
Les premières images de la sonde New Horizons ont permis de découvrir le corps céleste Ultima-Thulé et le verdict est sans appel : c'est un bonhomme de neige. Un cas classique de paréidolie, ce phénomène qui consiste à distinguer un objet dans une forme vague.
Ce n'était, jusqu'ici, qu'un amas de pixels observé grâce à Hubble en juin 2014. Grâce au passage de la sonde New Horizons, qui s'était déjà illustrée en nous faisant parvenir des images de Pluton, on sait maintenant à quoi ressemble ce corps céleste situé au-delà de Neptune, dans la ceinture de Kuiper, aux confins du système solaire : le verdict est sans appel, 2014 MU69, rebaptisé Ultima-Thulé pour l'occasion, a la forme d'un bonhomme de neige. Ou d'une religieuse au chocolat. Ou encore de BB-8, le petit robot de la saga Star Wars, si l'on veut rester dans une dimension "spatiale".

Rien de plus classique que de chercher à décrire une forme nouvelle à l'aide d'un objet déjà connu. Le concept n'a rien de neuf, et il se retrouve aussi bien dans le jeu qui vise à reconnaître une forme dans les nuages que dans le fameux test de Rorschach, qui consiste à interpréter des tâches d'encre. On nomme ce phénomène la paréidolie, et il s'appuie sur la tendance qu'a le cerveau à assimiler les nouvelles informations à ce qu'il connaît déjà, pour accélérer le traitement de l'information. A ce titre, la paréidolie appartient d'ailleurs au champ des illusions d'optiques.
La paréidolie, loisir astronomique ?
Un visage dans un rocher, un animal dans un nuage... Ce phénomène est particulièrement vrai quand on en vient à l'espace, comme s'il était nécessaire de trouver une ressemblance plus ou moins avérée, d'un astéroïde à une galaxie, pour se faciliter la compréhension de concepts si immenses qu'ils en sont difficiles à appréhender. Paysages martiens, satellites, nébuleuses et autres galaxies sont ainsi autant d'occasions de s'exercer à la paréidolie. Petit tour d'horizon spatial.
Ouamauma, le cigare volant

C'est une paréidolie qui a fait les gros titres. Qualifié de cigare volant, l'astéroïde Ouamauma est le premier objet interstellaire à avoir été observé dans notre système solaire. Sa forme oblongue lui a rapidement valu le surnom de "cigare".
"Ce qui est complètement inattendu, c'est sa forme !", précisait d'ailleurs l'astronome Olivier Hainaut dans Le Journal des Sciences en novembre 2017 :
Il est allongé et dix fois plus long que large, et cela c'est unique, on n'a jamais vu ça dans notre système solaire. D'après sa forme, il est peu probable qu'il se soit formé lentement, par accumulation. Il est plus probablement le fruit d'un cataclysme. Sa vitesse est plutôt normale, ce qui veut sans doute dire que depuis qu'il a été expulsé de son système, il n'a pas été en contact avec d'autres étoiles, avant la nôtre.
Que nous apprend Oumuamua, l'astéroïde venu d'ailleurs ? (Le Journal des sciences, 24/11/2017)
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Un visage sur Mars

La paréidolie est quasiment devenue une marotte martienne. Chaque détail observé par un des rovers qui parcourt la planète rouge est l'objet de spéculations, chaque forme un tant soit peu géométrique ou apparentée à une forme humanoïde fait le bonheur des complotistes, prêts à y voir la preuve d'une existence extraterrestre.
Et les premiers exemples de ce phénomène commencent à dater : dès 1971, les clichés de la sonde Viking 1 permettent d'observer ce qui s'apparente à un visage sur le sol martien. Il n'en fallait pas plus pour soulever l'hypothèse d'une civilisation martienne, d'autant qu'une autre colline un peu plus loin, ressemblait quant à elle à une pyramide à cinq faces. Quelques années plus tard, la sonde Mars Global Surveyor prendra des clichés bien plus précis du relief Cydonia Mensae, achevant de mettre à mal ces théories.

Mimas, ou l'étoile de la mort de Star Wars

BB-8, ou Ultima-Thulé, n'est pas la seule occurrence de Star Wars dans notre système solaire. Mimas, une des lunes de Saturne, est en effet fréquemment comparée à l'Etoile de la mort, l'arme de Dark Vador dans la trilogie de George Lucas.
Ce qui donne à Mimas cette ressemblance est le cratère Herschel, d'un diamètre de 130 km, qui orne le satellite. L'évènement à l'origine de cet impact a été si violent qu'il a manqué de peu détruire cette petite lune.
Les nébuleuses : paréidolies à l'envi
Si l'on prend un peu de distance avec notre système solaire, les nébuleuses sont certainement les objets célestes ayant le plus inspiré de comparaisons avec nos références humaines. Vestiges de supernova ou entourant des étoiles en fin de vie, ces gigantesques "nuages" de gaz et de poussières interstellaires offrent parmi les plus beaux spectacles de l'univers.
- La nébuleuse de l'Aigle et les Piliers de la création

Certainement la plus connue, la nébuleuse de l'aigle entoure un amas ouvert d'étoiles. En son centre, on peut observer l'une des plus célèbres photos prises par Hubble : trois colonnes de poussières interstellaires, surnommée les Piliers de la création.

- La nébuleuse de l'Hélice

Pour rester dans le domaine du divin, la nébuleuse de l'Hélice est également surnommée "L'Oeil de Dieu". Elle est située dans la constellation du Verseau, à environ 700 années-lumière de la Terre.
- Des nébuleuses félines

S'il est assez attendu de voir des signes de Dieu dans nos cieux, une autre récurrence plus étonnante est celle du chat. Il a ainsi droit à deux nébuleuses, celle de l’œil de chat, située dans la constellation du Dragon, et celle de la Patte de chat, observable dans la constellation du Scorpion.

- La Nébuleuse de la tête de sorcière
Moins connue, la Nébuleuse de la tête de sorcière est une nébuleuse par réflexion, dans la constellation de l'Eridan, éclairée par l'étoile Beta Orionis.

Et les galaxies ?

A une échelle encore supérieure, les galaxies aussi ont droit à leurs paréidolies. Si leurs formes sont plus classiques, certaines d'entre elles parviennent à se distinguer de la masse, à commencer par la galaxie M104, alias la galaxie du Sombrero, ou encore la galaxie ESO350-40, dite galaxie de la Roue de chariot. Cette galaxie lenticulaire à anneau a une forme particulière probablement en raison de sa collision avec une autre galaxie, bien plus petite.

Difficile de faire plus grand qu'une galaxie, en matière de paréidolie. Et pourtant le télescope Hubble réserve une dernière surprise : en novembre 2015, la NASA a ainsi dévoilé une photo d'un groupe de plusieurs galaxies baptisé "Chat du Cheshire". C'est l'effet de "mirage gravitationnel" qui donne à ce groupe de galaxies l'illusion d'un sourire :
