À Marseille, Magali, expulsée de chez elle en une heure pour raisons de sécurité

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À Marseille, Magali, expulsée de chez elle en une heure pour raisons de sécurité

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A Marseille, Magali Delorme, expulsée, est logée aux Citadines depuis plus d'un mois
A Marseille, Magali Delorme, expulsée, est logée aux Citadines depuis plus d'un mois
- Bruno Cousin

Elle fait partie des 650 délogés toujours obligés de vivre à l'hôtel. À Marseille, l'effondrement de deux immeubles rue d'Aubagne, il y a tout juste six mois, faisant huit morts a entraîné une série d'évacuations préventives. L'immeuble de Magali ne menace pas de tomber, mais celui d'à coté, lui, oui.

Magali Delorme, 42 ans, habite avec son compagnon un appartement du quartier du Panier à Marseille, montée des Accoules. Son immeuble est sain, il a été réhabilité. Pourtant, fin mars, la mairie lui ordonne de quitter les lieux, car l'immeuble mitoyen menace de s'effondrer. Or, cet immeuble appartient à Marseille Habitat, bailleur social, et est laissé à l'abandon depuis au moins 15 ans. "Le 27 mars, je reçois ce coup de fil de la mairie. Je n'étais pas chez moi, mon compagnon non plus. Nous avions eu une heure pour revenir illico prendre deux pantalons et deux tee-shirts. En une heure, vous vous retrouvez avec un sac" raconte-t-elle.  

Un périmètre de sécurité est installé dans leur quartier. La mairie tente dans un premier temps de les faire dormir dans un gymnase réquisitionné. Ils refusent : "Impossible !" dit Magali. "J'ai besoin de matériel pour travailler, je ne peux pas l'installer dans un gymnase.

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Secrets d’info
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Le couple obtient alors une chambre d'hôtel, très loin de leur logement et de leur travail, dans un Ibis Budget à l'autre bout de la ville. Puis ils sont déménagés, quelques jours après, dans une résidence hôtelière où, chaque semaine, la personne de l'accueil leur annonce s'il a reçu par mail les bons d'hébergement de la part de la mairie pour régler leur séjour. 

"Leur logement", c'est 18 mètres carrés, avec un coin cuisine. Confortable certes, mais où il a fallu acheter le minimum de vaisselle. Un appartement également dépourvu de machine à laver. "Nous avons tout de même de la chance par rapport aux familles avec enfants qui se retrouvent dans des situations plus compliquées" concède Magali.  

L'avenir de son entreprise en suspens

L'incertitude est d'autant plus grande que lors d'un conseil municipal, le maire Jean-Claude Gaudin a laissé entendre qu'il allait falloir laisser la place pour les touristes. "Nous venons d'apprendre que nous sommes logés ici jusqu'au 30 mai avec probabilité qu'on nous redéloge avant car la saison touristique arrive."

Esthéticienne à domicile, Magali a le statut d'artisan et tout son matériel se trouve normalement chez elle. Son entreprise est d'ailleurs domiciliée à son logement. Partie précipitamment, elle n'a pu emporter que le minimum. Elle doit racheter petit à petit le matériel qu'elle stocke chez les parents d'une amie : "Je dois racheter en permanence du matériel, des outils, du linge de toilette. Et tout ceci n'est pris en compte nulle part".

Dans l'expectative, le couple est contraint de payer ses charges

Magali et Bruno, son compagnon, sont propriétaires de leur appartement, montée des Accoules. Or, les personnes délogées doivent continuer de payer leurs factures d'électricité, de box internet et autres charges. Quant à leurs assurances, elles ne leur donnent aucun espoir de remboursement, la situation n'étant pas prise en compte dans leurs contrats.

Les expertises n'ont pas encore commencé dans son immeuble et Magali n'a aucune idée du temps qui va passer avant qu'elle ne puisse réintégrer son appartement. "On ne sait absolument pas pour combien de temps on en a. Ce que je demande c'est qu'on nous dise par exemple que pendant trois mois on peut se poser. Là, on ne sait pas de quoi demain sera fait. Psychologiquement ce n'est pas humain" . 

Une heure autorisée dans leur logement

À force d'appels téléphoniques, Magali et Bruno ont pu retourner chez eux le 2 mai pour aller chercher quelques affaires. Ils ont eu droit à une heure, accompagnés des pompiers et des policiers. Un moment à la fois rassurant et éprouvant : "Bien sûr en une heure, nous n'avons pas pu récupérer 17 ans de vie !"

Ils ont pu constater que leur rue était fermée à la circulation, mais que les piétons pouvaient passer. 

Périmètre de sécurité mis en place dans le quartier du Panier interdisant aux habitants de réintégrer leur logement
Périmètre de sécurité mis en place dans le quartier du Panier interdisant aux habitants de réintégrer leur logement
- Magali Delorme

Quid de l'avenir ? À la question de savoir si, à terme, Magali et Bruno garderont leur appartement, elle ne peut répondre pour l'instant. "J'ai fermé la porte le 27 mars. Mais j'ai besoin de rouvrir ma porte. Je ne peux pas pour l'instant faire le deuil de mon appartement, c'est quelque chose que je n'ai pas choisi."