Theresa May, la résilience insuffisante

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Theresa May, la résilience insuffisante

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Theresa May, vaincue par le Brexit, annonce sa démission le 24 mai 2019.
Theresa May, vaincue par le Brexit, annonce sa démission le 24 mai 2019.
© AFP - Daniel LEAL-OLIVAS

Les artisans du Brexit. Theresa May est la Première ministre du Royaume-Uni de 2016 à 2019. Après trois années de négociations infructueuses avec l'Union européenne et de multiples humiliations, trahie par son propre parti, elle est la deuxième victime du Brexit et doit céder sa place à Boris Johnson.

  • Après la démission de David Cameron, Theresa May devient la deuxième femme Première ministre de l’Histoire du Royaume-Uni, avec une mission : faire sortir son pays de l'Union européenne.
  • Rapidement confrontée aux divisions internes du Parti conservateur, elle échoue par trois fois à faire ratifier par le Parlement britannique l’accord qu’elle a négocié.
  • En mai 2019, face à la perspective d’un quatrième camouflet de la part des députés britanniques, Theresa May démissionne et est remplacée par Boris Johnson. 

Trois années entières à la tête du Royaume-Uni. Plus de mille jours comme Première ministre, passés principalement à tenter de concrétiser le Brexit. Durant son mandat de juillet 2016 à juillet 2019, Theresa May ne parviendra pas à faire sortir définitivement le Royaume-Uni de l’Union européenne. 

Par trois fois, l'accord qu'elle a négocié a été rejetée par le Parlement britannique. Un rejet de ses opposants, certes, mais aussi de son propre parti, car les plus grands adversaires de Theresa May sur le dossier du Brexit n’auront pas été les membres du Parti travailliste mais ceux de sa propre famille politique.

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Projetée sans arme dans l'arène du Brexit

Le résultat du référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, le 23 juin 2016, pousse David Cameron, Premier ministre de l'époque, à démissionner. Theresa May, son ancienne ministre de l'Intérieur, devient en juillet la deuxième Première ministre de l'Histoire du Royaume-Uni, après Margaret Thatcher. Elle, qui ne soutenait pas le "Leave" lors du référendum, doit le rendre réaliste.

Pour rassurer au sein de son parti les "Hard Brexiters", partisans d'une sortie de l'Union européenne sans concession, la Première ministre se veut la représentante d'une ligne de négociation ferme avec Bruxelles. Elle délivre en octobre au congrès du Parti conservateur "la vision d'une Grande-Bretagne mondiale."

La première ministre britannique Theresa May lors d'une visite de campagne électorale dans le village de Banchory, dans l'Aberdeenshire, au nord-est de l'Écosse, le 29 avril 2017.
La première ministre britannique Theresa May lors d'une visite de campagne électorale dans le village de Banchory, dans l'Aberdeenshire, au nord-est de l'Écosse, le 29 avril 2017.
© AFP - MICHAL WACHUCIK

Mais en avril 2017, Theresa May convoque de nouvelles élections législatives pour juin. Elle sent que les divisions de son parti risquent de l’empêcher de faire adopter un accord sur le Brexit. Le calcul est mauvais, tout comme sa campagne, et les travaillistes gagnent des députés. Les conservateurs en sortent affaiblis, forcés de compter sur le DUP (parti unioniste nord-irlandais) pour espérer obtenir une majorité à la Chambre des communes.

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L’image de Theresa May est écornée. En octobre 2017, affaiblie par les législatives, Theresa May clôt de manière catastrophique le Congrès des conservateurs. Après que de multiples quintes de toux sont venues ponctuer son discours, un manifestant l’interrompt en lui donnant un formulaire de licenciement et les lettres du décor derrière elle tombent. L’image est forte, et va marquer à jamais la crédibilité de la dirigeante. 

Démissions en cascade, isolement progressif

Laissant derrière elle les législatives, la Première ministre se concentre sur le Brexit, et aboutit à un traité avec l’Union européenne en novembre 2018. L’accord ne satisfait pas jusque dans son gouvernement : le ministre chargé du Brexit, Dominic Raab, passe la main avec quatre autres membres de l’exécutif. Les Hard Brexiters ne la soutiennent pas, tout comme les unionistes irlandais. 

 Le 1er avril 2019, à Londres en Angleterre,  une caricature de la Première ministre britannique Theresa May devant les chambres du Parlement lors d'une manifestation pro-européenne.
Le 1er avril 2019, à Londres en Angleterre, une caricature de la Première ministre britannique Theresa May devant les chambres du Parlement lors d'une manifestation pro-européenne.
© AFP - WIKTOR SZYMANOWICZ

Selon ses opposants, le Brexit ainsi négocié n’a de Brexit que le nom : les Européens pourront rester sur le sol britannique grâce à un droit de séjour, le Royaume-Uni restera dans l’union douanière pour éviter un retour dangereux de la frontière entre l’Irlande du Nord et l’Irlande. L’influence de la défaite des législatives et de la division interne au Parti conservateur se font alors sentir : de janvier à mars 2019, le Parlement britannique refuse par trois fois de ratifier l’accord négocié. 

Theresa May s'adresse aux députés Britanniques le 30 janvier 2019 pour les remercier de l'autoriser à renégocier l'accord du Brexit avec Bruxelles.
Theresa May s'adresse aux députés Britanniques le 30 janvier 2019 pour les remercier de l'autoriser à renégocier l'accord du Brexit avec Bruxelles.
© AFP - Mark Duffy

En mai de la même année, lassés comme le reste de la population européenne par un Brexit qui s'embourbe, les députés travaillistes décident de ne plus négocier avec Theresa May. Après une dernière proposition rejetée par tous, les critiques sont trop intenses pour Theresa May. Trois années ont passé depuis le départ de David Cameron et le Brexit fait une nouvelle victime politique. Après une énième démission dans son gouvernement, Theresa May décide elle aussi de laisser sa place. Elle sera remplacée par son ancien ministre, Boris Johnson, lui aussi démissionnaire un an auparavant. 

Journal de 18h
19 min

Aujourd’hui députée, elle parle moins, lessivée par les charges médiatiques et politiques de son mandat. Elle sort néanmoins de sa réserve en septembre dernier lors d’un débat à la Chambre des Communes. Elle s’oppose frontalement à Boris Johnson, qui propose de ne pas respecter le traité qui régule le Brexit, ratifié par le Royaume-Uni et l’Union européenne, et avance :

Si [Boris Johnson] fait cela, comment le gouvernement pourra-t-il rassurer ses futurs partenaires internationaux sur la fiabilité du Royaume-Uni en matière de respect des obligations juridiques des accords qu’il signe ?

À Noël, alors que Britanniques et Européens fêtent la fin des négociations pour le Brexit, Theresa May salue sur Twitter un post-accord commercial qu’elle aura contribué à faire évoluer, en y sacrifiant sa carrière politique.