
Y a-t-il des philosophies plus utiles que d’autres, ou bien, des manières plus ou moins utiles de pratiquer la philosophie ? De l'utilité sociale de la philosophie.
Dans la relation négative des philosophies entre elles, le reproche d’inutilité ("ceci est vain, oiseux, stérile…") a toujours été l’un des premiers, avec ceux d’obscurité et d’inintelligibilité, ou au contraire de simplification et de trivialité. D’où vient alors que la question de l’utilité attachée à une entreprise philosophique apparaisse aujourd’hui si embarrassante ou même incongrue ? Au-delà du fait obvie qu’aucune pratique de la philosophie ne peut manquer de revendiquer une forme d’utilité, la reconnaissance des équivoques de la notion a sans doute eu ici sa part, de même qu’une conscience aiguisée de la relativité des normes. Et tout autant, le culte contemporain de l’inédit et de l’imprévisible, ou, à l’inverse, la permanence ou restauration de scolastiques, autrement dit de pratiques philosophiques "normales", au sein desquelles la question de l’utile ne se pose plus que de manière très étroite ou très convenue. Mais aussi, ce sont la définition et jusqu’à la réalité d’une utilité sociale de la philosophie qui n’ont cessé de perdre en évidence à mesure que les systèmes d’emprise caractéristiques des sociétés contemporaines révélaient leur puissance et leur complexité. S’agit-il donc là d’une question elle-même vaine ou désespérée ? Au contraire, sa nécessité reste entière. Mais il reste à chercher pour elle les divisions et les gradations pertinentes.
Y a-t-il des philosophies plus utiles que d’autres ?
1h 26
Une conférence enregistrée en décembre 2019, dans le cadre des "Lundis de la philosophie".
Denis Kambouchner, professeur d’histoire de la philosophie moderne, Université Panthéon-Sorbonne.