Voyagez dans une Russie sans clichés avec “Il était une fois dans l’Est”, drame délicat sans terreur ni fracas

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Voyagez dans une Russie sans clichés avec “Il était une fois dans l’Est”, drame délicat sans terreur ni fracas

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"Il était une fois dans l'est" de Larissa Sadilova
"Il était une fois dans l'est" de Larissa Sadilova
- Jour2fête

Culture Maison. Le 11 juin prochain sort en VOD le neuvième long-métrage de la réalisatrice Larissa Sadilova, une romance adultère hautement recommandée par Lucile Commeaux, productrice déléguée à La Dispute.

Ne vous fiez pas au titre, ni à la référence qu’il retourne, ni à sa grandiloquence. Il était une fois dans l’Est est un film modeste dont toute la saveur tient à la finesse et à la douceur de ce qu’il représente. Deux couples de quarantenaires voisinent apparemment en paix à Trubchevsk, une petite ville paisible au coeur de la grande Russie. La femme de l’un est amoureuse du mari de l’autre, et le couple illégitime vit un adultère tranquille à la faveur de déplacements professionnels - lui est routier, elle vend ses tricots à des enseignes citadines. L’amour passe doucement dans des restaurants de route, sur une couche à l’arrière du camion : ces deux-là se connaissent à fond, rient et écoutent la radio, avant de retrouver plus tard - sans heurt ni rongeante culpabilité - épouse, époux et enfants. Mais un soir de Nouvel An, s’insinue l’idée de tout dévoiler pour vivre une relation en plein jour. 

La vodka et le lait 

Le film surprend le spectateur occidental abonné à l’intensité et la violence de la fameuse “âme russe”. Ici, point de vodka, point de cris, peu de larmes : le récit se construit sur une étroite ligne de crête sans que jamais le drame n’éclate. Larissa Sadilova explique tourner au fil de l’eau, et la trame narrative semble se tricoter, à l’image des réalisations de la protagoniste, dans un présent simple qui permet aux émotions et aux affects des quatre personnages de s’épanouir comme naturellement, dans une douceur contenue et rare. 

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Lorsque la femme de l’époux volage finit par découvrir, en faisant le lit de son mari à l’arrière du camion, le tricot de sa maîtresse, la caméra reste en retrait et filme sans appuyer son profil perplexe, puis ses mains qui enroulent l’écharpe et la replacent délicatement sous le matelas. Plus tard ses larmes seront étouffées, leur confrontation courte et presque tendre. A l’inverse, aucune scène de sexe ne documente la relation adultère, mais on comprend la passion qui agite Anna et son amant lors d’une saisissante scène de petit-déjeuner : elle lui sert du lait qu’il boit avec avidité, tandis qu’elle se met à danser lascivement, en chemise de nuit, sur une musique traditionnelle diffusée à la radio. Nul besoin de corps nus, nul besoin des soupirs, l’intimité se diffuse dans la lumière rousse de ce matin d’été, dans le lait sur la lèvre, et le rose des pommettes.

Des visages aimés dans une ville aimée 

Les acteurs qui occupent cet espace délicat - un entre-deux permanent, qui serait ennuyeux sans le talent - lui garantissent des contours très singuliers. Larissa Sadilova a décidé de placer ses personnages dans une ville qu’elle connaît bien, une ville dont elle fait opportunément jouer les habitants dans des rôles secondaires, habilement croqués en quelques images. Un choix qui s’incarne dans une scène centrale, lorsqu’au milieu du film Anna et son amant louent un petit corps de ferme en bord de route à une très vieille femme qui leur raconte avec volubilité ce que la maison a vécu, la pauvreté de son enfance, la faim l’hiver, les soldats de la seconde guerre et les Allemands qui apportent quelques provisions. Le film prend le temps de la représentation de cette ville moyenne, qui oublie tranquillement la violence dont elle a été témoin des dizaines d’années plus tôt, de la même manière que l’adultère écorche sans achever, étouffé sous la neige de l’hiver rigoureux ou sous la chaleur écrasante de l’été. Dans ces décors dont on sent à quel point ils sont aimés et connus, la comédienne Kristina Schneider fait figure d’apparition, son visage rond et la lueur de ses yeux accrochent le spectateur qui en tombe instantanément amoureux. Mention également à Youri Kiselev, interprète du mari déçu, dont l’expérience sur les scènes russes donne à ce quatuor amoureux une subtile dimension théâtrale. 

Lorsque le film s’achève dans une longue séquence de fête nationale, au milieu des tables de banquets, entre les clairons des fanfares amateures et le pépiement de jeunes filles nattées, on se prend à réaliser dans les échanges de regards que peut-être rien n’est grave, mais que quelque chose de fondamental est advenu, à l’Est : un déplacement en douceur. 

  • Il était une fois dans l'est de Larissa Sadilova, avec Egor Barinov, Yury Kisilyov, Valentina Kozova...  disponible en VOD à partir du 11 juin
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