À une maraude pour vacciner les sans-abris, quelques réfractaires mais de nombreux bénéficiaires
Par Lauriane Delanoë
Les sans domicile fixe figurent parmi les populations les plus fragiles face à l’épidémie de Covid-19. Des médecins vont à leur rencontre, pour leur proposer le vaccin, comme à Rueil-Malmaison, en région parisienne.
Eux aussi, ils ont le droit d'être vacciné. Dans les Hauts-de-Seine, ils peuvent compter sur Guy Lessieux. Ce médecin généraliste est à la retraite depuis 15 ans, installé par le passé en cabinet à Boulogne-Billancourt, depuis 24 ans il est bénévole à l’Ordre de Malte. Il y est arrivé au moment de la création de la maraude médicale des Hauts-de-Seine, c’était la première en France, qu’il a participé à créer et mettre en forme. Deux à trois fois par mois, il fait la maraude médicale. Dix médecins bénévoles se relaient. Deux maraudes sont organisées chaque semaine, les mardis et jeudis soir, sur tout le département.
Depuis septembre, Guy Lessieux a l’autorisation de faire des vaccins contre le Covid-19 aux sans-abris. Il avait lancé les démarches au mois de juillet. Entre la demande à l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France puis l’arrêté préfectoral, il a fallu trois mois.

"Moi je me vaccine à la bière"
Environ 80 vaccinations dans la rue et en centre d’hébergement ont été réalisées depuis septembre. "La médecine auprès des personnes de la rue est très difficile, car elles perdent souvent les papiers ou les oublient" déclare Guy Lessieux. "Quand je suis allé dans un centre d’hébergement pour femmes de Rueil-Malmaison, certaines n’avaient pas le certificat de leur première ou deuxième vaccination anti-Covid" constate-t-il. Conséquence : sur ce papier, il y a un code qui leur a été attribué au premier vaccin et qui leur sert d’identifiant. "Il faut ce code pour les 2e et 3e doses, pour faire le certificat et le pass sanitaire" précise le médecin.
Guy Lessieux reconnaît que certains sans-abris refusent la vaccination, ce n'est pas nécessaire estiment-t-ils : "Il y a par exemple celui qu’on surnomme "Patoche" que je tente de convaincre, il me dit «non, moi je me vaccine à la bière»".
On peut penser qu’il y a moins de risque de contamination pour les personnes à la rue qui dorment dehors, car elles sont à l’écart. Mais pour celles qui dorment dans les foyers d’hébergement, c’est beaucoup plus important. De toute manière, c’est capital, il faut les vacciner.
Dans le centre d’hébergement de Rueil-Malmaison, visité la semaine dernière par le médecin lors de sa maraude, cinq femmes sur les 30 ont demandé à se faire vacciner. La plupart souhaitaient recevoir une troisième dose. "J’ai besoin du pass sanitaire par exemple au Secours Populaire ou autre distribution, on nous demande le pass" assure l’une d’elle.
En pharmacie, "il n’y avait pas de place"
Samia, 55 ans, est sans domicile fixe depuis un an . Elle n’a plus été payée avec la crise sanitaire, un cercle vicieux s'est enclenché. "Je ne me suis pas fait prier pour faire le vaccin" raconte Samia. Pour les premières doses, "j’avais pris rendez-vous sur Doctolib, en centre de vaccination". "Pour la troisième, j’ai cherché et je n’ai pas trouvé de plage horaire. C’est formidable (que le médecin nous vaccine au centre d’hébergement), ils aident les personnes à avoir de la dignité."
Une autre sans-abri, Daniela, 50 ans, explique qu’elle a tenté de prendre un rendez-vous dans la pharmacie où elle a fait ses deux premières doses l’été dernier : "Il n’y avait pas de place avant janvier, donc c’est très bien qu’ils viennent !"