À la tête d'une start-up, Jessica Nguyen Hoang raconte son parcours de femme en entreprise
Par Christine Siméone
Jessica Nguyen Hoang est à la tête de la branche Europe de l'appli FlipNPik. La journée internationale des droits des femmes le 8 mars, ça l'agace un peu, elle aimerait bien que tout soit plus simple. Rencontre.
Si les femmes sont encore minoritaires dans le monde de la tech et du numérique, le cas de Jessica Nguyen Hoang, à la tête de la branche Europe de l'appli FlipNPik, témoigne qu'il vaut mieux, quand on est une femme, créer son entreprise pour être sûre de se faire respecter.
FlipNpik est un réseau social réunissant commerçants, artisans indépendants autour de leurs clients. Cet outil est pile dans la problématique du moment, celle de la visibilité des commerçants locaux sur internet et ses réseaux, et la possibilité pour les clients de les atteindre, même en cas d'impossibilité physique de se rendre dans leurs boutiques ou ateliers. Conçue aux États-Unis à l'image d'un Tinder entre clients et commerçants, l'appli a été améliorée et développée en Europe depuis un siège social à Annecy. Pour Jessica Nguyen Hoang, "développer cette nouvelle version en Europe depuis la France, pays de la gastronomie et de l'artisanat, c'était une évidence".
Le sujet est particulièrement d'actualité, début 2020 seulement 15% des petits commerçants avaient une visibilité en ligne alors que 40 millions d’internautes français, soit 8/10, achètent un produit ou un service via un site e-commerce. L'appli a donc multiplié par cinq le nombre de commerçants visibles sur ses pages courant 2020, mais persiste, pour l'instant à leur offrir cette mise en avant gratuitement, en attendant que la situation sanitaire s'améliore pour tous.
Dans l'immobilier, "servir des cafés et rester à la photocopieuse"
Jessica n'est pas tombée dans le monde de la tech et du numérique comme Obélix dans la potion magique. Jeune fille, elle a quitté la France pour la Suisse pour raison familiale, et y a commencé ses études. Assez vite, elle opte pour le monde du travail, et le secteur de l'immobilier en particulier. Alors qu'elle est une toute jeune vendeuse, son patron lui fait comprendre un jour qu'elle ne serait _"bonne qu'à servir des cafés et rester à la photocopieuse". _L’immobilier est un milieu machiste, mais Jessica n'est pas du genre à se laisser faire donc elle démissionne.
Être patronne à 23 ans, "ça met mal à l'aise"
Elle a lors 23 ans, et elle crée une entreprise de distribution de cosmétiques dans les hôtels et les spas en Suisse. "Je n'osais pas dire que j'étais la patronne, à 23 ans, ça me mettait mal à l'aise". Donc quand les clients demandaient une remise elle pouvait répondre qu'elle en parlerait à sa responsable. Mais, pour certains clients non plus, une patronne de 23 ans, ce n'est pas facile à accepter. "Parfois les patrons de spas me disaient d'emblée qu'ils préféraient traiter avec le patron plutôt que l'apprentie".
Jessica Nguyen Hoang n'a pas fait pour autant du féminisme un cheval de bataille, elle s'est défendue pour se faire respecter.
Le patron trop insistant
Elle a ensuite été embauchée comme salariée dans une société qui loue des espaces d’affichage publicitaire dans les transports en public. Là, un scénario trop bien connu s'est produit : "le patron était insistant, avait des réflexions limites, bon on savait qu'il était comme ça, mais au bout d'un moment, j'ai préféré partir."
Ciao le patron insistant et lourdingue, tout ça a donné à Jessica Nguyen Hoang l’envie de se battre et de ne pas se laisser faire. C'est à ce moment que l'aventure FlipNpik a commencé.
La situation s'améliore
À l'âge de trente ans, Jessica Nguyen Hoang se retrouve à la tête de cette start-up et une équipe de cinq personnes, à l'issue d'un parcours atypique. Comme toutes les femmes, la journée du 8 mars, ça l’agace un peu. La situation des femmes dans le monde numérique, qu’elle explore désormais à la tête de l'appli FlipNpik, est plutôt en train de s'améliorer selon elle. "Que ce soit dans des négociations financières ou autres, je n'ai pas l'impression que le fait d'être une femme soit un handicap. C'est vrai qu'on dit que dans le monde numérique les femmes sont moins nombreuses, moins souvent aux postes à responsabilité, mais c'est vraiment en train de changer je crois. Le monde de la tech est assez bienveillant, c'est aussi un monde d'entraide, même si comme partout il y a des gens malhonnêtes. Il n'y a qu'un seul homme dans notre équipe, et 5 femmes, en attendant de doubler l'effectif, ce sont des couteaux suisses, toujours en apprentissage de nouveaux outils ou techniques. Mais ce n'est pas par volontarisme, les choses se sont faites comme ça".
Jessica Nguyen Hoang estime tout de même que "oui il y a encore des progrès à faire," que ce soit pour veiller au non formatage des intelligences artificielles ou éviter les clichés de genre et le harcèlement en entreprise. "Les hashtags comme balancetastartup, ou balancetonstage, et les témoignages de ce type sur les réseaux sociaux, finissent par obliger les hommes à faire attention à leur comportement ou leur management. Le fait qu'ils réfléchissent avant de parler ou d'agir parce qu'ils craignent de faire des remarques déplacées, je trouve que c'est très bien."