Présidences américaines. A la veille de l’élection du 45ème président des Etats-Unis, retour en archives sur les traces de quatre présidents américains. Première étape en Virginie, de Washington à Charlottesville, sur les traces de Thomas Jefferson, troisième président américain.
Si le président des Etats-Unis est élu début novembre, il est de tradition que celui-ci prenne ses fonctions le 20 janvier de l’année suivante. Fin décembre 2007, à la veille de l’investiture de Barack Obama pour son premier mandat, Emmanuel Laurentin s’est rendu aux Etats-Unis sur les traces de quatre présidents américains dont l’influence demeure aujourd’hui encore importante. Cette série de portraits, nommée Washington’s Quartet, a été diffusée dans La Fabrique de l’Histoire du 19 au 22 janvier 2008.
Première étape en Virginie, avec Thomas Jefferson, rédacteur de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. En succédant à deux autres “Pères fondateurs” de l’Indépendance, Georges Washington et John Adams, il fut le 3ème président des Etats-Unis et gouverna le pays de 1801 à 1809.
Washington's Quartet 1/4 : Thomas Jefferson
50 min
Durée : 50'42 • La Fabrique de L'histoire, 19.10.2008 • Avec : Susan Stein (conservatrice à Monticello) ; Sarah Bon-Arper (archéologue) ; Roland Simon (professeur de français) ; Robert Haggard (éditeur de la correspondance de Jefferson) ; Andrew O' Shaughnessy (directeur de l'International Center for Jefferson Studies) ; Olivier Zunz (professeur d'histoire à l'Université de Virginie).
Monticello, “petite colline” au sud de Washington
Nous sommes en Virginie, à Charlottesville, dans le domaine de Thomas Jefferson. Monticello, c’est le nom qu’il donna à cette propriété dont il a lui-même conçu les plans, passionné d’architecture qu’il était. Du jardin au bureau, en passant par le parloir et les lieux de sociabilité, Emmanuel Laurentin nous guide dans ce lieu de mémoire du président Jefferson : un lieu pour dresser le portrait d’un homme, de son esprit et de ses contractions.
Considéré comme un esprit des Lumières, Jefferson “pensait que la raison et la connaissance entraîneraient le progrès humain” (Susan Stein, conservatrice du domaine de Monticello). Il était familier de l’Europe et de la France notamment où il fut ambassadeur jusqu’en 1789, avant la Révolution Française. Un héritage dont ses successeurs ont bien noté l’importance. Tandis que Franklin Delano Roosevelt a fait construire en son honneur un mémorial en face de la Maison Blanche, Abraham Lincoln se référait à cet “idéal de liberté” qu’il avait insufflé :
“Lincoln disait que Jefferson était responsable pour les actions et les principes qui définissent une société libre. Et quand Lincoln se leva et fit le discours de Gettysburg, ses premières lignes regardent vers Jefferson, regardent en arrière, quatre-vingt sept ans plus tôt, vers l’idéal de liberté”. Susan Stein
La création d’une université en Virginie
Nul doute que les savoirs ont pris dans la vie de Jefferson une place toute particulière. Si son abondante correspondance fait part de sa curiosité intellectuelle, de l’anthropologie à l’agriculture en passant par les arts, sa bibliothèque personnelle était constituée d’environ 6500 ouvrages. Thomas Jefferson, après sa seconde présidence, s’est attelé à la création d’une université en Virginie avec une philosophie de l’éducation avant-gardiste pour l’époque :
“Sa grande originalité, ça a été d’être une université laïque. L’enseignement, dans l’ensemble des Etats-Unis, était un enseignement dans les mains des congrégations religieuses. Et Jefferson a voulu dès le départ construire une université de l’Etat, mais qui n’était liée à aucune confession. ”(Olivier Zunz)
Parmi les étudiants célèbres de cette université, Edgar Allan Poe.
Le paradoxe de l’esclavage
Un paradoxe demeure cependant : comment un homme des Lumières pouvait-il accepter l’esclavage ? Il possédait des esclaves et des recherches récentes lui prêtent même un enfant avec l’une d’entre elles, Sally Hemings. Emmanuel Laurentin met en lumière ce paradoxe d’un Jefferson adversaire de l’esclavage en même temps que propriétaires d’esclaves. Susan Stein répond :
“Je pense que Jefferson était en beaucoup de choses un homme de son temps. Et en beaucoup d’autres choses, un homme du futur. Il comprit bien l’horreur de l’esclavage, en même temps pour le maître et pour les esclaves. Mais il ne pensait pas que l’esclavage pouvait être éradiqué de son temps. Il a eu peur que cela créé un clivage dans l’union et que ça détruise cette jeune république.” Susan Stein
Alors quelle vision les Américains ont-il aujourd’hui de ce président américain ? Robert Haggard met en lumière l'image changeante de Jefferson au fil du temps et d'une popularité nuancée par la possession d'esclaves. Il reste néanmoins très célèbre en tant que rédacteur de la déclaration d'indépendance, créateur de l'université de Virginie ou encore pour l'achat de la Louisiane à Napoléon Ier.
Pour aller plus loin :
Savez-vous comment Thomas Jefferson a contré le projet de Napoléon Ier et doublé la superficie du territoire américain ? Dans Les secrets de la Maison Blanche, Nicole Bacharan et Dominique Simonnet racontent les rebondissements de l’achat de la Louisiane à l'empereur français.