Tchernobyl : crise terminale du système soviétique
Par Maison de la Recherche en Sciences Humaines
35 ans après l'explosion du réacteur numéro 4 de Tchernobyl : "Si nous nous comportons avec légèreté devant Tchernobyl, ce sera notre fin à tous."
En partant d'une section, encore inédite en français, du recueil Die Lücke, die der Teufel läßt, on tentera de voir comment Alexander Kluge reconstitue la catastrophe nucléaire d'avril 1986 sous la forme du "montage littéraire", enrichie de procédés d'écriture nouveaux. De comprendre la façon dont, à travers le jeu de la "collision des temps", il inscrit l'événement dans une interprétation de la crise terminale du système soviétique. Et de suggérer que toute cette séquence est traversée par la tension de deux régimes d'écriture littéraire, l'un plus illustratif, l'autre plus productif.
Kluge est l'une des grandes figures de la vie littéraire, artistique, intellectuelle et culturelle allemande des cinquante dernières années ; il y incarne activement un projet de diversité culturelle à l'échelle européenne qu'on peut qualifier d'"hétérotope". Son œuvre, elle, intentionnellement polymorphe, s'essaye à une multitude de sujets et combine toutes les possibilités offertes par les techniques de représentation et les moyens artistiques de son siècle. Par là, elle résiste aux déterminations génériques et transgresse les frontières entre les médias, si bien qu'il paraît difficile d'isoler en elle les parts respectives du vidéaste et producteur régulier de magazines télévisés, du réalisateur d'une trentaine de films et de l'auteur d'une œuvre écrite, théorique et littéraire, d'une envergure impressionnante. On serait alors tenté d'appliquer à Kluge l'épithète d'"universel" et de voir en lui un "artiste en tout" ou même un "artiste total". Au risque d'oublier cependant qu'un ouvrage apparemment "monstrueux" comme Chronique des sentiments ne vise la totalité du monde qu'à travers la sélection et l'agencement de récits principalement courts et de thèmes très disparates, entre lesquels la concurrence le dispute sans cesse à la convergence.
Tchernobyl : un segment d'histoire(s) russe(s) ?, par Jean-Pierre Morel
42 min
Une conférence enregistrée en juin 2019, dans le cadre du colloque "Univers pluriels d'Alexandre Kluge", sous la direction de Wolfgang Asholt, Jean-Pierre Morel, Vincent Pauval et la participation d'Alexander Kluge.
Jean-Pierre Morel, professeur émérite de littérature comparée à l'université Paris-3 Sorbonne Nouvelle, traducteur de Brecht, Heiner Müller, Alexander Kluge.