** Le festival a été lancé par plusieurs professeurs du Lycée Voltaire, à Orléans. Au départ destiné à un public d’élèves et d’étudiants, il a réuni dès la première soirée-projection un public éclectique. Mardi 31 janvier, une centaine de spectateurs ont pu assister à la projection du documentaire sur le génocide rwandais : Kigali, des images contre un massacre, réalisé en 2004 par Jean-Christophe Klotz. **
Le génocide rwandais
Episode douloureux de l’histoire du 20ème siècle. En trois mois, des centaines de milliers de Tutsis sont tués, méthodiquement, par des milices extrémistes et des militaires Hutus. Hommes, femmes, enfants, on estime à 800.000 le nombre de victimes du génocide.

Pendant les trois mois de massacre, des casques bleus de l’ONU sont sur place, dont le représentant des Nations Unies, le général canadien Roméo Dallaire . La plupart des journalistes ont quitté le pays assez tôt avec les ressortissants étrangers. Mais ils restent encore quelques civils occidentaux sur place. Parmi eux, le père Blanchard , qui refuse de quitter le Rwanda. Il restera pendant une grande partie des massacres dans sa paroisse de Kigali, où ont trouvé refuge des dizaines de femmes et d’enfants tutsis.
A l’époque Jean-Christophe Klotz est journaliste pour l’agence Capa. Il réalise un premier reportage sur le rapatriement des français. Lors du tournage il se rend compte de l’horreur qui se joue. Il retournera sur place quelques semaines plus tard, en mai, pour faire un reportage sur le père Blanchard. Il suivra également Bernard Kouchner, qui tente à l’époque une médiation entre les différents belligérants.

Lors de ce second voyage, Jean-Christophe Klotz part pour "alerter", caméra à l’épaule. Mais les images n’atteignent pas leur but : en France, en Europe et dans le Monde, les opinions publiques ne semblent pas, ne veulent pas prendre la mesure du drame qui se joue.
Pourquoi cet échec ? Le journaliste français est retourné en 2004 au Rwanda, pour retrouver les quelques survivants filmés dix ans auparavant.
Jean-Christophe Klotz explique pourquoi le documentaire était une meilleure idée qu’un reportage :
jean-Christophe Klotz explique l'importance du documentaire
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Le basculement du rôle de journaliste à celui de documentariste, avec ce que cela implique de militantisme, est intervenu en 1994. Jean-Christophe Klotz ne supporte pas ce qu’il voit, les scènes de barbarie. Son rôle est initialement de témoigner, mais alors qu’il approche d’une école à Kigali, il sait ce qui l’attend dans ce petit bâtiment en béton, un peu à l’écart: la mort, l’insupportable. Au moment où la porte s’ouvre, la caméra s’éteint, il ne veut pas filmer les cadavres. Et puis un peu plus tard, dans la paroisse du père Blanchard , le journaliste est blessé par balle, à la hanche. Immédiatement évacué par la Croix Rouge il supplie une journaliste italienne d’aller aider les femmes et les enfants restés sur place, et qui risquent de se faire massacrer:
Jean-Christophe Klotz raconte le basculement entre journaliste et militant
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Jean Christophe Klotz déclare que sa mission de journaliste a échoué, car les images n’ont pas réussi à susciter une prise de conscience dans l’opinion publique. Pourtant il existait déjà des images bien avant le génocide rwandais. Plus d’un an avant, en janvier 1993, Jean Carbonare est invité du journal télévisé de France 2. Ce membre de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme profite de cet instant, le plus regardé à la télévision, pour alerter sur ce qu’il vient de découvrir au Rwanda. Lui et d’autres bénévoles ont trouvé à l’époque des charniers dans lesquels sont entassés des dizaines de corps. Ce témoignage bouleversant a été repris par Jean Christophe Klotz dans son documentaire de l’époque:
Lors du génocide rwandais, le scénario se répète. Malgré les images, les alertes, les témoignages, aucun pays ne prend la mesure du drame. Sur place au moment des massacres, Philippe Gaillard , responsable du Comité International de la Croix-Rouge au Rwanda ne comprend pas. Selon lui, les images sont censées avoir un impact sur les téléspectateurs (captation du documentaire, tendez l’oreille ):
Philippe Gaillard, ancien responsable du CICR au Rwanda
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Cet attentisme de la communauté internationale a été dénoncée par Bernard Kouchner , son témoignage ponctue le documentaire:

Le témoignage poignant de Bernard Kouchner sur le comportement de la communauté internationale
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Paradoxalement, plusieurs années après le génocide, les images ont enfin un impact sur le public. C’est le cas pour Françoise et Olivier , membres d’une association orléanaise de solidarité internationale et venus assister à la soirée projection-débat. Avec le recul, encore relatif sur les événements, il est plus facile de prendre conscience des événements:
Le témoignage de deux spectateurs du documentaire
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Dans le public le soir de la projection, il y avait beaucoup d’élèves du lycée Voltaire. Ils n’étaient pas obligés d’être présents, et pourtant ils étaient près de 50. Car la question rwandaise est transposable au programme de terminale. Philippe Couannault est professeur d’histoire au lycée Voltaire:
Philippe Couannault, professeur d'Histoire, revient sur l'importance de sensibiliser les lycéens
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Après chaque drame, il est de bon ton de dire "plus jamais ça".
Mais qu’arrivera t-il la prochaine fois ? Alors que nous assistons à une explosion des images, à longueur de journée, sur tous les écrans, sur tous les sujets. Comment réagir aux "bonnes images" ? La question se pose pour le réalisateur Jean-Christophe Klotz :
Jean-Christophe Klotz explique l'abondance d'images aujourd'hui
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Ce sont ces questions qui ont poussé des enseignants du lycée Voltaire à organiser ce festival. Ils ont programmé le jeudi 2 février une autre soirée rencontre avec l’historien Jérôme Bourdon, sur l’emprise des images dans le conflit israélo-palestinien.
Le genre de sujet qui permet aux plus jeunes de se forger un esprit critique. Sandrine Leturcq est professeure-documentaliste au lycée Voltaire:
Sandrine Leturcq, professeure-documentaliste voudrait généraliser l'instruction de l'image
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Mais au delà du seul public lycéen, la question de la sensibilisation aux images se pose pour tous. Le festival Les Médiatiques accueillera donc toutes les personnes intéressées par le sujet.
Comme nous l‘explique François Robinet professeur d’histoire et à l’origine, avec d’autres enseignants, du festival:
François Robinet, professeur d'histoire
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> Le déclencheur du génocide rwandais a récemment été remis en question