CARTE. Coupée en deux parties, Est et Ouest, depuis 2012, Alep voit les combats s'intensifier depuis bientôt huit mois. Écoles, hôpitaux, casernes de pompier, aucune cible n'est épargnée sur le terrain. Retour en cartes sur l'évolution des rapports de force sur place.
Cinq ans après le déclenchement de la guerre et 260 000 morts plus tard, jamais le régime n'a été si près de reconquérir Alep, la deuxième ville du pays. Plus qu'un symbole, cette victoire des forces gouvernementales pourrait représenter un tournant dans la guerre. Déjà en difficultés sur d'autres fronts, cette défaite affaiblirait un peu plus les rebelles.
L'offensive menée par les forces du régime, engagée début 2016, a entraîné l'isolement des quartiers centre et Est de l'agglomération, contrôlée par les rebelles. Ils ne sont plus approvisionné ou ravitaillé au départ de la Turquie. Une stratégie d'usure engagée pour isoler et encercler la poche de résistance rebelle. Le premier effort militaire a donc d’abord porté sur l'axe routier Nord-Sud, celui qui part de la ville frontière d'Azzaz pour rejoindre Alep, 40 kilomètres plus au Sud. Depuis, les populations fuient cette zone de guerre hors de contrôle.
Aujourd'hui, les habitants qui y vivent sont entre deux feux. On estime que du côté Ouest, il y aurait un million d'habitant et du côté Est près de 250 000. Alors qu'avant-guerre, la ville était peuplée de plus de 3 millions d'habitants.
Il en résulte une situation sanitaire plus qu’alarmante au sein des quartiers Est où il ne resterait que 35 médecins dans la zone assiégée pour s'occuper de plusieurs centaines de blessés par jour. Une situation particulièrement préoccupante pour Françoise Sivignon, Présidente de Médecins du Monde :
Alep est "en état d'urgence absolue. Rien n'est respecté !"
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Le conflit engagé entre les rebelles et le régime au sein de la ville a connu un tournant début février 2016 avec le début des frappes aériennes russes. Ces très lourdes missions de bombardement à quelques kilomètres au nord de l'agglomération alépine permettent aux troupes pro-régime (largement constituées de miliciens non syriens : Irakiens, Libanais, Afghans ou Pakistanais, tous chiites, et tous entraînés par les Iraniens) de progresser. Ces frappes permettent aux troupes gouvernementales partis de la zone industrielle d'Alep, en l'espace de cinq jours, de faire la jonction avec les deux réduits loyalistes de Zahraa et Nubl au nord-Ouest de l'agglomération. La route nord qui permettait aux rebelles de ravitailler Alep depuis la Turquie se retrouve elle coupée.
Pour autant, le siège n'est pas hermétiquement fermé. Les quartiers Est d'Alep sont toujours reliés aux zones tenues par la rébellion par la "route de Castello", qui court dans les faubourgs nord-ouest de l'agglomération. Grâce à cette voie hautement stratégique, on peut toujours rejoindre la Turquie, par un itinéraire détourné. C'est la raison pour laquelle, durant quatre mois, la route de Castello va constituer l'ultime cordon ombilical permettant le ravitaillement des quartiers rebelles, qu'il s'agisse de nourriture, d'aide médicale, mais aussi de renforts militaires en hommes et matériels.
En juin, les forces pro-régime parviennent à interdire en grande partie l'usage de la route de Castello, prise sous le feu de tireurs embusqués et régulièrement bombardée. Les Kurdes des YPG, branche armée du Parti de l'union démocratique formées en 2011 lors de la guerre civile syrienne, qui contrôlent le quartier de Sheikh Maqsoud en bordure Sud de la route, avancent également, interdisant une autre partie de l'axe à la rébellion. Et à la mi-juillet, la route de Castello est définitivement prise par le régime. Le siège se referme une première fois sur Alep-Est.
Pris en tenailles le 31 juillet, la rébellion réunit une trentaine de brigades différentes, des plus radicales (le front Fatah al Sham, anciennement Front Al-Nosra affilié à Al-Quaïda) aux plus laïques, et lance une contre-offensive d'envergure au sud de l'agglomération, pour tenter de rompre l'encerclement. Les attaques portent sur le quartier de Ramouseh, et particulièrement l'ancienne académie militaire d'artillerie, principal point d'appui des forces pro-régime dans le secteur.
Le 7 août, les forces rebelles réussissent à percer les lignes du régime. Elles font leur jonction avec les brigades rebelles d'Alep-Est. Le siège est rompu. Dans la foulée, les rebelles, islamistes en tête, font ostensiblement entrer en ville plusieurs convois de ravitaillement et d'aide humanitaire, démontrant en la matière une efficacité dont la communauté internationale s'est montrée incapable.
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Le 5 septembre, toutefois, après d'intenses préparations d'artillerie et de multiples bombardements aériens, les forces pro-régime réussissent à reprendre le quartier de Ramouseh à la rébellion. Le siège s'est à nouveau refermé sur les quartiers Est d'Alep. Près de 250 000 civils seraient toujours à l'intérieur.
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Précision (en date du 05/09/2017) : cet article était à l'origine illustré par une photo de la guerre en Syrie, image incorrectement sourcée et créditée, selon les révélations de BBC Brazil relayées par plusieurs médias. Cette image provenait de l'une des agences photographiques avec lesquelles nous travaillons au quotidien.