700 travailleurs étrangers "en première ligne" naturalisés : l'arbre qui cache la forêt pour la Cimade
Par Rémi BrancatoIls avaient contribué à la lutte contre l'épidémie, ils vont devenir Français. Près de 700 travailleurs étrangers, en "première ligne" durant la crise du Covid, vont être naturalisés français, a indiqué mardi le ministère à la Citoyenneté. Mais pour autant, cela change-t-il la politique en matière de régularisation ?
Un peu plus de 700 travailleurs étrangers vivant en France seront naturalisés. C'est ce qu'annonce ce mardi Marlène Schiappa. La ministre déléguée à la Citoyenneté avait demandé aux préfets d'examiner les demandes de naturalisation de ces travailleurs considérés comme "en première ligne" pendant les confinements successifs, et notamment les "professionnels de santé, femmes de ménage, garde d'enfants, caissiers..." qui "ont prouvé leur attachement à la nation, c'est désormais à la République de faire un pas vers eux", selon le communiqué des services de la ministre déléguée à la Citoyenneté.
Près de 3 000 personnes ont formulé une telle demande dans les préfectures, environ 700 dossiers ont donc été retenus, mais pour les associations de défenses des étrangers, comme la Cimade, ces naturalisations ne changent pas fondamentalement la politique d'intégration du gouvernement
Lise Faron est la responsable des questions liées au droit au séjour à la Cimade.
FRANCE INTER : L'annonce de Marlène Schiappa de 700 naturalisations, est-ce, selon vous, un geste significatif de nature à augmenter le nombre de naturalisations en France en 2020 ?
LISA FARON : "Non, on n'est pas du tout sur un geste significatif. Quand on voit que sur les dernières années, on était autour de 50 000 naturalisations par an, c'est très peu. Et quand on voit aussi qu'il y a 300 000 ou 400 000 personnes sans papiers qui vivent en France aujourd'hui, qui se mobilisent depuis le printemps pour obtenir une régularisation et qui n'ont obtenu, à ce jour, aucune marque d'attention de la part du gouvernement, donc non ce n'est vraiment pas du tout significatif.
700 ce n'est pas grand-chose. On est 70 millions d'habitants en France, il y a 50 000 naturalisations par an en moyenne, donc ça fait vraiment un tout petit pourcentage et ce n'est pas ça qui va vraiment changer quoi que ce soit à la situation d'accès aux droits des personnes étrangères installées en France aujourd'hui."
Selon vous, le fait d'avoir contribué au travail, à la lutte contre l'épidémie, même en seconde ligne, comme on l'a dit au printemps, ce n'est pas un critère qui peut encourager certaines personnes à demander la nationalité française ?
"Cela a été annoncé comme tel, par le gouvernement, déjà à la suite de la première vague de la crise sanitaire. Il y a plusieurs personnes qui ont clairement été encouragées à demander une naturalisation de ce fait-là. Après, ça reste vraiment une toute petite mesure qui va concerner très peu de monde, comme on le voit aujourd'hui, et qui ne change rien à l'esprit général des politiques migratoires et de la naturalisation de manière globale."
Voulez-vous dire que cette annonce est l'arbre qui cache la forêt d'une politique de régularisation qui reste très stricte et très fermée ?
"Aujourd'hui, on a une politique de régularisation qui est complètement au point mort. Les préfectures n'ont pas réellement rouvert depuis le premier confinement. En fait, ce qui est proposé aujourd'hui, ce sont des rendez-vous Internet, des dépôts de dossiers en ligne, des choses qui sont très, très compliquées, qui marchent très mal. Donc, en pratique, aujourd'hui, on a des préfectures fermées, donc des personnes sans papiers qui n'arrivent pas à demander des titres de séjour et des personnes sans papiers qui se mobilisent, depuis le printemps, pour demander la régularisation et qui n'ont aucune audience. Donc, effectivement, on est vraiment au point mort sur la régularisation. Ce ne sont pas ces 700 naturalisations qui vont contrebalancer cet état de fait."