
Poète, écrivain, dessinateur, décorateur : Victor Hugo a touché à tout. Ses successeurs ne lui ont pas fait défaut : certains de ses descendants se sont consacrés à la peinture, la photographie ou encore la musique. La Maison Victor Hugo leur consacre une exposition.
Difficile d'échapper à un tel patronyme : les descendants de Victor Hugo, particulièrement les premières générations à lui avoir succédé, ne sont pas vraiment passées à la postérité pour leurs talents d'artistes, comme étouffées par la présence de leur aïeul. Non pas qu'ils l'aient mal vécu : "Victor Hugo, dans son éducation, a toujours essayé de les valoriser, raconte à ce sujet Gérard Audinet, commissaire de l'exposition. Je pense que s'ils écrivent et dessinent tous, font de la photographie ou de la musique, c'est parce qu'il les a toujours encouragés de ce point de vue là et il les a poussés à écrire, autant son fils Charles que François-Victor. [...] Il a eu une attitude très moderne en éducation." C'est donc bien malgré Victor Hugo, lui-même dessinateur, que ses descendants sont "restés dans l'ombre du père". Ce qui ne les a pas empêchés d'avoir une production artistique conséquente : de sa femme à ses arrières-petits-enfants, dix de ses descendants se sont consacrés à l'art. En voici trois d'entre-eux.
Georges Hugo, le peintre
Orphelin dès l'âge de trois ans, Georges est éduqué par son grand-père, Victor Hugo. Formé auprès du peintre Ernest Duez, il excelle à capter les scènes de sociabilité d'un trait rapide. "Georges est un artiste d'une certaine valeur, précise Gérard Audinet. Comme peintre et dessinateur il a un regard assez proustien, assez aigu, très psychologue, très vif dans sa façon de capter les scènes de café, de convivialité." Engagé volontaire, il se fait aussi connaître pour ses dessins sur le vif de la Grande Guerre : ils sont exposés en 1917 au musée des Arts Décoratifs.

En décembre 1916, l'artiste expliquait sa technique dans le journal L'Illustration :
"J'avais un bout de papier dans le creux de la main et un bout de crayon... Je notais fébrilement les mouvements de terrain, les tâches des hommes sur le sol blanc, les panaches de fumée des explosions... Je terminais mon croquis au stylo, précisant les formes, les attitudes, les massages ; et puis je coloriais légèrement avec ce que j'avais sous la main. Un peu de jus de tabac et une goutte de café sucré, cela fait une sépia épatante ; avec un peu de pinard, on fait du sang magnifique et, pour... ce ton blanchâtre de la Champagne, je délayais un peu de la craie attachée à ma capote... Et voilà !"
Adèle Hugo, la musicienne
Fille cadette des Hugo, Adèle, dite Dédé, écrit beaucoup : outre son journal intime, elle projette un livre sur la libération des femmes. Surtout, elle étudie la musique, à laquelle elle a été initiée par sa grande-sœur, disparue très jeune, Léopoldine. Adèle vit très mal l'exil forcé de la famille à Guernesey, qui la coupe de la vie mondaine et musicale, et qui, ajouté à la mort de sa sœur aînée, la plonge dans une profonde dépression. Cela ne l'empêchera pas de composer des mélodies pour piano ou sur des poèmes de son père. Malheureusement, au grand regret de Gérard Audinet, le commissaire de l'exposition, il n'existe pas de version écoutable de ces compositions.

Fait rare, Victor Hugo écrivit des paroles sur les airs de sa fille intitulés "Mélodies ou romances sans paroles" :
L'oiseau passe
Dans l'espace
Où l'amour vient l'enflammer ;
Si les roses
Sont des choses
Faites exprès pour charmer,
Le ciel est fait pour aimer.
Elle finit par fuir l'île, poursuivant un lieutenant anglais Albert Pinson, dont elle tombe éperdument amoureuse... sans retour de sa part. Elle finit par sombrer définitivement dans la folie : elle revient en France en 1872 pour être internée et finit ses jours à Suresnes dans la maison de santé du docteur Magnan, en 1915.
Léopold Armand Hugo, le graveur
Neveu de Victor Hugo, fils de son frère Abel et de Julie Duvidal de Montferrier - elle-même dessinatrice - Léopold est un scientifique et un artiste étrangement torturé. Il est éduqué à l'art par sa mère, formation qu'il complète auprès du peintre Horace Vernet. Il pratique la sculpture, mais aussi la peinture, le dessin et la gravure. Il se rapproche de son oncle après le décès de sa fille, très jeune, alors que sa femme a fui avec un amant.

Mathématicien, amateur éclairé, il publie de 1866 à 1876 plusieurs ouvrages de géométrie sur les cristalloïdes. Au fil des tomes, les ouvrages font de plus en plus la part belle aux divagations en lieu et place des mathématiques : il y invente notamment la théorie hugodécimale, ou "la base scientifique et définitive de l'arithmo-logistique universelle".
"Analyste ! Rends hommage à la Vérité, sinon l'Équidomoïde vengeur viendra peser, la nuit, sur ta poitrine anxieuse !" Léopold Armand, dans La question de l'équidomoïde et des cristalloïdes géométriques - Géométrie hugodomoïdale, anhellénique, mais philosophique et architectonique
Comme ses théories mathématiques, son oeuvre artistique est chargée d'une symbolique obscure, à commencer par ses propres autoportraits.

- Exposition "Les Hugo, une famille d'artiste", à La Maison Victor Hugo, jusqu'au 18 septembre 2016.