« 22% des images finalistes du World Press Photo ont été disqualifiées pour retouche »
Le site Our Age Is Thirteen (OAI13) et France Inter s'associent pour vous proposer une réflexion sur la retouche photo dans le domaine de la presse. Lars Boering, directeur du World Press Photo, revient sur ce qu'il considère être acceptable dans un concours de photo de presse. L'interview a été réalisée par OAI13, qui propose cette semaine un grand dossier à ce thème " Débats croisés sur la modification de l'image de presse".
Deux semaines après la nomination des lauréats du [World Press Photo](Deux semaines après la nomination des lauréats du WPP, le maire de Charleroi attaquait l'institution afin de révoquer le sujet récompensé The Dark Heart of Europe de Giovanni Troilo, accusé de manipulation et de désinformation. Cette affaire provoque un violent débat dans la profession. Le sujet de Giovanni Troilo, personnel et esthétique, méritait-il un WPP ? Le sujet était-il manipulé ? Dans quelle mesure l'opinion personnelle du photographe est-elle tolérable dans un sujet photo ? Ce travail était-il publiable en presse ? Face à ces nombreuses questions, le World Press Photo n'aura jamais vraiment tranché. Alors suite au Awards Days, journées de débat autour du prix, OAI13 a décidé de réouvrir le débat en interrogeant les professionnels du métier sur ces questions de visions personnelles dans le photojournalisme. Nous commençons ci-dessous par les propos du directeur du World Press Photo : Lars Boering. Il évoque les défis qui lui sont posés cette année et le potentiel positionnement du WPP dans le photojournalisme et la presse. Cette année, le jury a déclaré vouloir montrer que le photojournalisme pouvait être autre chose que de la photo de guerre. Selon vous, d'où vient cette idée que le photojournalisme serait forcément de la photo de guerre ? Je réponds à cette interview de mon bureau. Je regarde le mur en face de moi sur lequel est exposé les photos gagnantes du World Press et il se trouve que beaucoup d'entre elles sont des images de guerre. Pour le grand public, notre concours est très lié à la photographie de guerre. Je ne dis pas que c'est vrai car nous avons aussi récompensé des photos qui ne parlaient pas de guerre. Le jury a déclaré cela afin d'expliquer pourquoi, cette année, ils étaient à la recherche d'autre chose. WPP a pour ambition de devenir un think tank pour le photojournalisme. Quelles sont les problématiques que vous souhaitez aborder ? Dans certaines interviews, on m'a posé des questions comme ) (WPP), un concours annuel de photographie de presse mondialement reconnu, le maire de Charleroi attaquait l'institution afin de révoquer le sujet récompensé The Dark Heart of Europe de Giovanni Troilo, accusé de manipulation et de désinformation. Cette affaire provoque un violent débat dans la profession. Le sujet de Giovanni Troilo, personnel et esthétique, méritait-il un World Press Photo ? Le sujet était-il manipulé ? Dans quelle mesure l'opinion personnelle du photographe est-elle tolérable dans un sujet photo ? Ce travail était-il publiable en presse ?
Face à ces nombreuses questions, le World Press Photo n'aura jamais vraiment tranché. Alors suite au Awards Days, journées de débat autour du prix, le site spécialisée en photographie Our age is Thirteen ( OAI13) a décidé de réouvrir le débat en interrogeant les professionnels du métier sur ces questions de visions personnelles dans le photojournalisme. Nous commençons ci-dessous par les propos du directeur du World Press Photo : Lars Boering . Il évoque les défis qui lui sont posés cette année et le potentiel positionnement du WPP dans le photojournalisme et la presse. « OAI13 : Cette année, le jury a déclaré vouloir montrer que le photojournalisme pouvait être autre chose que de la photo de guerre. Selon vous, d'où vient cette idée que le photojournalisme serait forcément de la photo de guerre ?
Je réponds à cette interview de mon bureau. Je regarde le mur en face de moi sur lequel est exposé les photos gagnantes du World Press et il se trouve que beaucoup d'entre elles sont des images de guerre. Pour le grand public, notre concours est très lié à la photographie de guerre. Je ne dis pas que c'est vrai car nous avons aussi récompensé des photos qui ne parlaient pas de guerre. Le jury a déclaré cela afin d'expliquer pourquoi, cette année, ils étaient à la recherche d'autre chose.
World Press Photo a pour ambition de devenir un think tank pour le photojournalisme. Quelles sont les problématiques que vous souhaitez aborder ?
Dans certaines interviews, on m'a posé des questions comme "qu'est-ce que la presse aujourd'hui ? ". Dans cette question, il y a "qu'est-ce qui a changé dans la presse ? ", "quelles sont les différentes catégorie de presse ", "qu'est-ce que la photographie de news ? ". Je pense que notre think tank doit réfléchir aux changements qui s'opèrent dans l'industrie des médias.
On doit parler éthique, manipulation et technique. Ces questions, nous avons déjà commencé à les soulever, mais il faut les aborder en profondeur. Je sais que les opinions s'expriment largement. Il faut ouvrir un débat professionnel et trouver un terrain d'entente.
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Est-ce pour cela que vous avez décidé de publier le chiffre de 22% d'images disqualifiées pour retouche dans votre communiqué de presse ?
Cette année 22% des images finalistes ont été disqualifiées pour retouche.
Le public attend de nous que l'on fasse respecter les règles. Nous avons été salués pour cette rigueur. Mais ce débat sur la retouche a été un peu éclipsé par l'affaire Troilo. C'est dommage. Ce chiffre de 22% a pourtant ouvert les yeux de la profession. C'est un nombre très élevé et il est important de le noter. Dans le photojournalisme, il faut se plier aux règles. Et la règle principale est qu'il ne faut pas manipuler l'image. On peut ensuite débattre sur le positionnement du photographe, là où il se trouvait sur le terrain, le média où sa photo sera diffusée. Mais il n'en reste pas moins que nous n'acceptons pas la manipulation.
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Et dans la photographie documentaire ?
Ça dépend. Je sais que la photographie documentaire est un domaine où les professionnels autorisent beaucoup de choses. Ce style photographique fait partie du World Press depuis maintenant 15 ans.
En ce qui nous concerne, les règles pour la photographie documentaire sont les mêmes qu'en photojournalisme : il ne faut pas manipuler l'image.
Est-ce que ça va changer ?
Ça dépend de ce que l'on va entendre de la profession, de ce que pensent les leaders de cette industrie. Je ne dis pas que les règles ne vont pas changer, mais on doit effectivement discuter de cette problématique. Si on définit que notre concours défend le photojournalisme, alors c'est clair que les règles ne changeront pas. Le photojournalisme se trouve au coeur de notre métier. Par contre, les questionnements autour de la photographie documentaire m'intéresse beaucoup
Quand on regarde la presse d'aujourd'hui, on s'aperçoit que les magazines s'autorisent beaucoup plus de libertés. Si le photojournalisme reste profondément ancré dans les rédactions de magazines et de journaux, la photographie - elle - s'élargit.
Il faut qu'on trouve de nouvelles façons de la définir. Il faut qu'on réussisse à définir ce qui fera partie du WPP et ce qui n'en fera pas partie.
Selon vous, quelle est la différence entre la photographie de documentaire et le photojournalisme ?
Cette question est très intéressante. C'est déjà difficile de définir le photojournalisme, alors la photographie documentaire, ça l'est encore plus. Elle peut à la fois être très proche du photojournalisme tout comme elle peut s'en éloigner quand elle prend la forme d'un storytelling très personnel. La photographie documentaire a ouvert tout un nouveau champ sur la façon de raconter des histoires. Et ce champ est si large qu'il est difficile de la comparer au photojournalisme.
La série de Giovanni Troilo était un travail d'auteur, le travail de quelqu'un qui avait une opinion très tranchée sur Charleroi et qui l'a montrée dans ses images.
Il y a des institutions et des acteurs dans la photo qui applaudissent ce genre de démarche. Mais le fait que la photographie documentaire soit de plus en plus protéiforme est le signe qu'il faut lui définir des limites. Si on veut intégrer ce style au WPP, il va falloir lui imposer des règles.
Est-ce que le WPP souhaite donner plus de place à la photographie documentaire ?
Nous l'envisageons oui. Nombreux sont les professionnels à nous suggérer de créer une nouvelle catégorie qui accueillerait ces démarches documentaires. Je ne suis pas en train de dire que c'est effectivement ce que l'on va faire. Si nous ouvrons cette nouvelle catégorie, elle sera bien distincte du reste et un lauréat de cette catégorie ne pourra pas prétendre au WPP de l'image de l'année car ce prix là ne peut pas être souple vis-à-vis de la manipulation. »
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