Seth, street artiste pas si naïf

Sur les murs, Seth dessine des fenêtres sur le ciel, la nature, la paix, comme ici à Mannheim en Allemagne.
Sur les murs, Seth dessine des fenêtres sur le ciel, la nature, la paix, comme ici à Mannheim en Allemagne.

Seth, street artiste pas si naïf

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Seth, street artiste pas si naïf

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Son univers innocent et poétique maquille les murs du monde entier pour dénoncer la guerre et la misère. En Ukraine, en Palestine ou encore en France, le street artiste Seth prend l’enfance comme prétexte pour aborder des sujets graves.

En photo ou sur les réseaux sociaux, vous avez peut-être vu passer cette petite fille au drapeau ukrainien, couronnée de fleurs, marchant sur des chars d’assaut. La patte derrière ce dessin, c’est celle de Seth. Pour l'état civil, le street artiste français s’appelle Julien Malland. Obsédé par l’enfance, ce quinquagénaire ne fait d'ailleurs pas son âge.

Ce dessin, créé en plein Paris juste après l'invasion russe de l'Ukraine, a fait le tour du monde.
Ce dessin, créé en plein Paris juste après l'invasion russe de l'Ukraine, a fait le tour du monde.
© AFP

Ce dessin date de février 2022. La Russie vient alors d’envahir l’Ukraine. Comme la guerre se joue aussi sur le terrain de l'iconographie, Julien Malland sort dans son quartier, le 13 arrondissement de Paris, en quête d’un mur sur lequel témoigner de son soutien à ses amis ukrainiens. Ce sera la rue Buot, où il peint cette petite fille qui, très vite, devient un “meme” : imprimée sur des t-shirts, dessinée dans un abri anti-bombes en Ukraine, croquée sur une pancarte devant la mairie de Kharkiv, elle fait le tour du monde.

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L’Ukraine, une relation de longue date

S’il se rend régulièrement en Ukraine depuis une dizaine d’années, Seth n’est pas seulement inspiré par ce pays. Il a marqué de son empreinte des murs en Corée, en Palestine, au Pérou ou à Grigny ou Grenoble, en France. Avec, le plus souvent, des scènes de l’enfance : “Je voulais m'adresser aux enfants aussi, justifie l’intéressé. Parler de choses compliquées, mais d'une manière qui parait innocente.

“Parler au type qui habite devant la peinture”

L’espace public lui sert à s’ancrer dans le réel, avec toujours à l’esprit “cette idée de parler au type qui habite devant ma peinture”. Tout a commencé en Indonésie en 2011, dans un village détruit par l’éruption du volcan Merapi, l’année précédente. C'est là que Seth a eu un déclic. Peindre une fresque sur un mur en ruine et repartir ? “Je trouvais que ça faisait un peu ‘dark tourist’” confie l'artiste.

Dans ce village d'Indonésie ravagé par un volcan, les habitants ont reconstruit autour d'une fresque de Seth, dessinée sur un mur extérieur sept ans plus tôt.
Dans ce village d'Indonésie ravagé par un volcan, les habitants ont reconstruit autour d'une fresque de Seth, dessinée sur un mur extérieur sept ans plus tôt.

Alors, le street artiste implique les habitants d'un camp de réfugiés, les fait participer aux fresques et propose ainsi “une forme d'art thérapie”. Lorsqu’il y retourne sept ans plus tard, les peintures y sont toujours. Certaines, qui étaient à l'extérieur, sont maintenant à l'intérieur de maisons reconstruites. “Je me suis dit que peindre dans ce genre d'endroit me donnait une responsabilité.

S’approprier les murs... avant de les rendre

Une responsabilité qui implique que s’approprier les murs veut parfois dire savoir les restituer à leurs habitants. Ce fut le cas avec une fresque peinte sur un mur séparant Israël et la Palestine : une femme portant la “clé du retour”, symbole qui désigne la clé des maisons des Palestiniens chassés de leur territoire lors de la “ Nakba”, en 1948. Une organisation humanitaire impliquée localement lui fait part de ses réserves, ne voulant pas d’une esthétisation du mur. C'est finalement à une œuvre éphémère que Seth a donné le jour : “À la fin de la journée, je l'ai effacée pour, justement, expliquer qu'il y avait des endroits qui ne doivent peut-être pas être peints”, explique-t-il.

Grigny, dans l'Essonne : en pleine ville, le béton s'ouvre et devient une fenêtre sur la nature.
Grigny, dans l'Essonne : en pleine ville, le béton s'ouvre et devient une fenêtre sur la nature.

Si ses dessins, en dépit de leur caractère naïf, sont néanmoins porteurs d’un message efficace, c’est aussi grâce au parcours de l'artiste, marqué par des expériences dans la bande dessinée, l’animation et la publicité. “Les Lascars”, “Ça cartoon” : un C.V. peu conventionnel pour cet ancien élève des Arts Décoratifs. “La BD m'a conforté dans mon dessin, décrypte-t-il. Peut-être que la pub m'a aidé pour parler plus facilement aux gens. Même si je ne vends rien.”

Seth diversifie sa palette en élaborant aussi des installations plastiques : à l’approche du premier anniversaire de la guerre en Ukraine, il propose une œuvre dans l’exposition parisienne “ Super Terram”, organisée par la fondation Desperados pour l’art urbain. Inspirée d'une expérience vécue dans une école du Donbass, elle joue avec des ombres chinoises et des emprunts à la peintre naïve Maria Primachenko. La naïveté, elle n’est qu’apparente chez Seth.