Retour sur la personnalité d'Edward Snowden, mais aussi sur le rôle des lanceurs d’alerte et les questions de surveillance qu’il a soulevées, à travers sept émissions marquantes de France Culture.
En 2013, Edward Snowden, un informaticien américain, a contribué à révéler l’existence d’un système de surveillance de masse des communications électroniques et d’Internet par la NSA, puissante Agence nationale de sécurité américaine. Depuis, il vit en Russie, où son permis de séjour s’arrête en 2017. Comme le rappelle le décompte sur le site de la pétition lancée en septembre par trois ONG américaines - Amnesty International, l’American Civil Liberties Union (ACLU) et Human Rights Watch - qui réclament sa grâce. Aux États-Unis, poursuivi pour espionnage, Edward Snowden risque jusqu’à trente ans de prison.
Retour sur Edward Snowden, le rôle des lanceurs d’alerte et les questions de surveillance qu’il a soulevées, à travers sept émissions de France Culture.
La figure d’Edward Snowden
“Je ne suis ni un traître, ni un héros, je suis Américain”, déclarait Edward Snowden en 2013, alors réfugié à Hong Kong, dans une interview au South China Morning Post, le grand journal hongkongais anglophone. C’est au nom des valeurs de la Constitution américaine qu’il a toujours dit avoir livré à trois journalistes des documents confidentiels.
Vigie ou traître, Snowden n’est-il pas finalement l'un dissidents que l’Occident ne veut pas voir ? s’interrogeait le 24 mars 2016 Cultures Monde avec Snowden, Assange, Manning : les voix dissonantes de l’Occident, dans le cadre d'une série sur Les nouvelles dissidences.
“Je pense qu'il faut préserver le terme à ceux qui risquent leur peau sans pouvoir avoir recours à un avocat ou un juge. Mais ce qui est commun avec les dissidents chinois et soviétiques, c’est qu’ils font partie d’une même famille : ceux qui mettent en jeu leur vie individuelle parce qu'ils considèrent qu’un intérêt supérieur le justifie. C'est le trait-d'union entre cette communauté de résistants“, estime l’avocat de Snowden, William Bourdon.
En tout cas, Edward Snowden est devenu une figure, voire une star de la démocratie. Comme l’exploraient L es Nouvelles vagues le 10 décembre 2014 en compagnie de l’historien Antoine Lefébure, analyste des nouveaux médias, auteur de L’Affaire Snowden, comment les Etats-Unis espionnent le monde.
Il a sacrifié sa vie, mais assez tranquillement, c’est ce qui a fait de lui une vedette. En l’entendant, tout le monde s’est dit, "ce qu’il raconte est vrai, mais il va y laisser sa peau". C’est tellement impliquant pour les États-Unis qu’on ne va pas lui pardonner. Antoine Lefébure
Quels futurs ouvrent les révélations de Snowden ?
Snowden - et comme lui Julian Assange, de Wilikeaks, et Chelsea Manning - représentent et introduisent une crise dans notre manière de faire de la politique. C’est ce que défend le philosophe Geoffroy de Lagasnerie, auteur de L’art de la révolte (Fayard).
Des gens comme Snowden, Assange, Maning, nous alertent sur la manière dont on peut ne pas trahir les idéaux démocratique dans le moment où les Etats invoquent l’idée d’une guerre contre le terrorisme ou la sécurité nationale. Et sur la façon dont ce type de rhétorique va restreindre l’espace de la contestation, de la discussion, de la dissidence.
Il était l’invité des Nouveaux chemins de la connaissance le 23 janvier pour évoquer le rôle politique de ces lanceurs d'alerte.
Mon hypothèse c’est qu’au-delà des motifs de leur action, ils font quelque chose de singulier qui est d’inventer une nouvelle manière de se révolter, de faire de la politique, de comprendre ce qu’est un sujet politique. On peut être en désaccord avec les objets de leur lutte mais aussi observer leur manière d’être des sujets politiques, d’être intervenu et de mettre en crise notre manière de faire de la politique. Geoffroy de Lagasnerie
Dans le contexte qui nous arrive depuis les attentats en France, nous avons deux futurs devant nous. Soit on va répéter les erreurs qu’ils ont révélées, soit on peut prendre appui sur leurs révélations pour réinventer une autre manière de gérer cette question et le traumatisme qui nous arrive.
Tous fichés, tous suspects ?
En France, les attentats de 2015 et 2016 ont notamment débouché sur une série de dispositions qui ont accru les pouvoirs de surveillance de l’état, au nom de la lutte contre le terrorisme. Et c’est le débat autour de la loi renseignement qui a
cristallisé les inquiétudes et oppositions.
Le texte a entre autres renforcé les pouvoirs des services de renseignement.
Sans suffisamment de garanties des libertés a estimé Jean-Marie Delarue, a quitté son poste de président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, le gendarme des écoutes.
Comment garantir notre sécurité sans rogner sur nos libertés fondamentales ? c'est la question que lui posait La Grande table le 15 décembre dernier.
Marchands de surveillance
La surveillance des États s’articule voire s’appuie sur celle des entreprises privées. Chaque individu numérique distribue des informations susceptibles d’être retournées contre lui.
De Facebook à la NSA, tous fichés, tous suspects ? se demandait Du Grain à moudre le 29 octobre 2015 avec la député européenne Viviane Reding, ancienne commissaire européenne à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, l'écrivain et philosophe Eric Sadin et Alain Bensoussan, avocat spécialiste du droit numérique et des technologies avancées.
Un monde sous surveillance ?
Comment seront utilisées toutes les informations collectées sur nous et par qui ? Quelles formes de résistance se développent face à cette grande collecte ? Écoutez "Loi Renseignement, la grande collecte" un documentaire d’Arnaud Contreras et Guillaume Baldy qui ont plongé dans une appli de rencontres amoureuses, pour mieux voir ce qui nous attend.
Au sein d’un état de surveillance généralisée, sympathisants et opposants au régime s’espionnent dans une atmosphère de paranoïa permanente qui n’est pas sans créer de graves troubles des identités et des comportements. C'est ce qu'imagine " Sous contrôle", une fiction de Frédéric Sonntag.
A lire aussi, le portrait du premier lanceur d'alerte de l'histoire : Daniel Ellsberg, l'homme derrière l'affaire des Pentagon Papers.