Vision de l'art, ouverture au jeune public : Laurence des Cars, première femme à la tête du Louvre

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Vision de l'art, ouverture au jeune public : Laurence des Cars, première femme à la tête du Louvre

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Laurence des Cars, le 3 décembre 2020, au musée d'Orsay.
Laurence des Cars, le 3 décembre 2020, au musée d'Orsay.
© Maxppp - Olivier Corsan / Le Parisien

Deuxième femme à diriger le musée d'Orsay, Laurence des Cars va prendre à 55 ans les rênes du plus grand musée du monde. L'historienne de l'art, spécialiste du XIXe siècle, s'est distinguée pour son dynamisme et son engagement à ouvrir les collections à tous les publics et notamment aux jeunes.

A partir du 1er septembre 2021, Laurence des Cars sera la première femme présidente-directrice du musée du Louvre, depuis sa création en 1793

En annonçant officiellement sa nomination par le chef de l'État Emmanuel Macron, le ministère de la Culture salue son travail depuis 2017 en tant que présidente du musée d'Orsay qu'"elle a profondément renouvelé et dynamisé, autour d’une programmation d’expositions, de spectacles vivants et une nouvelle approche des œuvres, ouvertes à tous les publics et aux artistes d’aujourd’hui. Sa mission sera de réaffirmer la vocation universelle du Louvre, en faisant du dialogue entre l’art ancien et le monde contemporain l’une de ses priorités, avec le souci constant de la transmission au plus grand nombre. Il lui est demandé, à cet égard, "de placer la jeunesse, particulièrement éprouvée par la crise, au centre de la politique de l’établissement". 

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Fille du journaliste et écrivain Jean des Cars, petite-fille du romancier Guy des Cars, Laurence des Cars se veut une directrice de son temps, se mobilisant pour un accès plus large des jeunes au musée, pour les restitutions d'œuvres spoliées par les nazis ou encore pour des expositions en lien avec des débats d'actualité.

Son projet baptisé Louvre 2030 et soumis à l'Élysée, a-t-elle expliqué sur France Inter, "réfléchit à la manière dont le Louvre peut être pleinement contemporain. Le musée peut s’ouvrir au monde d’aujourd’hui tout en nous parlant du passé, en donnant une pertinence au présent par l’éclat du passé. Il a beaucoup à dire à la jeunesse. C'est une chambre d'écho de la société".

Laurence des Cars, aux manettes de la réussite du Louvre Abu Dhabi, et critiquée à l'époque de sa direction à l’Agence France-Muséums, a une carrière éminemment diplomatique et internationale : Sarah Hugounenq, journaliste au Quotidien de l’Art.

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Le musée d'Orsay et les clés de son ascension

Laurence des Cars a gravi les échelons en faisant ses premières armes au musée d'Orsay, en 1994, comme conservatrice en peinture, à l'issue de ses études d'histoire de l'art - à l'université Paris IV-Sorbonne et à l'École du Louvre - et après avoir intégré l'Institut national du patrimoine. Orsay déjà marqué par l'empreinte de celle qui dirigea le musée de sa fondation jusqu'en 1994 justement : Françoise Cachin. Dans un entretien en mars dernier, sur le site du ministère de la Culture, Laurence des Cars affirme que les treize années à ce poste lui ont permis de bâtir un projet : ces "premières années sont celles où j’ai construit intellectuellement et professionnellement une vision ouverte et complète de mon métier dans l’approfondissement d’un champ scientifique, le goût du travail en équipe et une première compréhension des enjeux internationaux du monde muséal".

Durant cette période, Laurence des Cars est commissaire de plusieurs expositions en collaboration avec des musées internationaux, comme le Metropolitan Museum of Art, la Royal Academy of Art de Londres ou le musée Thyssen à Madrid.  

Nommée directrice scientifique de l’Agence France-Muséums en juillet 2007, opérateur français chargé du développement du Louvre Abu Dhabi (qui a ouvert en 2017), elle y reste jusqu'en 2011, avant d'être promue dans le corps des conservateurs généraux du patrimoine.

Son parcours prend un nouveau tournant lorsqu’elle est nommée en 2014 directrice du musée de l’Orangerie, puis en 2017 du musée d’Orsay, cumulant les deux. Laurence des Cars affirme s'être efforcée d’ouvrir l’Orangerie "à des voix multiples pour mieux susciter sa découverte ou sa redécouverte", et depuis quatre ans, en tant que présidente d’Orsay et de l’Orangerie, "dans une vision plus complète de ces deux magnifiques musées, avec leurs équipes, de déployer une programmation, des projets et des travaux qui visent à donner des clés d’accès aux collections à l’histoire de l’art et des idées à tous les publics".

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Le musée d'Orsay : un laboratoire de réinvention pour attirer les jeunes générations

Laurence des Cars a fait ses preuves au musée d’Orsay et à plusieurs titres. Sous son mandat, en quatre ans, avec un niveau d’auto-financement de 64%, le nombre de visiteurs n’a cessé de croître, jusqu’à 3,7 millions de visiteurs, en 2019, grâce notamment à l'exposition événement Le modèle noir de Géricault à Matisse, avant que la crise du Covid-19 paralyse l’ensemble des lieux culturels.  

Pour Sarah Hugounenq, spécialiste de la gestion des musées et journaliste au Quotidien de l'Art, Laurence des Cars a fait entrer Orsay, dans la modernité :

Sa problématique est vraiment de faire entrer le musée dans des questions sociétales, de le faire intervenir dans les préoccupations contemporaines et pas seulement comme un temple de l'art, comme il était conçu auparavant.

Malgré la pandémie, Laurence des Cars s'est montrée encore dynamique. Avec le lancement du chantier Orsay Grand Ouvert, elle cherche à pousser les murs du musée, en profitant, il faut le préciser, d’un don de 20 millions d’euros d’un mécène américain qui a gardé l’anonymat. 

Ce vaste projet vise à obtenir davantage d’espaces d'expositions et disposer d’un centre éducatif de 650 mètres carrés et d’un centre de recherches et de ressources dont l’inauguration est prévue en 2024, dans l'Hôtel Mailly-Nesle rénové, l'ancien siège de la Documentation française, sur le Quai Voltaire, tout proche du musée. Et son objectif clairement affiché est de rendre Orsay plus accessible aux jeunes générations.  

Ce centre de recherches sera ouvert aux chercheurs mais aussi aux étudiants du monde entier. Quant au centre éducatif destiné au jeune public, au quatrième étage de l’établissement public, il sera dédié à l'apprentissage, aux pratiques artistiques et au partage des connaissances, pour les scolaires comme pour les familles et les associations. 

Avec des outils de médiation innovants, dans ce projet multidimensionnel, Laurence des Cars a bien souligné, au début des travaux en avril dernier, qu'elle entend moderniser la transmission du patrimoine passé : 

Pour un adolescent d'aujourd'hui, Monet, c'est aussi vieux que Rembrandt. Pourtant, Monet a quelque chose à lui dire. Encore faut-il lui tendre la main. La question pour les musées est de prouver aux nouvelles générations qu'ils sont des lieux de cohésion sociale.

Laurence des Cars expose également sa vision du musée dont la programmation doit, selon elle, aussi être ancrée "au sein des grands enjeux de société, en attirant ainsi les nouvelles générations". Dans un monde qui peut chahuter, rejeter le musée", elle veut s’adresser aux visiteurs de tous les âges et de toutes les origines socioculturelles.

Et c'est sous son impulsion que le ministère de la Culture a lancé la procédure de restitution du tableau de Gustav Klimt, Rosiers sous les arbres, conservé au musée d'Orsay, aux ayants droit de Nora Stiasny, qui en avait été spoliée à Vienne en août 1938 par les Nazis. Pour Laurence des Cars : 

Un grand musée se doit de regarder en face l'histoire, y compris en se retournant sur l'histoire même de nos institutions.

Le Louvre : la jeunesse au centre de ses préoccupations

Après deux mandats à la tête du Louvre, le bilan de Jean-Luc Martinez sera un important point d'appui, avec plus de 10 millions de visiteurs, dont 71% d'étrangers en 2019, la création de nocturnes et d'une petite galerie pour les familles. Invitée de France Inter ce mercredi matin, Laurence des Cars s'est exprimée sur ses priorités : 

Nous avons besoin de temps long, nous avons besoin de perspective, nous sortons d’une crise déstabilisante, nous vivons dans une époque passionnante mais compliquée… Nous sommes tous un peu en perte de repères, je pense que le Louvre a beaucoup de choses à dire à la jeunesse aussi, qui va être au centre de mes préoccupations en tant que présidente du Louvre.

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Laurence des Cars est-elle une bonne gestionnaire ? Difficile de répondre à cette question, malgré un bilan positif, après quatre ans à Orsay dont plus d'un an de crise sanitaire, pour la journaliste du Quotidien de l'Art, Sarah Hugounenq : 

On voit chaque année le ministère de la culture se désengager en termes de subventions publiques et obliger les grands établissements à avoir un rayonnement et une forte visibilité et dans le même temps aussi à financer globalement leurs activités. 50% d’autofinancement est aujourd’hui le minimum pour tout président d’établissement. La gestionnaire que va être Laurence des Cars se révèlera véritablement au musée du Louvre, qui est un paquebot bien plus important et qui a une histoire un petit peu plus longue et des expériences plus abouties en matière d’autofinancement.

Pour rendre le Louvre plus accessible, Laurence des Cars réfléchit déjà à en modifier les horaires d'ouverture, plus tard dans la journée, pour permettre aux jeunes actifs de s'y rendre plus facilement. Elle envisage aussi de revoir ce qui reviendra à la pré-réservation obligatoire et à la libre fréquentation, après la grande baisse du nombre de visiteurs et donc aussi des recettes, en raison de la crise sanitaire.

Et dans le sillage de ce qu'elle a entrepris au musée d'Orsay, elle veut faire du Louvre un lieu de conservation, mais surtout un lieu de transmission, en étant attentif à ce qui se passe à l'extérieur, en posant le musée au cœur de la société : 

C'est à nous de casser la distance, la barrière, d’imaginer des programmes, des expositions, d’inviter aussi des voix, celles des scientifiques, des grands savants qui font les équipes du Louvre. Il faut que nous partagions notre connaissance, notre expertise, avec les autres, et que nous donnions aussi la parole à d’autres sensibilités : historiens, créateurs… Le Louvre est la maison de tous les arts et de tous les artistes.

La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, confirme que Laurence des Cars "aura à écrire une nouvelle page de l'histoire du plus grand musée du monde. Le Louvre doit se réinventer dans le monde de l'après-crise, devenir plus encore qu'aujourd'hui, un lieu de contemplation et de réflexion ouvert à tous". 

"Ce qui se passe au Louvre est extrêmement suivi dans le monde entier", précise pour sa part l'Elysée_. "Dans un moment de crise mondiale, où les pertes s'annoncent drastiques pour le tourisme, il fallait un changement de modèle pour le Louvre ainsi qu'une ouverture plus large aux grands débats qui traversent la société"_, ajoute la présidence de la République, tout en rendant hommage au bilan de Jean-Luc Martinez, président directeur depuis 2013. "Les publics ont été renouvelés, rajeunis - il n'y a pas que les bons chiffres de la fréquentation - et Jean-Luc Martinez a su porter le Louvre-Lens, le Louvre Abu Dhabi et l'ouverture d'un centre de conservation des œuvres à Liévin... Mais une crise peut être une opportunité pour le changement ou pour maintenir l'existant. Emmanuel Macron a choisi la première solution."

A trois mois de sa prise de fonction, la première femme à diriger le Louvre, Laurence des Cars, annonce que sa première mesure sera la création d'un neuvième département, qui sera consacré à Byzance et aux chrétiens d'Orient.