Sainte-Sophie, 1500 ans d'une histoire mouvementée

Sainte-Sophie, une histoire mouvementée
Sainte-Sophie, une histoire mouvementée

Sainte-Sophie, 1 500 ans d’histoire mouvementée

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Sainte-Sophie, 1500 ans d'une histoire mouvementée

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Joyau de l’empire byzantin, Sainte-Sophie fut une basilique chrétienne, une mosquée et un musée. Symbole du mélange des cultures dans ce lieu de rencontre entre Orient et Occident, l'édifice devrait redevenir une mosquée suite à une décision du pouvoir turc actuel.

L’actuelle Sainte-Sophie, construite au VIe siècle, est en réalité la troisième version de la basilique. La première est bâtie en 330, sous le règne de Constantin, mais elle est détruite par un incendie. L’édifice actuel est entamé sous Justinien, en 532, sur le modèle du Panthéon de Rome.

Justinien fit venir de partout les meilleurs ouvriers de son siècle, sans épargner aucune dépense (...) Cette église brille d’une si éclatante splendeur qu’on dirait qu’au lieu d’être éclairée des rayons du soleil, elle enferme en elle-même la source de la lumière. Procope de Césarée, vers 550

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La basilique devient un lieu central pour la Chrétienté d’Orient qui s’affranchit progressivement de l’Eglise latine d’Occident.

Frédéric Hitzel, spécialiste de l'histoire ottomane : "C’est le bâtiment le plus important de la chrétienté, c’est une église où se déroulent les grandes cérémonies des empereurs byzantins, les mariages, les baptêmes, les enterrements et, bien entendu, les intronisations.”  

En 1204, cette rivalité atteint son paroxysme, lorsque la quatrième croisade est détournée pour mettre à sac Constantinople. Sainte-Sophie est ravagée par les croisés, profanée, dépouillée de ses ornements.

En 1453, Constantinople tombe aux mains des Ottomans. Sur ordre du sultan Mehmed II, l’église est épargnée par les pillages. Elle est convertie en mosquée, comme d’autres églises, partout sur le territoire.

Frédéric Hitzel :Les musulmans, lorsqu’ils conquéraient une ville, ne détruisaient pas les églises, ils les transformaient. Ce qui explique que des Sainte-Sophie, vous en avez plusieurs, vous en avez une à Trébizonde, une à İznik, une à Thessalonique, en Grèce. Les musulmans d’une part n’avaient pas forcément les moyens de tout de suite construire un nouveau bâtiment et puis il y avait une dimension sacrée qu’ils respectaient sur leurs ennemis.” 

Le bâtiment est adapté aux usages de l'Islam

Immédiatement, sont ajoutés un mihrab, qui indique la direction de La Mecque pour la prière puis un minbar, d’où l’imam fait son sermon. Les mosaïques à fond d’or, les représentations humaines, prohibées par l’Islam sont recouvertes de chaux.

Lieu de culte pour les fidèles, la mosquée est aussi un passage obligé pour les visiteurs et les marchands qui y laissent parfois des marques de leur venue, comme des graffitis vikings.

Frédéric Hitzel : “J’avais découvert un graffiti révolutionnaire, une société secrète révolutionnaire s’était constituée à Constantinople, durant la Révolution française, certains jacobins avaient l’habitude de se réunir à Sainte-Sophie : "le 14 prairial, An II, la République une et indivisible”. Malheureusement, ce graffiti a été effacé". 

Sainte-Sophie, rebaptisée "Ayasofya", reste un lieu stratégique pour le sultan qui réside dans le palais de Topkapi, construit tout près de la mosquée. Jusqu’au XIXe siècle, chaque vendredi, il traverse la foule pour se rendre à la mosquée, lors de la cérémonie du selamlik. 

Frédéric Hitzel : “C’est une façon pour lui de montrer au peuple qu’il est encore vivant, la population venait y crier son admiration et envoyait des requêtes qui étaient ramassées par ses gardes.” 

Après la Première Guerre mondiale, l’Empire ottoman est démantelé, Atatürk est élu président de la République de Turquie. Il lance un grand mouvement de laïcisation et de modernisation du pays et “offre à l'humanité” la basilique en la transformant en musée. Les panneaux à la gloire d’Allah sont retirés, des mosaïques chrétiennes redécouvertes. Mais l’édifice, entré à l’Unesco, est fragilisé par les nombreux séismes qui frappent la région. Il requiert un entretien régulier et d’importantes restaurations. Haut lieu du tourisme à Istanbul, le musée attire chaque année plus de 3 millions de visiteurs. Mais la laïcisation de l’édifice n’a jamais été acceptée par les milieux islamistes qui veulent entretenir le roman national ottoman.

Journal de 18h
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