autrefois, vous avez été en lice pour le boudin d’or. 

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