"Trump est un gros tas de merde et Macron un berger allemand" : l'interview d'Art Spiegelman, auteur de Maus

Publicité

"Trump est un gros tas de merde et Macron un berger allemand" : l'interview d'Art Spiegelman, auteur de Maus

Par
Art Spiegelman
Art Spiegelman
© Radio France

Comment dessiner Trump ou Macron ? Qui seraient aujourd'hui les souris juives de "Maus" ? Peut-on tout caricaturer ? Regardez l'interview vidéo d'Art Spiegelman, l'auteur de "Maus", l'unique B.D. qui a reçu le prix Pulitzer, où l'Holocauste est raconté avec des souris juives et des chats nazis.

1) Aujourd’hui, qui seraient les souris et qui seraient les chats ?

Aujourd’hui, ce sont les Arabes qui doivent porter le plus gros masque de souris, juste derrière eux les Afro-Américains et à côté les Hispano-Américains et juste derrière il y a "MeToo", il y a les femmes. D’habitude c’est un certain genre de réactionnaires blancs qui sont derrière les chats du jeu… si on peut appeler ça comme ça, un jeu dangereux. Mais on ne peut pas les voir parce qu’ils portent un masque du Ku Kux Klan.

Publicité

2) Comment dessineriez-vous Emmanuel Macron ?

Un genre d’animal domestique serait approprié. S’il n’est pas le plus féroce berger allemand du coin, au moins il est domestiqué et empêchera le système, même s’il n’est pas parfait, de se retrouver aux mains des loups.

3) Et Donald Trump ?

J’ai fait des dessins de lui en grenouille, mais vraiment il n’est qu’un gros tas de merde. Le problème c’est que faire n’importe quel dessin de Trump, c’est jouer son jeu et ça, ça me laisse presque paralysé, parce que quand tu t’occupes des narcissiques, ils disent : “oh regarde cet affreux dessin qu’ils ont fait de moi, de moi, de moi”. Et ça, ça n’aide pas. Le problème avec Trump, c’est qu’il est déjà une foutue caricature donc il n’y a pas grand chose à faire de plus. Il est le plus drôle dessin animé que j’ai vu à la télé, niark niark.

4) Qu’est-ce que vous inspire sa politique ?

Il est juste une manifestation locale de la même… merde, qui existe ici et en Italie et ailleurs. C’est une nouvelle forme de ploutocratie autoritaire. 

5) Après Charlie Hebdo, peut-on tout caricaturer ?

J’admire la bravoure et peut-être aussi la témérité de Charlie Hebdo, ils travaillent dans une tradition française qui encourage ce genre de résistance laïque aux religions. Merci Napoléon, c’était une bonne idée mais qui a ses inconvénients. Je pense que le principe que les dessinateurs doivent suivre c’est de ne pas frapper en bas de l’échelle_,_ toujours frapper en haut, frapper les plus puissants. C’est très compliqué de traiter des problématiques qui sont aujourd’hui tellement empreintes de racisme, de religion dans un contexte toujours plus divisé. Tout ce qu’on peut espérer c’est des dessinateurs intelligents.

6) Etes-vous sorti de votre chef-d'œuvre Maus ?

Aujourd’hui, je sens que j’en suis sorti parce que je travaille sur tout autre chose. Mais en général, c’est toujours un poids. Il y a une sorte de prix à payer pour s’être consacré si profondément à ce projet, je pense que ça valait le coup parce que j’ai fait un livre qui à l’air important pour plein de gens de cultures différentes. Mais je reste toujours avec cette souris de 250 kg qui me poursuit, peut-être que je lui échapperais si je travaillais sous un pseudonyme. Je pense que ma façon particulière de mal dessiner me poursuit et les gens reconnaissent mon travail sauf si je dessine de la main gauche. Sinon oui, elle est toujours présente et je ne veux ni être sur le chemin de cette souris de 250 kg, ni être dans son ombre.  

7) Quelle musique écoutez-vous quand vous dessinez ?

Quand je travaillais sur Maus, ce qui m’a paru une éternité parce que c’est un livre de 13 ans, j’essayais de trouver une musique à écouter pendant que je faisais la partie dessin. Ce qui a vraiment marché, c’est quand un ami est revenu d’Allemagne avec la musique d’un groupe a capella des années 1930 qui s’appelle The Comedian Harmonists, et c’était parfait pour dessiner Maus parce que c’était trois Juifs et trois Aryens. Cette musique est restée avec moi, je l’ai écoutée tellement longtemps que ma femme m’a obligé à acheter des écouteurs, c’était 13 ans avec les mêmes disques qui tournaient encore et encore et encore.

Pour en savoir plus, écoutez La Grande Table avec Art Spiegelman