Salvini, Orbán, le Pen… les figures du populisme à l’heure des élections européennes
Par Charlotte JousserandEntre le 23 et le 26 mai prochain, des millions d’électeurs européens vont voter pour élire les 705 députés du Parlement européen. Une élection qui se déroule dans un contexte de montée des populismes en Europe, en particulier en Hongrie, en Italie, en France et en Pologne. Tour d'horizon.
Outre les populistes d'Ekre en Estonie ou ceux de Vox en Espagne, Viktor Orbán en Hongrie, Matteo Salvini en Italie, Marine Le Pen en France ou encore Jaroslaw Kaczyński en Pologne occupent ou cherchent à dominer la scène politique. Acteurs d'un autoritarisme politique, ils opposent le peuple aux élites et empruntent leurs idées à l'extrême droite. Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, tente de réunir toutes ces figures du populisme de droite en Europe. Retour sur leurs parcours et sur leurs ambitions pour les élections européennes de fin mai prochain.
Viktor Orbán, le “petit chef du village assiégé” en Hongrie
Pour Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’IRIS et directeur de l’Observatoire des radicalités politiques, Viktor Orbán se démarque des autres leaders populistes européens “parce qu’il est chef du gouvernement et par son itinéraire politique : au départ c’est un dissident libéral”. En 1989, Viktor Orbán est l’une des figures de la dissidence anti-communiste. Trente ans plus tard, le représentant de la jeunesse éprise de démocratie a bien changé. Et à 55 ans, celui qui est surnommé “Viktator” par ses opposants occupe le poste de Premier ministre depuis 2010.
Il est notamment l'instigateur d'une loi qui autorise un employeur à demander jusqu'à 400 heures supplémentaires par an à ses salariés, avec la possibilité de les lui payer jusqu'à trois ans après. Viktor Orbán a également été épinglé par l'Union européenne pour le traitement réservé aux migrants, aux SDF et à la minorité Rom dans le pays.
Il met en scène l’isolement de son pays comme si la Hongrie était un petit pays entouré de forces hostiles, un petit pays dont l’ensemble des forces extérieures veulent changer la nature.
Jean-Yves Camus
Le Premier ministre hongrois incarne “le chef du petit village assiégé” analyse Jean-Yves Camus. Pour Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS, spécialiste de l’extrême droite et des populismes, Viktor Orbán incarne “cette droite conservatrice qui s’est radicalisée”. Il s'est “emparé des thématiques anti-immigration et il est également à la pointe du combat contre l’Europe”.
Suite à ses dérapages populistes et à une campagne particulièrement agressive contre George Soros et Jean-Claude Juncker, la droite européenne, majoritaire au Parlement, a décidé de suspendre provisoirement, le 20 mars dernier, le parti de Viktor Orbán, le Fidesz. L’assemblée politique du PPE (Parti populaire européen) a voté à 190 voix pour, 3 contre, en faveur de cette suspension temporaire. Cette suspension signifie concrètement que le Fidesz n’a plus le droit, et ce jusqu’à nouvel ordre, d’assister aux réunions du PPE, de voter en interne ou de présenter des candidats au sein du parti. Un rapport d'évaluation sur la conduite de la formation de Viktor Orbán doit être rendu à l’automne par un comité du Parti populaire européen.
Matteo Salvini, le transformateur de la Ligue du Nord en Italie
Matteo Salvini, 46 ans, dirige le parti italien de la Ligue du Nord depuis 2013. Il est ministre de l’Intérieur et vice-président du Conseil des ministres. Matteo Salvini a réalisé “deux opérations politiques très importantes” selon Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS :
Il a voulu étendre la Ligue au delà des bastions du Nord, il a développé la Ligue pour un faire un mouvement beaucoup plus national et il l’a fait en changeant les thématiques du parti.
Pour Jean-Yves Camus, Matteo Salvini a “compris qu’il fallait élargir son électorat et c’est pour cela qu’aujourd’hui la Ligue du Nord s’appelle la Ligue avec Salvini”.
Jean-Yves Camus souligne par ailleurs “l’habileté avec laquelle il est devenu le principal protagoniste de la droite italienne en passant devant le parti de Silvio Berlusconi”. Matteo Salvini a utilisé “le logiciel du Front national et l’a adapté au cas spécifique italien”, indique le directeur de l’Observatoire des radicalités politiques.
Matteo Salvini utilise les réseaux sociaux et notamment Twitter pour faire passer des messages, bien souvent provocateurs. Il occupe également le devant de la scène et commente tout, jusqu’aux manifestations organisées par ses opposants en Italie.
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Cependant, celui qui s'est aussi fait connaître par ses diatribes anti Macron a modifié sa ligne de conduite vis à vis de l’Europe, estime Gilles Ivaldi. Le ministre de l’Intérieur italien n’est plus “sur une ligne eurosceptique dure, contrairement à 2013”.
Marine Le Pen, en perte de vitesse sur la scène européenne depuis 2014
Marine Le Pen est à la tête du Front national depuis 2011, un parti qui a changé de nom en juin 2018 pour devenir Rassemblement National. La fille de Jean-Marie Le Pen a “un peu perdu le lead” sur la scène des populismes européens, affirme Jean-Yves Camus. Car, contrairement à ses homologues, “elle n’est pas au pouvoir”. Selon le chercheur associé à l’IRIS, la finaliste de la dernière présidentielle est “dans une trajectoire de tentative de normalisation” pour “tenter de se dédiaboliser”.
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En 2014, le Front national a représenté “un modèle” pour beaucoup des partis populistes européens, explique Gilles Ivaldi. Pour le chercheur au CNRS, le FN est “à l’origine de cette doctrine populiste et nationaliste” avec des thèmes comme “le nationalisme, la question de l’immigration, de l’islam et de l’euroscepticisme”. Marine Le Pen a “perdu de son leadership” selon Gilles Ivaldi mais elle reste “un partenaire incontournable d’une alliance populiste européenne”.
Jaroslaw Kazyński, le chantre de la fierté nationale en Pologne
Jaroslaw Kazyński dirige le parti d’extrême droite Droit et Justice, du PiS, depuis 2003. Le parti est au pouvoir depuis 2015 et même si Jaroslaw Kazyński n’occupe aucun poste au gouvernement, c’est cet homme politique de 69 ans qui tire les ficelles, ce qui lui vaut le surnom de “marionnettiste”.
Il réforme la société polonaise avec une mise au pas des médias publics, des attaques sur l'indépendance de la justice et il a également placé ses hommes au sein de l'armée.
Pour Jean-Yves Camus, la formation de Jaroslaw Kazyński rassemble seulement “des conservateurs” car “quand on regarde l’échiquier politique polonais, le parti n’est pas le plus à droite”. Le chercheur à l’IRIS rappelle que “dans le parlement européen actuel, le PiS est allié avec les conservateurs britanniques”. Jaroslaw Kazyński qui ne quitte jamais la Pologne et vit en ermite dans un petit pavillon, défend la fierté nationale et milite pour que la Pologne occupe une place importante sur la scène européenne.
Jaroslaw Kazyński se démarque notamment des autres populistes européens par “sa méfiance énorme de tout ce qui vient de Russie”.
Une Union des populismes possible au Parlement européen ?
Fin mai, les partis populistes européens pourraient remporter un nombre de sièges plus important qu’aux dernières élections de 2014, où ils en avaient obtenu plus de 150 . Pour Jean-Yves Camus, ces partis populistes “augmenteront leur nombre de sièges et ils peuvent espérer avoir une minorité qui fassent turbuler la machine de l’intérieur”. Le chercheur à l’IRIS observe un changement de stratégie de ces partis qui “désormais essayent d’agir sur l’Union européenne de l’intérieur plutôt que de dire, il n’y a rien qui puisse se faire de l’intérieur, il faut quitter l’Europe”.
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Il y a une opportunité pour eux, selon Gilles Ivaldi, “car le climat reste très porteur dans beaucoup de pays” et puis parce que “leurs opposants politiques ont intérêt à jouer la carte du populisme car ce sont des partis qui font que l’on se mobilisent contre eux".
Cependant, la “véritable question” affirme Gilles Ivaldi est “leur capacité à créer une alliance car c’est quelque chose qui pose problème depuis très longtemps”. Le chercheur au CNRS donne deux explications. Tout d’abord “des questions de leadership”. En cas d’union qui la dirigerait ? interroge Gilles Ivaldi, “Salvini ? Orb_á_n s’il quittait le PPE, Marine Le Pen ? Strache en Autriche ?” Il affirme aussi qu’il y a “une question de patrimoine idéologique de ces partis”. Il y a des “enjeux de respectabilité et de fréquentabilité” qui se jouent y compris au sein de ces partis populistes européens.
L'ombre de Steve Bannon en coulisses
L’ancien stratège de Donald Trump s’intéresse de près à ce qui se passe en Europe. Steve Bannon cherche à fédérer les mouvements nationalistes. Il a rencontré plusieurs dirigeants populistes. Steve Bannon a donné sa première conférence publique en Europe le 22 septembre dernier à Rome, lors du rassemblement du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia. L’ancien stratège de Donald Trump considère Viktor Orbán comme un “héros”.
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L'historien François Durpaire considère que Steve Bannon ne peut pas réussir à convaincre l’ensemble des partis populistes européens. Selon lui, l’ancien conseiller de Donald Trump est “russophobe et dans certains partis européens, sa russophobie ne va pas être très appréciée. Il a fait aussi quelques déclarations qui ont été vues aux Etats-Unis et perçues comme antisémites, cela aussi va poser problème notamment au Rassemblement national”.
Steve Bannon a “des qualités professionnelles”, affirme Jean-Yves Camus, “il peut apporter des prestations, des argumentaires, des techniques de sondage”. Cependant, pour le chercheur associé à l’IRIS, l’ancien conseiller de Donald Trump doit faire face “à une dimension anti-américaine qui est assez profonde dans les droites nationalistes européennes”.
Jean-Yves Camus remet également en cause l'idée selon laquelle les dirigeants populistes européens vont faire allégeance à Steve Bannon. Le chercheur associé à l'IRIS estime que “la grande erreur de Steve Bannon est de ne pas avoir vu que les populistes ont réussi à faire leur trou par eux-même sur la longue durée et au fond même s’ils n’ont pas tous décroché la timbale, ils ont réussi à partir de rien à construire quelque-chose idéologiquement et électoralement".