Archive | "Au moment de la Libération, ce n'était pas encore le "happy end". Samuel Pisar a 13 ans quand il est déporté à Auschwitz. Il échappe aux chambres à gaz grâce à un pantalon d'adulte que lui fait porter sa mère. Devenu écrivain, avocat, conseiller spécial de Kennedy, il revient sur son errance.
Né en 1929 en Pologne, Samuel Pisar est déporté à 13 à Majdanek, Auschwitz puis Dachau. Grâce au pantalon long que sa mère lui fait porter, il se fait passer pour un adulte et échappe à la chambre à gaz. À 16 ans, il est libéré, et devient l'un des plus jeunes survivants de la Shoah. Devenu écrivain, avocat international, conseiller spécial de Kennedy, il revient, à 81 ans en 2010 sur France Culture, sur son année d'errance juste après la Libération.
Samuel Pisar : "Au moment de la libération ce n’était pas encore le happy end, c’était un choc. C’était naturellement innommable ce que j’ai vécu. Au moment de la libération, le vrai deuil a commencé à ce moment-là quand je me suis trouvé, après ce calvaire de 3 ans, seul, dans l’Allemagne en ruine, ne sachant pas où aller. C’est à ce moment-là que j’ai compris que tous les miens ont disparu, qu’il faut que je vive parce que au moment du dernier adieu quand j’étais séparé de ma famille. Ma mère m’a dit, j’avais 13 ans : « Tu vas tout faire pour survivre ». Et donc c’était un ordre de haute autorité parce que dans le camp c’était absolument facile de trouver une autre solution c’est-à-dire de se suicider parce que à Auschwitz, le barbelé me souriait constamment parce que c’était électrifié. Il suffisait de mettre la main sur le barbelé pour en terminer.
Ça pour moi c’était interdit parce que ma mère m’a dit : « Tu jures que tu feras ce que tu peux ». Donc, je suis devenu un jeune animal qui n’avait pas trop dans la tête. Mon seul but était d’essayer de capter le danger et réagir. La faim, la douleur, le chagrin c’était un luxe. Au moment de la libération, c’était une période de ma vie où j’étais dans une chambre de décompression.
J’ai jouis de la liberté pour la première fois. Et il n’y avait pas de limite. Donc une forme c’était de me mettre sur ma moto et d’aller très très vite sur l’autobahn de l’Allemagne et de tenter le Tout-Puissant. Pour voir si il veut de moi parce que j’avais la sensation après mon expérience dans le camp que j’étais immortel. Ensuite je ne pouvais pas tolérer le moindre ordre, ni les règles, ni la loi. C’était le marché noir, c’était le poker, c’était en quelque sorte l’autodestruction de ce qui me restait de ma vie."