Wounded Knee : 130 ans après, la vérité sur le massacre des Amérindiens ?
Par Elsa MourguesÀ Wounded Knee en 1890, 300 hommes, femmes et enfants sioux ont été massacrés par des soldats américains. Aujourd'hui encore la responsabilité de ce drame n'est pas officiellement admise, ce qui place Wounded Knee au cœur de la lutte des Amérindiens.
Le 29 décembre 1890, 300 Sioux dont la moitié de femmes et d’enfants sont massacrés. Depuis 130 ans, deux versions de l’histoire s’affrontent : l'officielle, celle des soldats américains et celle des Sioux. De récentes découvertes remettent en cause la version officielle et placent ce massacre au cœur du combat des Amérindiens. L’archéologue et historien Laurent Olivier a enquêté sur les archives de ce drame et en a fait un livre Ce qui est arrivé à Wounded Knee. L'enquête inédite sur le dernier massacre des Indiens (Flammarion, mai 2021).
Deux versions qui s'opposent
En 1890, alors que les guerres indiennes sont terminées depuis 15 ans, les Indiens sont parqués dans des réserves. L’armée américaine cherche à affaiblir "la danse des esprits", un mouvement messianique qui pourrait fédérer les tribus indiennes.
À Wounded Knee, dans le Dakota du Sud, la septième cavalerie procède au désarmement des Sioux Lakotas. Officiellement, les Lakotas attaquent les soldats. 300 Indiens dont la moitié de femmes, d’enfants et de vieillards sont tués à coups de fusils et de canons, et 26 soldats sont morts.
Il y a deux versions qui s’opposent. L’armée américaine pour expliquer pourquoi il y avait eu tant de morts a dit : "Nous on a été surpris, les Indiens cachaient des armes sous leurs couvertures et au moment où on les a désarmés, visiblement, ils s’étaient donné le mot, ils ont sorti leurs armes de sous les couvertures, ils nous ont tiré dessus et on a bien été obligés de répliquer." Et la version des survivants Lakotas, complètement différente, est de dire : "On était assis en cercle en leur tournant le dos, on avait leurs fusils dans le dos à quelques centimètres, un coup de feu est parti accidentellement et il y a eu une fusillade massive des Américains, ils ont tirés les uns sur les autres et ensuite, il y a eu un mouvement de panique dans le campement, les femmes et les enfants ont essayé de s’enfuir et l’armée a tiré au canon sur eux." Laurent Olivier, archéologue et historien

De part la profusion de témoins, nombre de photos, récits, témoignages et articles documentent ce massacre. Fait d’exception, l’armée avait mené une enquête interne pour établir les circonstances de la mort de 26 de ses hommes.
En comparant les archives et les témoignages, Laurent Olivier remet en question la version officielle :
Il y a beaucoup d’anomalies dans la version de l’armée qui n’ont pas été relevées par les enquêteurs eux-mêmes. La première anomalie c’est qu’on a interrogé que les officiers supérieurs, on n’a pas interrogé les hommes du rang, c’est-à-dire ceux qui ont tiré sur les Indiens.(...) Et puis il y a aussi des incohérences, quelques officiers supérieurs ont avoué que des Indiens avaient été tués hors du "champ de bataille". Ce qui montre que les femmes et les enfants ont été pourchassés alors qu’ils essayaient de s’enfuir. Ce n’est pas une opération militaire, on ne réduit pas à néant des ennemis qui vous tirent dessus, on pourchasse et on extermine une population civile qui tente de s’enfuir.

Des soldats érigés en héros
Jusqu'au début du XX siècle, l’idée que les Indiens sont responsables prédomine. Wounded Knee est érigée en gloire de l’armée, 20 soldats reçoivent une médaille d’honneur, un prestige exceptionnel.
À partir des années 1960, à la faveur d’une volonté de reconnaissance des Amérindiens, le gouvernement américain temporise et parle plutôt "d’incident regrettable".
En réalité, on voit que ce n’est pas du tout ça qui s’est passé, ça prend place dans un contexte beaucoup plus large dans lequel on prépare depuis l’arrivée des Américains sur le sol américain, l’exclusion et la ségrégation des populations autochtones pour s’emparer de leurs territoires. Laurent Olivier, archéologue et historien
Une lutte toujours d'actualité
En 1973, Wounded Knee est occupé par des militants Sioux de l’AIM (l'American Indian Movement) qui demandent la réouverture des négociations sur leur statut.
Assiégés pendant 71 jours, les Amérindiens finissent par se rendre et parviennent à échapper à la police, et Wounded Knee devient une place forte de la lutte pour la reconnaissance des droits des Amérindiens.
Aujourd’hui encore, les Amérindiens réclament que les médailles soient retirées et que la lumière soit faite sur ce qu’il s’est réellement passé.

Des archéologues demandent à ce que des fouilles soient menées pour établir définitivement la responsabilité du massacre de Wounded Knee.
En arrivant au pouvoir, Joe Biden a nommé pour la première fois une native américaine à un poste de ministre : Deb Haaland. Une nomination porteuse d’espoir pour les communautés amérindiennes.
À lire :
Ce qui est arrivé à Wounded Knee. L'enquête inédite sur le dernier massacre des Indiens
de Laurent Olivier (Flammarion, mai 2021)