Sur Twitter, responsables et journalistes politiques déconnectés des sujets de préoccupation des Français
Par Grégory PhilippsL’institut BVA et le cabinet Uptowns spécialisé dans l’ethnographie digitale ont voulu vérifier si les candidats à la Présidentielle, et les journalistes politiques, étaient concentrés sur les sujets de préoccupation des Français, et des jeunes en particulier. C’est loin d’être le cas.
Pour mener cette étude, BVA et Uptowns ont mené leur enquête auprès de plusieurs catégories de population.
D’abord "les activistes en ligne", ceux qui portent et défendent des sujets et des thématiques sur le réseau social Twitter. Ce groupe a été divisé en deux familles. D’un côté, les "progressistes" défendant l’écologie, les questions environnementales, le féminisme, les questions de genre ou encore l’antiracisme. De l’autre, le clan des "conservateurs" (néo-réactionnaires, néo-masculinistes et antisystèmes).
Un deuxième corpus a été constitué : "les politiques". Au total, 250 comptes Twitter tenus par les candidats déclarés à l’élection présidentielle, leurs entourages, et les membres de leurs écuries. Chacun de ces comptes doit avoir au minimum 8 000 abonnés, et une fréquence minimale d’un tweet par semaine.
Troisième groupe : "les journalistes politique". Un total de 150 comptes Twitter de journalistes couvrant l’actualité politique et appartenant à l’ensemble des médias (presse, radio, télévision et web).
Enfin, BVA a interrogé un échantillon représentatif de la population française de 1 658 personnes, âgées de 18 ans et plus. Le sondage a été mené entre les 24 et 26 janvier 2022.
Pour les besoins de l’étude, BVA et Uptowns ont ensuite comparé les thématiques et les sujets qui retiennent l’attention de ces différentes populations. Et le résultat est édifiant.
Une dissonance entre les préoccupations des Français et les candidats
On s’aperçoit ainsi que les 5 sujets les plus évoqués et les plus commentés par les candidats et leur entourage ont été (sur la période du 10 janvier au 9 février) dans l’ordre : l’évolution du pouvoir d’achat (840 tweets) ; l’immigration (599 tweets) ; l’insécurité (250 tweets) ; le réchauffement climatique (232 tweets) et enfin les valeurs de la France et l’identité française (228 messages). On note d’ailleurs que l’item du pouvoir d’achat est au centre des attentions de tous les candidats, mais qu’il est toutefois préempté à hauteur de 50% par le seul Éric Zemmour. Pour la seule journée du 5 février, à l’occasion du meeting organisé à Lille, les équipes numériques du candidat Reconquête ont publié pas moins de 320 tweets liés à cette thématique.
Mais l’enseignement le plus important (le plus surprenant ?) de cette étude est la dissonance qui existe entre les politiques et les Français. Les candidats, leurs entourages, et les journalistes politiques semblent "obsédés" par certains sujets, qui pourtant ne sont pas au cœur des préoccupations des Français. Ludovic Bajard est associé fondateur du cabinet Uptowns :
Des thèmes comme "les valeurs de la France", ou "l’identité française" arrivent en 5e position chez les politiques, en 8e position chez les éditorialistes, mais seulement à la 21e place chez les 18/24 ans que nous avons interrogés. Même constat sur le thème de l’immigration. Les journalistes politiques et les éditorialistes en parlent énormément. C’est leur second sujet favori. Mais pour les français, ça n’est que le 9e sujet de préoccupation. Et le 20e chez les 18/24 ans ! Et on peut continuer comme ça sur de nombreux sujets. La coupure est extrêmement forte. Et inversement, les problèmes de pollution restent un sujet central pour les jeunes (5e place). Mais c’est une thématique peu abordée par les politiques (18e position) et par les journalistes qui couvrent la Présidentielle (19e). Même chose pour les violences faites aux femmes. Même chose pour le problème du harcèlement scolaire !
À la lecture de cette étude, on mesure que le "gap", l’écart entre ce qui intéresse les Français et les sujets abordés sur les réseaux sociaux par nos responsables politiques, est profond. Certains sujets ne sont pas abordés, ou quasiment pas, aujourd’hui dans le champ politique de cette élection présidentielle. Ce qui évidemment peut expliquer en partie au moins le désintérêt des Français pour cette campagne.
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