Virgile, précurseur du retour à la terre

Virgile, le poète latin auteur des "Géorgiques"
Virgile, le poète latin auteur des "Géorgiques"

Virgile, précurseur du "retour à la terre"

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Virgile, précurseur du retour à la terre

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De plus en plus de diplômés sont séduits par l'idée de quitter la ville et un job aliénant pour s'installer à la campagne. Pourtant, il y a 2 000 ans, Virgile chantait déjà les bienfaits du "retour à la terre". Le poète alertait déjà sur la fragilité du vivant et sur les catastrophes naturelles.

Vous pensiez que le thème du "retour à la terre" était une mode récente ? En réalité, elle était déjà évoquée par Virgile il y a 2 000 ans. Le poète latin a rédigé un traité fondateur sur l’agriculture, Les Géorgiques.

Frédéric Boyer, traducteur de Virgile : "Dans Les Géorgiques, Virgile chante d’une certaine façon le retour à la terre. Ce qui est beau, c’est qu’il y a peut-être, dans la pensée virgilienne l’éclosion d’un sentiment propre à la nature qui va s’intensifier ensuite et qui est neuf quand même. C’est ce sentiment de la fragilité de notre condition de vivants."

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Virgile naît vers -70 avant J.-C. dans une famille de propriétaires terriens, près de Mantoue. Il suit des études de droit, de lettres, de sciences et de philosophie grecque. Il est témoin de la mort de la République et du début des guerres civiles. Beaucoup de paysans désertent alors les champs pour s’enrôler dans l’armée. D’autres voient leurs terres confisquées au profit des légionnaires vétérans.

Frédéric Boyer : "Virgile lui-même subira les conséquences de ces guerres civiles puisqu’il sera chassé de ses terres paternelles. Il trouvera refuge dans la région de Naples où il sera protégé par Mécène, ce riche bourgeois proche du pouvoir. Il va très vite devenir un auteur célèbre. Ses Bucoliques seront chantées et récitées dans tous les théâtres d’Italie."

Dans Les Bucoliques, Virgile reprend les thèmes de la poésie pastorale grecque, il peint la vie champêtre et le quotidien des bergers en harmonie avec la nature. Il entame Les Géorgiques, un autre ouvrage sur la nature, sur une commande de Mécène. Le pouvoir veut encourager les anciens soldats à revenir travailler dans les champs.
 

Frédéric Boyer : "Dans toute l’Antiquité, il y a un genre, le genre des Géorgiques, le grand poème didactique, pédagogique, scientifique, qui donne à tous les connaissances pour cultiver un jardin, labourer des terres, élever des chevaux."

Trop heureux les paysans, s’ils connaissaient leur bonheur.

Virgile, Les Géorgiques

Frédéric Boyer : "Il prend une attention particulière à décrire les paysages, les soins à donner. L’art de Virgile est souvent dans des détails qui nous touchent aujourd’hui. Quand il décrit la petite fourmi qui ramène ses œufs tous les soirs, par la même petite route perdue, l’observation qu’il fait des abeilles. Il décrit aussi ce qui est assez proche de notre sensibilité, et qui est très troublant, c’est sa description des catastrophes naturelles. Il décrit des tsunamis quand il décrit les mers recouvrir les terres, les orages fracasser, détruire les cultures, les maisons et les troupeaux. "

Virgile met sept ans à rédiger cet ouvrage, qui devient un classique enseigné aux jeunes Romains. Il se retire à la fin de sa vie dans sa villa à Naples où il fait son "otium".

Frédéric Boyer : "L’otium, c’était ce temps où on ne s’occupait pas des affaires commerciales, des affaires politiques et encore moins des affaires de guerre mais qu’on se retirait dans la nature pour étudier, lire contempler, être dans une sorte de désœuvrement, propice à la contemplation et la communion avec le monde naturel."

Les Géorgiques vont influencer de nombreux auteurs des siècles qui suivent. On retrouve le fantasme du retour à la terre sous différentes formes. D’abord avec le mythe de l’âge d’or, période d’insouciance et d’abondance pour l’humanité, l’utopie de l’Arcadie, région sauvage et luxuriante, résidence du dieu Pan. C’est aussi le jardin d’Eden, et le paradis originel développé par le christianisme au Moyen Age. C’est encore le mythe du bon sauvage et le retour à l’état de nature des Lumières. Dans les années 1960, le mouvement hippie prône une retraite spirituelle, loin de la modernité. Aujourd’hui, ce sont les néo-ruraux qui quittent les villes pour la campagne.

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Répliques
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