TikTok, réseau favori des adolescents, mais sur lequel les candidats à la Présidentielle misent

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TikTok, réseau favori des adolescents, mais sur lequel les candidats à la Présidentielle misent

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Captures d'écran des comptes TikTok d'Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron
Captures d'écran des comptes TikTok d'Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron
© Radio France

Créé en 2016, TikTok compte désormais un milliard d’utilisateurs à travers le monde. Le réseau est très prisé par les moins de 17 ans. Trop jeunes pour voter. Pourtant, les politiques français s’y ruent pour diffuser leurs messages.

C’est sur TikTok que le ministre délégué chargé des Transports Jean-Baptiste Djebbari a acquis ces derniers mois sa notoriété numérique. Près de 665 000 abonnés. Des vidéos courtes le plus souvent sur le ton de la dérision. La dernière vidéo, dans laquelle le ministre se filme dans son bureau mimant un chanteur de karaoké, a déjà été vue plus de 3 millions de fois. L’ex député LREM de la Haute-Vienne a visiblement bien compris les codes et usages de ce réseau social lancé en 2016 par la société chinoise ByteDance. À l’automne 2021, TikTok a dépassé le cap du milliard d’abonnés dans le monde. Sportifs, chanteurs, célébrités et anonymes y publient de courtes vidéos, le plus souvent humoristiques, ou qui tentent de l’être. Le réseau est en train de devenir le favori des adolescents. 40% des utilisateurs déclarent avoir moins de 17 ans. En France, ils sont donc trop jeunes pour voter. Dans ces conditions, pourquoi les politiques et les candidats à la Présidentielle se ruent-ils sur ce réseau social en vogue ? C’est ce qu’ont essayé de comprendre deux journalistes du quotidien Les Échos, Jules Grandin et Tom Février, spécialistes des datas numériques, et qui ont travaillé sur l’importance de cette plateforme vidéo, et les raisons pour lesquelles les politiques y sont de plus en plus présents. 

Capture d'écran du compte TikTok de Jean-Baptiste Djebbari
Capture d'écran du compte TikTok de Jean-Baptiste Djebbari

Pour réaliser cette enquête, nous avons d’abord mis en place une surveillance quotidienne du nombre d’abonnés par candidat sur la plateforme depuis le mois de septembre 2021, expliquent Jules Grandin et Tom Février, afin de calculer des taux d’évolution. Puis, nous avons relié les pics de ces courbes à leur profil TikTok pour mesurer l’impact qu’une vidéo pouvait avoir sur leur nombre d’abonnés. Nous avons également « scrapé » leurs profils TikTok, c’est-à-dire rapatrié l’ensemble des données associées à chaque post (date, nombre de vues, de mentions « j’aime », etc.) dans un tableur. Et nous avons affecté chacune des vidéos postées à une typologie que nous avons établie (blague, politique, communication).

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Le résultat de cette enquête est une plongée passionnante dans l’univers numérique des différents candidats. Et démontre que la Présidentielle 2022 se jouera (aussi) sur TikTok. Cet article montre aussi comment, sur ce réseau, les politiques tentent de "percer", d’enregistrer un maximum de vues ou de commentaires positifs. Et pourquoi. 

Sans surprise, Emmanuel Macron compte le plus d’abonnés

Ce bon résultat est évidemment lié à la fonction présidentielle d’Emmanuel Macron (qui à ce stade n’a pas encore officialisé sa candidature à un second mandat). En ce début d’année, le chef de l’État comptabilise 2,8 millions de followers sur cette plateforme (soit une augmentation de 2% en quatre mois).  Selon le décompte réalisé par les Échos, chacune de ses vidéos enregistre en moyenne 495 000 mentions "j’aime".  Le plus souvent, le chef de l’Etat se filme lui-même, sans cravate, en polo ou en tee-shirt. Parfois, il répond aux questions laissées par les followers. Le compte TikTok d’Emmanuel Macron joue, comme le note Jules Grandin et Tom Février, avec les références culturelles des moins de 30 ans : le manga One Piece, les youtubeurs McFly et Carlito, etc. Le journaliste Tom Février précise :

À l’Élysée, il y a une équipe numérique qui travaille sur les réseaux sociaux du Président, et notamment celui-ci. Or, cette équipe a bien compris que, lorsque le Président de la République répond en vidéo à l’un de ses abonnés, et notamment sur TikTok, il flatte son électorat jeune.

Le candidat à la Présidentielle Jean-Luc Mélenchon a lui aussi bien réalisé l’usage qu’il pouvait faire de cette plateforme vidéo sur laquelle il comptait, début janvier, plus d’un million d’abonnés (+ 305% en quatre mois). Les équipes numériques du candidat La France insoumise ont visiblement saisi les codes, l’esthétique et les tendances de ce réseau : 

L’une des vidéos qui a attiré des centaines de milliers de jeunes vers son compte TikTok, c’est celle enregistrée par Jean-Luc Mélenchon à la veille de son débat avec Éric Zemmour en septembre dernier. On le voyait assis à la terrasse d’un café, sirotant un lait-fraise, en train de préparer ce débat. Puis s’enchainaient des images de Zemmour, sur fond de musique techno, et cette phrase en guise de conclusion : 'Le Z en PLS, il est tout cassé'. Il s’agit de vidéos humoristiques qui n’ont pas vraiment de fond politique. Mais elles sont capables de générer des millions de vues. Et si l’on observe bien le contenu publié notamment sur le fil de Jean-Luc Mélenchon, ces vidéos côtoient des messages à caractère beaucoup plus politique. Avec là des propositions concrètes et des sujets de fond. Et par capillarité, ces vidéos enregistrent aussi des centaines de milliers de vues.

À l’autre bout de l’échiquier politique, Éric Zemmour est le candidat le plus actif sur TikTok, avec déjà plus de 150 vidéos déjà publiées. Certaines présentent un intérêt politique extrêmement limité (notamment celle où le candidat d’extrême-droite marque un "strike" au bowling. Elle a atteint les 4 millions de vues). Mais elles permettent à l’ancien polémiste de conquérir de nouveaux abonnés : début janvier, il en totalisait 156 000, avec une progression de 319% en 4 mois. Les équipes numériques d’Éric Zemmour tentent de doper leur exposition en utilisant de manière artificielle certains des hashtags les plus populaires sur la plateforme : 

Mots-clés utilisés par les équipes numériques d'Eric Zemmour (source : les Echos)
Mots-clés utilisés par les équipes numériques d'Eric Zemmour (source : les Echos)

Une certitude en tout cas, une part importante du public de TikTok n’est pas en âge d’aller voter, remarque Tom Février : un tiers des utilisateurs de cette plateforme est âgé de moins de 17 ans. Donc ne pourra pas aller voter à la prochaine Présidentielle. Il est compliqué de connaître alors l’impact de ces messages diffusés sur TikTok. Mais par le biais de ces courts messages, les politiques ont la possibilité d’offrir à ce public une autre image d’eux. Plus accessibles. Plus décontractés qu’à la télévision. Peut-être qu’au final, les jeunes utilisateurs de TikTok seront aussi attentifs à des messages plus politiques ou plus sérieux. Et s’intéresseront de plus près au programme de tel ou tel candidat.

L’enquête fouillée des deux journalistes des Échos est passionnante. Elle est disponible en ligne ici, et une version actualisée de cet article sera publiée dans le journal du 11 janvier.

> Découvrez notre dossier " 2022 : une présidentielle sur les réseaux sociaux"

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