Une loi pour préciser l'espionnage des données

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Une loi pour préciser l'espionnage des données

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Pour la plupart des députés de l'Assemblée Nationale, l'enjeu de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 réside d'abord dans les articles concernant la baisse des effectifs dans l'armée française. Mais une autre série d'articles agite les internautes.

Il s'agit des articles qui précisent le cadre dans lequel des agents des ministères de l'Intérieur, de la Défense et de l'Economie pourront accéder, dans le cadre d'enquêtes administratives, aux données d'un internaute conservées par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs. Il n'est pas question ici des enquêtes judiciaires, placées sous l'autorité du juge, mais des enquêtes administratives sous l'autorité du Premier ministre. L'article 13 de la LPM, issu d'un amendement sénatorial, étend mais encadre plus la géolocalisation en temps réel d'un individu, l'accès aux fadettes (numéros des interlocuteurs, date et durée d'appel) et aux contenus des communications.

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Espionnage des données
Espionnage des données
© Fotolia - alphaspirit

Ce projet de loi a été accompagné par une fronde de l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) qui regroupe les acteurs de l’internet communautaire (Google, Dailymotion…).

L'association a dénoncé dans un communiqué un texte qui "veut étendre les régimes d’exceptions et ainsi offrir aux agents du ministère du Budget un accès en temps réel aux données Internet" * et demande "un moratoire sur toute adoption de nouveaux pouvoirs d’accès aux données d’internautes qui ne seraient soumis à aucun contrôle ou autorisation d’un juge".*

La loi ne porte que sur les enquêtes administratives, et pas judiciaires. Il s'agit des enquêtes menées par les services de renseignement (DCRI, DGSE) et les services spécialisés du ministère de la Défense, de l'Economie et des Finances (Douanes).

**"Ce n'est pas la NSA qui arrive en France" **
Aux critiques, les parlementaires ont répondu en mettant en avant le contrôle strict autour de ces nouvelles possibilités d'accès aux données personnelles. Plutôt que de prolonger tous les deux ans la loi d'exception de 2006 sur l'antiterrorisme, les sénateurs ont décidé de n'en garder que les aspects les plus efficaces pour les insérer dans la loi de 1991 relative au secret des correspondances concernant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, la prévention du terrorisme, de la criminalité et la délinquance organisées.

Pour se procurer les fadettes (journal des appels et messages d'un utilisateur) dans le cadre d'une enquête administrative, les agents des ministères de l'Intérieur, de la Défense et de l'Economie, il faudra désormais qu'une demande écrite soit faite par le ministre à Matignon.

Aujourd'hui, les demandes sont faites au ministère de l'Intérieur. Une situation imparfaite et critiquable, puisque le ministère se retrouve souvent à devoir statuer sur des demandes d'interception, émise par ses propres agents.

Il en va de même pour la géolocalisation. Le projet de loi prévoit d'autoriser la localisation en temps réel d'un individu. Jusque là, les agents ne pouvaient reconstituer qu'a posteriori le parcours de l'individu. Les sénateurs en ont profité pour étendre cette géolocalisation en temps réel à la criminalité et la délinquance organisées, en plus de la lutte antiterroriste.

En échange, les sénateurs ont placé la géolocalisation sous le régime juridique strict des interceptions de sécurité (écoutes téléphoniques). Là encore, une demande écrite doit être faite par le ministre de tutelle des agents concernés au Premier ministre. Après avis de la Commission Nationale de Contrôle des Interceptions de Sécurité (CNCIS), si l'autorisation est accordée, la géolocalisation peut avoir lieu pour une durée renouvelable de dix jours.

Autant de "garanties" sérieuses selon Jean-Pierre Sueur, sénateur socialiste du Loiret et président de la commission des lois du Sénat :

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3 min

**Où est la CNIL ? **
Il faut préciser que l'idée de placer la géolocalisation en temps réel sous le même régime que les interceptions de sécurité n'existait pas dans la mouture initiale de l'article 13, introduit par un amendement sénatorial.

C'est suite à l'audition de la CNIL par la commission des lois, et de la défense du sénat que les agents de la haute autorité administrative ont alerté les parlementaires.

Mais la CNIL déplore de ne pas avoir été saisie pour avis sur l'article 13. Elle ne l'a été que sur les articles 8 à 12.

Hervé Machi, directeur des affaires juridiques de la CNIL réagissait sur notre antenne dès mardi soir :

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5 min

Depuis mardi 26 novembre, les députés examinent le projet de loi voté au Sénat, avec la possibilité de l'amender ou de valider le texte.