Affaire Duhamel : le directeur de Sciences Po Paris Frédéric Mion démissionne
Par Olivia CohenDans une lettre aux élèves et aux enseignants, le directeur de Sciences Po Paris annonce ce mardi sa démission. Frédéric Mion était soumis à de vives pressions depuis les révélations de plusieurs médias, selon lesquelles il connaissait les accusations d'inceste portées contre Olivier Duhamel par Camille Kouchner.
Il était dans une situation intenable depuis les révélations concernant l'affaire Duhamel. Frédéric Mion démissionne de son poste de directeur de Sciences Po Paris. Il l'a annoncé dans un courriel adressé aux étudiants et aux enseignants de l'école, que France Inter a pu consulter.
Il était soumis à de vives pressions depuis les révélations de plusieurs médias, selon lesquelles il connaissait depuis 2019 les accusations d'inceste portées contre Olivier Duhamel par sa belle-fille Camille Kouchner et révélées dans un livre "La Familia grande", paru le 7 janvier. Frédéric Mion s'en était d'ailleurs expliqué dans une lettre aux étudiants, envoyées le jour de la parution de l'ouvrage, parlant d'un "choc pour notre institution".
"Notre maison traverse", écrit Frédéric Mion dans cette lettre, "depuis la révélation des graves accusations portées contre Olivier Duhamel, une période très douloureuse. Depuis ce jour, toutes mes décisions ont été guidées par la volonté de préserver notre établissement. [...] J’ai jugé en conscience que mon devoir était de ne pas quitter mon poste avant que soit menée à bien l’enquête diligentée, à la demande de la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche."
Des erreurs de jugement
"Le rapport provisoire de cette inspection", poursuit Frédéric Mion, "qui m’a été adressé ce jour [mardi], confirme qu’aucun système de silence concerté ou de complaisance n’a existé au sein de notre établissement. Il ne désigne aucun manquement dans la manière dont l’établissement a traité cette affaire et aucune défaillance dans notre gouvernance. [...] Le rapport pointe toutefois de ma part des erreurs de jugement, dans le traitement des allégations dont j’avais eu communication en 2018, ainsi que des incohérences dans la manière dont je me suis exprimé sur le déroulement de cette affaire après qu’elle a éclaté."
"Je mesure le trouble qui en résulte et j’en assume l’entière responsabilité. [...] C’est pourquoi j’ai décidé de présenter ma démission aux membres de nos conseils et à la Ministre de l’enseignement supérieur. J’espère qu’elle permettra le retour à la sérénité si nécessaire au travail de toutes et de tous", conclut Frédéric Mion.
De nouvelles révélations de Marianne
Dans le récit autobiographique de 200 pages écrit par Camille Kouchner, à la parution duquel "Victor" ne s'est pas opposé, l'avocate accuse Olivier Duhamel, politologue de renom et influent, ancien eurodéputé et habitué des médias, d'avoir agressé sexuellement son jumeau à la fin des années 80. Ces révélations ont entraîné la démission d'Olivier Duhamel de la présidence de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), qui chapeaute Sciences Po, de celle du club d'influence "Le Siècle" et la fin de ses collaborations avec LCI ou Europe 1.
Dans un article publié ce mardi sur le site de l'hebdomadaire Marianne, le préfet Marc Guillaume, membre du conseil d'administration du "Siècle" et ex-secrétaire général du gouvernement, qui a longuement travaillé au côté d'Olivier Duhamel, a admis avoir été informé à deux reprises de "'problèmes sexuels' concernant Olivier Duhamel. 'Mais pas d’inceste', a-t-il nuancé".
La première fois se déroule au printemps 2018 : l'alerte est donnée par Frédéric Mion, le directeur de Sciences Po, conseiller d’État comme lui, qui le tient de la bouche d'Aurélie Filippetti, l’ancienne ministre de la Culture sous François Hollande et alors professeure à Sciences Po.
La seconde fois, révèle Marianne, a lieu fin 2019, "quand Olivier Duhamel a été élu à la présidence du Siècle" : "Louis Dreyfus, patron du Monde et compagnon de Camille Kouchner, s’en indigne, et une seconde alerte arrive aux oreilles du secrétaire général du gouvernement. Cette fois-ci, [Marc Guillaume] prend le parti d’en parler directement à Olivier Duhamel. La conversation aurait été tendue. 'Je n’ai à rougir de rien, je n’ai rien à me reprocher et aucune raison de démissionner de quoique ce soit', lui aurait répondu le constitutionnaliste, mettant fin à la conversation et à tout scénario de démission."