A Londres le Parlement inflige une défaite historique à Theresa May en rejetant l'accord de Brexit
La chambre des Communes a rejeté l'accord de Brexit proposé par Theresa May par un vote historique 432 voix contre 202. C'est la plus lourde défaite essuyée par un dirigeant britannique depuis les années 1920, et qui plonge encore un peu plus le pays dans la confusion.
A moins de trois mois du Brexit, les députés britanniques ont infligé mardi une défaite historique à la Première ministre Theresa May en rejetant massivement son accord de sortie de l'UE, déclenchant le dépôt d'une motion de censure par l'opposition travailliste. La chambre des Communes a recalé le texte par 432 voix contre 202.
En première ligne dans ce dossier côté européen, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a réagi en estimant que "le risque d'un Brexit sans accord s'est accru". "J'appelle le Royaume-Uni à clarifier ses intentions dès que possible. Le temps est presque écoulé", a-t-il ajouté, le Brexit étant programmé pour le 29 mars.
A peine le résultat connu, le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn, qui réclame depuis des semaines des législatives anticipées, a présenté une motion de censure contre le gouvernement britannique, qualifiant ce vote de "catastrophique" pour l'exécutif conservateur.
Le rejet de cet accord est tout sauf une surprise tant était forte l'opposition à ce "Traité de retrait" de l'UE, âprement négocié pendant 17 mois avec Bruxelles, mais qui n'a convaincu ni les Brexiters, ni les europhiles.
Theresa May a désormais jusqu'à lundi pour présenter un "plan B" - si elle n'est pas désavouée par la motion de censure travailliste, qui sera votée mercredi.
Plusieurs options s'offrent à elle : s'engager à retourner négocier à Bruxelles ou demander un report de la date du Brexit, prévue le 29 mars. Le vote de mardi ouvre également la possibilité du divorce sans accord évoquée par M. Juncker, une option tout particulièrement redoutée par les milieux économiques.
"La chambre a parlé et ce gouvernement écoutera", a déclaré Theresa May après le vote, proposant des discussions entre partis pour déterminer la voie à suivre.
Vote contre le texte proposé par Theresa May
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"Un jour amer pour l'Europe"
Malgré l'ampleur de la défaite, un porte-parole de Downing Street a assuré que la cheffe du gouvernement ne démissionnerait pas.
Les 27 "vont rester unis", a déclaré un porte-parole du président du Conseil européen Donald Tusk, le président français Emmanuel Macron estimant que "la pression" pour trouver une solution était "du côté" des Britanniques".
Le rejet de l'accord est un "jour amer pour l'Europe", a estimé pour sa part le ministre des Finances et vice-chancelier allemand Olaf Scholz. "Nous sommes prêts. Mais un Brexit dur est la pire de toutes les possibilités pour l'UE, mais surtout pour le Royaume-Uni", a-t-il dit, sur Twitter.
Évoquant également cette perspective, le gouvernement irlandais a annoncé intensifier ses préparatifs face au risque d'un "Brexit désordonné".
Ce vote a ravivé les passions dans un Royaume-Uni profondément divisé depuis le référendum de juin 2016, avec une classe politique se montrant incapable de se mettre d'accord sur le type de relation souhaitée avec l'UE, entre rupture franche et maintien de liens étroits. La tension était palpable dans les milieux financiers, prêts à faire face à une forte volatilité des actifs britanniques.
Initialement prévu en décembre, le vote avait été reporté à la dernière minute par Mme May pour éviter une défaite annoncée et tenter d'obtenir des "assurances" supplémentaires des dirigeants européens. Ceux-ci se sont contentés de réaffirmer lundi que l'UE ne souhaite pas l'entrée en vigueur de la disposition la plus controversée de l'accord, celle du "filet de sécurité" ("backstop" en anglais).
Cette option de dernier recours prévoit de maintenir le Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE pour éviter le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord, si aucune autre solution n'est trouvée à l'issue de la période de transition post-Brexit. Les conservateurs pro-Brexit y voient une forme d'ancrage indéfini dans l'UE et le petit parti unioniste nord-irlandais DUP une menace pour l'intégrité du Royaume-Uni.