Stanislas Nordey : "Le vaccin est notre seule porte de sortie"

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Stanislas Nordey : "Le vaccin est notre seule porte de sortie"

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Stanislas Nordey à l'initiative de la tribune dans le Parisien
Stanislas Nordey à l'initiative de la tribune dans le Parisien
© AFP - Patrick Hertzog

Entretien. Le directeur du Théâtre National de Strasbourg est à l'initiative de la tribune signée par 200 artistes du théâtre, de la littérature ou de la musique publiée ce jeudi dans le Parisien. Zabou Breitman, Didier Decoin, Grand Corps Malade ou encore Julie Gayet se disent prêts à se faire vacciner.

"Pour faire un pas décisif dans la maîtrise de la pandémie et ce, sans aucune hésitation, nous nous engageons à nous faire vacciner dès que cela sera possible". Ce sont les quelques lignes de la tribune signée par 200 artistes aujourd'hui dans le Parisien. Un texte à l'initiative de Stanislas Nordey, comédien, metteur en scène et directeur du TNS, le Théâtre National de Strasbourg, inspiré par l'appel de 200 maires le 29 décembre dernier. Joint à Porto (il joue ce soir "Qui a tué mon père" au Théâtre National São João), il précise le sens de sa démarche.

Stanislas Nordey : "le vaccin, c'est notre seul porte de sortie"

6 min

Avec cette tribune, demandez-vous aux gens d'aller se faire vacciner ?

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On a fait justement attention que ce ne soit pas : "Allez vous faire vacciner". Chacun est libre. C'est un peu : "Qui m'aime me suive". Nous, on y va parce qu'il faut aller au delà des appréhensions. Nous en avons aussi, nous sommes des artistes, mais on est comme tout le monde, mais il faut bien y aller. Mais on a fait attention que ce ne soit pas ni culpabilisant ni une injonction.  

Vous dites que vous avez été inspiré par l'appel des maires en décembre dernier

Effectivement, j'avais vu une dépêche dans laquelle il était dit qu'un certain nombre de maires allaient se faire vacciner. Je me suis dit : "Voilà, c'est une idée formidable, tout à coup de pouvoir dire que finalement, nous, on y va !" Et je trouvais que passer par le monde de la culture avait du sens puisqu'on est très directement touchés, comme tout le monde. Mais je savais aussi qu'il pourrait y avoir un engouement des gens de la culture pour sortir le plus vite possible de cette situation.

Je ne suis pas un dingue des vaccins, mais simplement pour le moment, c'est le seul endroit qui nous permet d'avancer. C'est la seule porte de sortie qu'on entrevoit, alors autant essayer de l'emprunter.

Vous parlez d'engouement, il y en a eu un pour votre tribune ?

Ça a tout de suite énormément pris ! Je ne m'attendais pas à un tel enthousiasme. Je crois que chacun est dans son coin et cherche comment il pourrait faire bouger les choses, ne sait pas trop donc l'idée à la fois de se fédérer et d'être ensemble pour porter une parole qui soit un peu joyeuse, un peu lumineuse, d'une certaine manière une parole qui va de l'avant.

Je n'ai pas essuyé un refus, il y a des gens qui n'ont pas répondu, mais il y avait une espèce d'adhésion assez immédiate et d'ailleurs qui est intéressante parce qu'un certain nombre de gens me disaient "Je n'aurais peut-être pas été me faire vacciner mais maintenant que je suis dans ce mouvement là, j'irai, c'est certain !"

Je pense aussi que dans cette pandémie, le pire, c'est qu'on est tout seuls dans nos coins et que toute tentative de fédérer quelque chose est une tentative importante.

Ça fait du bien de faire quelque chose ensemble...

Je trouve qu'aujourd'hui, le pire de ce qui nous arrive est qu'on est seul. Pourquoi est-ce que je suis contre les captations des spectacles diffusés à la télé ou sur le Net, c'est parce qu'on regarde les spectacles seul chez soi et que l'essence du spectacle vivant et de la culture en général, c'est le partage, la communauté. Donc oui, on a besoin d'être ensemble, de se rassembler et des initiatives de ce type-là permettent justement de se dire "tiens, si on fédère des choses, peut-être qu'on va arriver à faire bouger deux trois curseurs".  

Vous déclarez dans le Parisien "On ne peut plus se contenter d'attendre ce que va faire ou ne pas faire le gouvernement. Il faut s'emparer de notre destin". Que voulez-vous dire au juste ?

Je suis un peu désespéré en ce moment par le côté "Olivier Véran, c'est bien. Olivier Véran, c'est pas bien. Macron, c'est bien. Macron, c'est pas bien". Il me semble que sur la question de "comment s'en sortir", nous sommes tous responsables. Quand on se précipite dans les magasins en même temps, on est responsable de la propagation. C'est à nous de nous prendre en main et de ne pas attendre que ça tombe tout cuit de la bouche du gouvernement. Oui, le gouvernement a la responsabilité de prendre parfois de bonnes et de mauvaises décisions, mais il me semble qu'on est dans une situation qui dépasse largement la question des gouvernements et des politiques. C'est à nous de nous prendre en main et je dirais que c'est plutôt, ça aussi, joyeux.

On a la possibilité chacun, dans une responsabilité individuelle et collective, de le faire, c'est-à-dire qu'on n'est pas impuissant. C'est formidable ! Agissons donc tous, individuellement et collectivement, pour sortir de là, parce que sinon ça, ça peut durer ad eternam tout de même.

Le 7 janvier était une date de revoyure qui n'en est plus une. Comment voyez-vous les choses au point où nous en sommes aujourd'hui ?  

Je suis un optimiste avec une bonne dose de pessimisme, mais qui reste un petit peu tapi dans l'ombre ! On voit bien que les chiffres ne sont pas très bons, donc on ne va pas en sortir tout de suite. Il faut effectivement inventer et c'est ce qu'on fait pour le moment pas trop mal dans le dialogue avec la ministre de la Culture qui est très à l'écoute pour pouvoir ré-ouvrir un peu, pour avoir une forme de "service minimum de la culture". On peut peut-être travailler un peu plus dans de la dentelle. Par exemple, on pourrait ré-ouvrir au public scolaire peut-être dans un premier temps. On peut imaginer que dans l'ouest de la France peut-être, où les gens sont moins touchés, il puisse y avoir des représentations scolaires, qui redémarrent rapidement. On pourrait ré-ouvrir avec des très petites jauges et les structures qui le veulent ou qui le peuvent serait libres d'ouvrir, et celles qui ne le peuvent pas continueraient à toucher des aides qui compensent. En tout cas, c'est ce qu'on fait dans les réunions qu'on a les uns et les autres. Il y a une réunion demain encore avec Roselyne Bachelot et des organisations syndicales et professionnelles et on travaille à ça. Je pense que ça, c'est une chose à laquelle le ministère de la Culture est très sensible : pouvoir desserrer l'étau et permettre quelque chose qui ressemblerait à un service minimum de la culture dans ces temps difficiles.

Et vous gardez la voix enjouée, en ce 7 janvier !

En tout cas, je pense qu'il faut agir ! Moi, ça me désespère quand on subit les choses, le but de cette initiative là, c'était de se dire "Allons y quoi ! Bougeons quelque chose, mettons de côté, prenons un petit peu de hauteur, et puis, allons y !"

Je ne suis pas un fanatique du tout des aiguilles, mon rêve, ce n'est pas de me faire piquer, je crois que c'est le rêve de personne. Et puis aussi d'être dans un geste de confiance au lieu d'être dans un geste de méfiance. La médecine, oui, il y a des choses difficiles, il y a des choses formidables aussi. Peut-être que là, c'est formidable, ce vaccin qui est arrivé à toute vitesse. J'ai l'impression qu'il faut mettre de la lumière en avant dans nos esprits plutôt que de l'ombre.